crédit photo: Jesse di Meo
Rammstein

Rammstein au Parc Jean-Drapeau | L’occasion idéale de sortir les métaphores de feu

Quand on est rédacteur en chef d’un média culturel depuis quelques années, on en a vu passer des expressions béquilles en lien avec le feu. C’est cliché, surutilisé, souvent paresseux. Mais quand il est question du groupe de métal pyromane allemand Rammstein qui lance sa fameuse tournée de stades nord-américains avec un spectacle au Parc Jean-Drapeau, on peut se gâter !

Un « band de feu » qui « brûle les planches » pour « enflammer la foule ».

Ça a été écrit maintes fois, à tort et à travers.

Le plus courant, c’est un artiste « littéralement en feu ».

Je me suis toujours fait un devoir de rappeler aux collaborateurs de Sors-tu? que le mot « littéralement » doit être au pris au sens… littéral.  « En principe, un chanteur ou une chanteuse n’est jamais littéralement en feu », m’ai-je appliqué à répéter, en ajoutant « … sauf si c’est Rammstein. »

Cette exception remonte à loin : j’ai assisté à mon premier spectacle du groupe métal allemand en 1999, au Métropolis. À l’époque, Rammstein était déjà adepte des pyrotechnies, des lance-flammes et des boules de feu. Même qu’à un moment dans le spectacle, le chanteur — ou plutôt probablement un cascadeur / doublure de scène se faisant passer pour le chanteur — était « victime d’un accident de pyrotechnie » et prenait littéralement en feu. Le spectacle s’arrêtait, des techniciens éteindaient le feu sur le dos du pauvre homme avec des extincteurs, dans un moment où on tentait de faire croire à la foule que c’était vraiment un accident terrible. Et évidemment, le chanteur Till Lindemann s’en relevait plus fort que jamais, et le spectacle se poursuivait.

Là, on pourrait vraiment écrire que « le chanteur est littéralement en feu » !

Alors imaginez vingt-trois ans plus tard, alors que Rammstein a les moyens de ses ambitions parce qu’il peut faire des tournées de stades bien remplies, attirer près de 43 000 personnes au Parc Jean-Drapeau — c’est plus que chacune des soirées d’Osheaga pour donner un ordre de grandeur — par un dimanche soir de météo menaçante, et dépenser sans compter pour créer une scène gigantesque sur mesure — 200 pieds de large, 100 pieds de profond, 120 pieds de haut — avec des canons à feu et des grandes tours à pyrotechnies.

C’est la démesure incarnée.

Et pas juste en matière de feu.

En matière de décibels aussi.

Le son, nous dit-on, provient de 170 amplificateurs LA12X, avec des sorties de 12 000 watts, pour un total de 2 040 000 watts de puissance.  Ça ne vous dit rien ?  Concrètement, ça signifie que les gens de Saint-Lambert n’étaient pas les seuls à pouvoir se plaindre du bruit dimanche soir : des témoins nous ont confirmé avoir reconnu les chansons de Rammstein aussi loin que Longueuil et le Plateau Mont-Royal !

Tout ça au service de chansons évidemment heavy, tirées de presque tous les albums de leur répertoire, du premier Herzeleid en 1995 (Heirate mich et Rammstein), jusqu’au tout nouveau Zeit (la chanson titre, Zick Zack ou encore Adieu en toute fin de spectacle) paru en avril dernier, en passant par les deux plus populaires, sans doute, Sehnsucht (1997) et Mutter (2001).

En fait, on dit « des chansons heavy », mais pour ceux qui l’ignorent, les paroles de Rammstein sont en fait plutôt… douces par moments.

Quelques petites traductions pour bien brouiller votre perception des chansons du groupe :

  • Mein Herz brennt = mon coeur brûle
  • Heirate mich = épouse-moi
  • Du riechst so gut = tu sens très bon
  • Radio = radio
  • Pussy = petit chaton
  • Du hast mich gefragt und ich hab nichts gesagt = tu m’as demandé et je n’ai pas répondu

Cette dernière est sans doute une référence à ceux et celles qui n’ont pas apporté de bouchons pour les oreilles dimanche soir.

Ça a pourtant commencé plutôt tranquillement d’ailleurs, avec Armee der Tristen et Zick Zack, sans trop de pétarades, mais on ne payait rien pour attendre.

Dès Links et Sehnsucht, ça s’est réchauffé (bon, encore une allusion au feu!) pour ne plus redescendre.

Quelques mises en scène abracadabrantes nous ont laissé pantois, comme ce gigantesque carosse amené sur scène durant Puppe (bon, celle-là est moins douce et parle d’une histoire tordue en lien avec un bébé) qui contenait un poupon mutant épeurant, qui allait évidemment prendre feu, suivi d’une pluie de confettis noirs partout sur le parc Jean-Drapeau. Spectaculaire, bien sûr… Mais WTF !

On ne comprend pas trop pourquoi, non plus, le clavieriste jouait sur un tapis roulant tout au long du spectacle.

Enfin, on fait bien des blagues, mais c’est tout de même rafraîchissant de voir des mises en scène d’une telle ampleur pour autre chose que des vedettes de la pop radio.  Un groupe métal qui attaque son claviériste à coup de turbo-lance-flamme pendant qu’il se cache dans un gros BBQ géant, c’est l’équivalent métal absurde d’un show de Katy Perry. Et il faut apprécier le simple fait que ça existe. Et ne jamais arrêter de s’émerveiller face au sac-à-dos lance-flamme que porte Lindemann durant Rammstein.

Petite touche intéressante aussi lors de l’interprétation d’Engel : le groupe l’a chantée sur la plateforme érigée au milieu de la foule, où le Duo Abélard  — deux pianistes françaises qui ont repris des chansons de Rammstein en duo au piano — avait joué deux heures plus tôt, en première partie. Parce que oui, il existe un duo de pianistes françaises qui reprennent des chansons de Rammstein au piano. Et elles font la première partie de Rammstein.

[N.D.L.R. – Erratum: En fait, il y en a même deux : le Duo Abélard, et Duo Játékok, que nous avions précédemment identifié de manière erronnée dans le paragraphe précédent.]

La finale était ensuite absolument capotée avec Pussy et le fameux canon phallique qui expulse une quantité ahurissante de mousse blanche et de confettis, Rammstein et tout l’appareillage lance-flamme sur les manches de guitares et dans le dos du chanteur, la populaire Ich Will, ainsi que la bien-nommée Adieu en toute fin.

Rammstein ne se réinvente peut-être pas musicalement, mais le groupe a su pousser sa direction artistique scénique au maximum, et il en découle un gros show spectaculaire, ultra-divertissant et cathartique à souhait. Tout ça, tenu de mains de maître par des musiciens fort compétents, qui jouent le jeu à fond la caisse, sans délaisser la qualité de leur interprétation.

On peut le dire : ils sont littéralement en feu !

 

Grille de chansons

1. Armee der Tristen
2. Zick Zack
3. Links
4. Sehnsucht
5. Zeig Dich
6. Mein Herz brennt
7. Puppe
8. Heirate mich
9. Zeit
10. DJ Set
11. Deutschland
12. Radio
13. Mein Teil
14. Du Hast
15. Sonne
16. Engel
17. Ausländer
18. Du riechst so gut
19. Pussy
20. Rammstein
21. Ich will
22. Adieu

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