Queen Rock Montreal au cinéma : Le rock, le vrai
Queen enflammait un Forum bondé et galvanisé. Et non pas en 1981. Enfin si, mais Queen enflammait également un Forum comble plusieurs fois ce week-end, comme un autre cinéma sur Sainte-Catherine, ou un autre à Ottawa, un autre à Toronto. Queen Rock Montreal était présenté en IMAX dans les cinémas d’une cinquantaine de territoires à travers le globe, du 18 au 21 janvier derniers seulement.
Nous sommes en 1981. Les mulets et les lunettes d’aviateur sont encore diablement à la mode. Queen vient de faire paraître son huitième album intitulé The Game l’année dernière, et commence à rejoindre un public de plus en plus grand.
En tournée, le quatuor s’arrête les 24 et le 25 novembre au Forum, l’ancien temple du hockey montréalais, pour livrer probablement l’une des performances les plus électrisantes de l’histoire de l’établissement.
Play the Game
Des orages qui concordent avec le feu des projecteurs. Du bruit. Un tonnerre de bruit.
Et des poings levés.
La réalisation se promène entre le public du Forum et la scène durant l’introduction du film, avant de faire briller le groupe anglais lors de son entrée sur une version particulièrement agitée de We Will Rock You.
Ce qui frappe avant tout le téléspectateur dans le confort de son siège, simplement la qualité extraordinaire de l’image : les attentes devaient logiquement être hautes après la communication du groupe ces dernières semaines, misant grandement sur l’exclusivité d’une production IMAX malgré la distribution d’un film déjà poussiéreux (Queen Rock Montreal est paru en DVD en 2007, plus précisément).
Hautes, mais rejointes.
En omettant quelques très rares plans hasardeux, le long-métrage propose une qualité visuelle époustouflante de bout en bout, ainsi qu’un système de son laissant croire que Queen performe en direct, devant les yeux de ses fans nostalgiques comme ceux de ses autres fans nostalgiques de ne jamais les avoir connus de leur vivant.
Le concert de Queen au Forum en 1981 se situe à la frontière parfaite entre son époque glamour et sa période pop. Seul Brian May arbore dorénavant des cheveux longs dans le quatuor, alors que les compositions folkloriques, quasi-progressives des premiers albums de Queen à la Fairy King se font peu à peu remplacer par le groove d’un Another One Bites the Dust. Queen commence tranquillement à se perdre dans ses offrandes studio, mais ne demeure pas moins tout aussi extraordinaire et envoûtant dans son penchant live.
Après la version effrénée de We Will Rock You, Let Me Entertain You et Play the Game, Queen retombe dans ses vieux amours avec le sublime Somebody to Love et Killer Queen.
Les performances vocales de Freddie Mercury sont impeccables, évidemment, mais surtout sublimées par le système de son de la salle de cinéma. Le chanteur sait autant s’adapter à la tendresse de Love of my Life, en duo avec May et sa guitare à 12 cordes, que chercher la puissance spectaculaire de son coffre dans Tie Your Mother Down.
Mais en y repensant, que dire sur Freddie qui n’a jamais été dit, écrit. L’artiste est probablement doté de la plus belle voix de l’histoire de la musique, représente l’une des plus grandes rock star que l’Angleterre ait connue et a su s’imposer comme l’une des premières icônes de la communauté LGBTQ. Un tel charisme, une prestance pareille, ça ne se regarde pas sur son téléphone ou son ordinateur, ça s’apprécie en grand écran, en IMAX.
Tout au long du spectacle, Freddie Mercury se dénude peu à peu, abandonnant d’abord sa camisole Superman pour ensuite retirer une grande partie de son pantalon, entamant les ultimes chansons de la soirée armé d’un short très court et d’une casquette des Canadiens de Montréal.
Mais contrairement au machisme d’un Adam Levine qui retire son tee-shirt pendant la mi-temps du Super Bowl ou d’une Ice Spice qui gigote ses fesses sans but, quand Freddie se dénude ou montre son fessier, aucune vulgarité n’est à distinguer. Un peu de provocation, peut-être, mais jamais dans l’obscénité. Freddie est à la frontière de la masculinité et de la féminité, joue de son public comme du yo-yo et livre soir après soir des performances vocales à faire rougir les plus grands chanteurs de ce monde.
Et c’est pour ça qu’on l’aime, Freddie. C’est pour ça que même la maladie ne le tuera jamais.
Le futur de l’événementiel
Queen Rock Montreal en est l’exemple, l’industrie de l’événementiel tente de se renouveler depuis quelque temps. The Eras Tour de Taylor Swift s’essayait à l’exercice, de présenter des images de spectacles en salles de cinéma l’année dernière, comme le mythique guitariste de Pink Floyd, David Gilmour, en 2017, avec sa version revisitée d’un concert à Pompéi.
Quels sont les avantages de ce type de films? Avant tout, bien sûr, l’accessibilité. Un billet ne coûte qu’une vingtaine de dollars, et permet d’apercevoir sur grand écran, et dans des conditions s’apparentant davantage à un concert, des artistes de renom, vivants comme décédés.
L’événement que constituent les projections de Queen Rock Montreal est un autre avantage notable des concerts filmés. Le film existe depuis près de 20 ans et est disponible en version physique comme sur YouTube, mais rien n’équivaut à l’attente d’une soirée, à se retrouver assis parmi d’autres fanatiques d’un même artiste ou groupe. En ne projetant la performance que sur quatre soirs, la production sait qu’elle peut se reposer sur des salles combles uniquement, et non sur un intérêt qui perd en vigueur à travers les semaines comme n’importe quel long métrage à l’affiche deux, trois, quatre mois.
Il est hautement compliqué de recréer l’ambiance électrique d’un spectacle, et le format d’un film-concert semble être l’alternative s’en rapprochant le plus. Le futur de l’événementiel. Ou bien?
Après 40 ans de séparation, les quatre anges d’ABBA remontaient sur les planches sous forme d’hologrammes dans une salle spécialement conçue pour l’occasion. KISS a récemment annoncé un projet similaire, pour continuer à faire vivre la légende du groupe, alors qu’Elvis Presley renaîtra de ses cendres de la même manière.
Les puristes n’apprécieront pas, certainement. Les plus ouverts de ce monde, de l’autre côté, doivent brûler d’impatience de savoir ce que cette technologie leur réserve.
En attendant, au milieu du débat, je vais aller réécouter A Night at the Opera sur ma platine.
L’aiguille se pose, le chef-d’œuvre tourne sur lui-même, et nous voilà repartis pour 43 minutes de pur bonheur.
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