crédit photo: Marita Madeloni
FANNY

POP Montréal 2021 | Fanny, les légendes oubliées du Rock and Roll

Après être tombé dans l’oubli total à la suite de sa dissolution au milieu des années 70, Fanny, le tout premier groupe de rock féminin à obtenir un succès commercial, est en cavale pour se réapproprier ce qui lui est dû. Réunies depuis 2018 pour l’enregistrement de l’album Fanny Walked the Earth, les membres du groupe, aujourd’hui septuagénaires, seront de passage à POP Montréal le 22 septembre pour la projection du film Fanny: The Right to Rock, réalisé par Bobbi Jo Hart.

 

Les femmes se battent encore et toujours pour leur droit de jouer du rock, leur droit d’être accepté dans le monde du Rock and Roll.

 

Le documentaire, dont la première s’est déroulée au Festival international canadien du documentaire Hot Docs, raconte l’histoire tumultueuse de ce groupe non seulement composé de femmes, mais entre autres de femmes lesbiennes et/ou racisées. Patti Quatro, June Millington, sa soeur Jean Millington et Alice de Buhr, les quatre membres du groupe ayant pu se présenter en entrevue avec Sors-tu?, s’entendent pour dire que « le nom du film est parfait ».

« Les femmes se battent encore et toujours pour leur droit de jouer du rock, leur droit d’être accepté dans le monde du Rock and Roll », a simplement expliqué Alice, une des deux batteuses ayant joué avec Fanny. « Encore aujourd’hui, il y a un plafond de verre qui fait en sorte qu’on ne voit pas assez de groupes entièrement féminins remporter des Grammys et se faire reconnaître », appuie Jean, la bassiste et chanteuse.

Le début des années 1970, c’est l’ère des brassières en feu et de la Women’s Strike for Equality. Pourtant, les membres du groupe ne se sentaient pas particulièrement interpellées par le mouvement féministe. « Nous n’avions pas besoin d’aller à la rue ou d’en parler, on le concrétisait sur scène », s’exclame Alice.

Aujourd’hui, elles admettent avoir été féministes sans le savoir: elles avaient des bâtons dans les roues à cause de leur orientation sexuelle, leur genre, ainsi que leurs origines philippines. « Nous étions certaines que nous avions le droit de rocker, mais nous étions certainement les seules à être de cet avis », avoue June.

Reconnaissance de leur pairs

À défaut d’avoir de la reconnaissance de la part de l’industrie, ces femmes en avaient pourtant de la part de grands artistes de l’époque. David Bowie a d’ailleurs confié au magazine Rolling Stone que le jour où Fanny, « un des groupes les plus importants de l’histoire », serait reconnu à sa juste valeur, il aurait enfin accompli son travail de vie en bonne et due forme.

Joe Elliot, Cherrie Currie, Bonnie Raitt, Kathy Valentine, et Earl Slick sont quelques-unes des légendes de la musique qu’a réunies Bobbi Jo Hart pour discuter de l’impact, non seulement social, mais surtout musical qu’a eu Fanny.

Car c’est simplement par amour pour la musique que s’est formé le groupe, pas pour prendre part à un mouvement social. « Nous savions que nous étions pas mal au-dessus de n’importe quels autres musiciens, que notre talent dépassait franchement celui du reste », se rappelle June en entrevue. Aucun besoin de rester faussement humble quand nos exploits sont restés dans l’ombre pendant cinquante ans.

Quand Alice a réalisé qu’elles avaient été oubliées, que personne ne les mentionnait, la batteuse dit avoir vu noir. « Il me semblait que la musique que nous avions créée était importante, j’étais vraiment en colère », tranche-t-elle. Elle a donc décidé de contribuer à un site web sur leur histoire, dans le but d’empêcher au nom de s’effacer de l’histoire. C’est à partir du site fannyrocks que Bobbi Jo Hart a tendu une première perche en sa direction, en 2016.

La réalisatrice, qui n’a malheureusement pas pu être présente en entrevue, a d’abord découvert l’existence de June Millington, guitariste et chanteuse, alors qu’elle magasinait une guitare pour sa propre fille. La guitariste d’expérience avait fondé le Institute for the Musical Arts, un camp de rock pour filles, en 1986. De fils en aiguille, en continuant ses recherches, Bobbi Jo Hart a découvert Fanny.

Selon Patti Quatro, qui a remplacé June à la guitare et au chant suite à son départ du groupe, la réalisation de ce film n’était qu’une suite logique: « il en était temps. On ne peut tout simplement pas nier l’histoire ». C’est dans la même ligne d’idée que s’exclame June, confiante et tout sourire: « nous sommes juste trop excellentes, personne ne peut tourner le dos à Fanny ».

 

« Le (Rock and Roll) Hall of Fame est une institution politique à la con! »

Sur le site internet de festival Hot Docs, on peut lire que le film veut servir de moyen de pression pour introduire Fanny au Rock and Roll Hall of Fame. Celles qui ont ouvert la porte pour des groupes comme The Runaways et The Go Go’s s’en balancent pourtant complètement. Ce qu’elles souhaitent, c’est tout simplement d’être reconnues et que les gens sachent qui elles sont, « parce que le Hall of Fame est une institution politique à la con, donc ce n’est pas vraiment important pour moi », dit Alice, carte sur table.

Après s’être battue contre le sexisme, le racisme et l’homophobie, June affirme que l’âgisme sera le dernier « isme » qu’elle combattera. « Les jeunes ont la mâchoire à terre quand ils voient ce qu’on peut faire sur scène à 70 ans », rigole celle qui parle même de joindre un autre groupe de rock.

Fanny seront présentes à l’Entrepot 77 le 22 septembre prochain pour la projection de Fanny: The Right to Rock. Une prestation est à l’horaire, avec une première partie de NOBRO. Ce groupe de rock montréalais entièrement féminin est signé avec la maison de disque torontoise Dine Alone Records et suscite l’engouement sur la scène canadienne depuis plus de 2 ans.

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* Cet article a été produit en collaboration avec POP Montréal.

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