Palomosa 2025 – Jour 2 | Solide seconde et dernière journée en mode party queer à ciel ouvert

Après une timide première soirée principalement marquée par les élucubrations complotistes d’une star en déroute, la seconde de deux était nettement plus convaincante, se donnant enfin des allures de festival à part entière avec une programmation réussie sur les deux scènes. L’angle était également plus facile à cerner : avec une sélection d’artistes trans, queers et d’allié.e.s, Palomosa aura su rallier divers membres de communautés 2SLGBTQIA+ à sa cause, de même que tous les performative males de Montréal. Édouard Guay et moi y étions également, voici nos impressions.

Marie Davidson

Edouard : Faisant partie de mes artistes chouchou du moment, la productrice franco-canadienne Marie Davidson constituait une belle prise pour le festival. Les morceaux de son excellent nouvel album City of Clowns, auquel participe Soulwax, étaient parfaits pour être interprétés sur scène, et on a pu apprécier ses bons beats déconstruits pendant quelques minutes… jusqu’à ce que les ardeurs de tous soient refroidies par des problèmes techniques.

Nous n’avions pas d’ajuster nos appareils : il y avait bel et bien un gros problème de son pendant Fun Times qui a nécessité une interruption après une quinzaine de minutes de prestation – décidément le festival aura été un peu maudit sur cet aspect cette année – et après un retour à la normale qui aura duré 10 minutes tout au plus, le concert sera définitivement coupé court avant même 18h30… causant ainsi un trou béant sur la scène principale pendant un peu plus de 45 minutes avant que yeule, l’artiste suivante, ne revienne sauver les choses. Disons qu’il manquait de choses à faire pour désennuyer les festivaliers pendant tout ce temps. On se désole un peu par ailleurs du manque de communication de l’organisation par rapport à la situation.

On aura pu se mettre sous la dent quelques petits bijoux d’électro comme Demolition, Fun Times ou Y.A.A.M, mais il faudra probablement se reprendre en salle. Un rendez-vous manqué, et fort dommage, avec la brillante productrice et DJ, également l’autre moitié du duo Essaie Pas.

Shadow Wizard Money Gang

Mathieu : Pendant que plusieurs désespéraient d’entendre enfin de la musique à la scène principale suite aux ennuis techniques de Marie Davidson, d’autres auront mangé une méchante volée aux côtés d’un autre poulain de la scène électro locale. Connu pour ses affiliations à la meme culture et son alliage de trap, d’hyperpop et de hardstyle, le collectif y est allé all in dans son set.

À mon arrivée, le DJ en place diffuse allègrement du gabber compressé à l’extrême au point de sortir distordu des enceintes de son tournant à plein régime. Quelques instants plus tard, on nous informe que le prochain morceau sera le dernier, avant de se raviser deux minutes après en mentionnant que finalement il en reste plusieurs à l’horaire, au grand plaisir de tous. De ces morceaux, on en retiendra certains dont un Just Dance de Lady Gaga poussé à la limite de l’insupportable, mais dans le bon sens, un efficace remix de Ashnikko et une brève salutation à Tizzo. Moment à la fois drôle et bienvenu.

yeule

Mathieu : Le gros problème auquel le festival se retrouvait confronté, c’est que la transition entre Marie Davidson et yeule qui l’aura suivie s’avérait déjà plus ou moins simple, alors que le plateau scénique devait être remplacé dans son entièrement pour faire place au band, mais aura ici été empirée par les enjeux avec lesquels la montréalaise n’aura su composer. Ce qui donne donc un bon 45 minutes avec une playlist (excellente ceci dit) jouant pas fort sur les enceintes dans la foule, avec le froid qui commence à monter. Le public devenait piteux, sans trop savoir quoi faire pour s’occuper. Peut-être visiter l’un des deux (?) food trucks du festival? Avoir monté le volume pour au moins divertir la foule aurait probablement sauvé un peu du malaise ambiant.

Le spectacle en aura tout de même entièrement valu la chandelle. Après un passage fort réussi au Fairmount en 2023 dans le cadre de sa tournée softscars, l’artiste de Singapour aura su attirer encore plus de fans depuis avec un album bien accueilli plus tôt cette année de plus au compteur. Le public va éventuellement finir par répondre présent, alors que les chansons de Evangelic Girl is a Gun se suivaient sobrement sur fond de projections futuristiques mettant en scène Nat Ćmiel (de son vrai nom) en mode sexy-weird avec des motos et des câbles électriques aux fonctions variées.

Mais on se concentre bel et bien sur l’artiste, plus que sur ses visuels. Si plusieurs trouveront que le volume de sa voix manquait un peu de puissance, je serai plutôt enclin à apprécier la façon dont elle s’intègre harmonieusement au son des musiciens qui l’accompagnent, reculés vers la mi-scène au plus afin de ne voler aucune once de shine à leur leader.

Le spectacle est solide, bien que faisant preuve de retenue, à l’image des nouvelles chansons. C’est d’ailleurs surtout sur celles-ci que se concentrera yeule, jouant pratiquement l’ensemble de son dernier opus avec quelques inclusions appréciées du public du précédent, mais ne touchera pas à Glitch Princess du tout à ma très grande déception. Je sortirai quand même du spectacle satisfait par la qualité de l’interprétation générale, notamment lors de Eko ou l’excellente 1967, à l’intro jouée en mode ballade avant que le party ne pogne.

Mon spectacle favori de cette édition.

MCRDJ

Édouard : Après avoir tout arraché lors de leurs sets respectifs hier, TDJ, MCR-T et MRD étaient tous de retour aux platines de la scène du Jardin, cette fois-ci en mode trio. Les trois comparses nous ont donné toute une masterclass de DJing, enchaînant les morceaux survitaminés pendant plus d’une heure et demi! Décidément, ces trois-là auront vraiment été incontournables pour nous faire danser tout au long des deux jours de Palomosa. Comme pour Yousouke, qui suivra, on leur donne à tous les trois une belle étoile dans leur cahier.

Bref, si vous êtes un adepte d’électro et de nuits qui n’en finissent jamais, c’était à la scène du Jardin qu’il fallait être! Comme en lever de rideau hier, la journée de Palomosa aura là aussi été sauvée par ses DJ, alors que les as des tables de mixage ont passé la journée à nous en mettre plein les oreilles et à nous donner une furieuse envie de se déhancher.

Rebecca Black

Mathieu : Pour répondre à votre question d’emblée : oui, elle a osé.

L’interprète honnie de Friday en 2011, l’un des premiers memes musicaux majeurs de la culture web, en a surpris plus d’un avec SALVATION en février dernier, solide album que la critique aura généralement encensé. L’Américaine a repris du poil de la bête, c’est confirmé, et pas qu’en studio d’ailleurs.

Le spectacle donné à Palomosa devant une copieuse foule aura surtout été ça : un spectacle, un show. La musique est loin d’être mauvaise et l’interprétation efficace, avec une voix qui s’en sort souvent bien sans autotune ou backing tracks, mais c’est surtout la performance de Black qui charme. Accompagnée de deux danseurs, elle utilise l’entièreté de la scène pour afficher des pancartes aux messages revendicateurs d’empowerment pro-queer, alors que ses projections en fond de scène feront parfois de même, notamment une séquence affichant des lignes de couleur en rotation afin de recréer divers drapeaux associés aux communautés de la diversité sexuelle.

Outre ça, l’artiste se permet aussi des skits entre certaines chansons, n’ayant pas non plus peur de prendre la parole afin de nous parler des ses autres arrêts canadiens avec humour. Ça fonctionne bien avec la ligne directrice de son plus récent matériel, une hyperpop bien bratty, endossée par la BRAT en cheffe d’ailleurs. C’est dans ce contexte qu’elle inclura l’instant tant attendu alors qu’une partie de Friday sera jouée au milieu d’une autre chanson (Sugar Water Cyanide), presque comme une arrière-pensée que l’interprète ne se donnera même pas la peine de chanter au-dessus de backing tracks ultra modifiées, avec les paroles affichées en fond de scène et chantées par presque tout le monde comme dans un karaoké cauchemardesque. C’est un choix audacieux, mais vraiment très efficace, et qui ne fait que souligner la nouvelle maturité de la chanteuse.

Yousuke Yukimatsu

Edouard : Véritable sensation de Boiler Room, où il a enregistré l’un des sets les plus légendaires de toutes les éditions confondues, le DJ japonais Yousuke Yukimatsu (ou devrais-je dire ¥ØU$UK€ ¥UK1MAT$U) était de passage dans la Métropole pour recréer au parc Jean-Drapeau cette ambiance de rave survolté et démentiel qui définit chacune de ses prestations. Initialement annoncé à 20h30 sur la scène du Jardin, celui qu’on nomme souvent le « DJ préféré de ton DJ préféré » s’est finalement présenté aux platines une heure plus tard, soit à 21h30 (peut-être pour éviter de rivaliser avec Rebecca Black?). Peu importe, une heure plus tard ou plus tôt, le DJ a décollé en quatrième vitesse dès le premier morceau, pour ne plus jamais lever le pied de l’accélérateur (ni baisser le nombre de BPM).  De 100 Gecs à Skrillex, le bidouilleur japonais est allé piger un peu partout dans le catalogue dance, dubstep et hyperpop du moment, et, malgré de petits points techniques, force est de constater que chacun des morceaux choisis rentrait au poste! Tout ce qui impliquait beaucoup de basse et du tempo rapide est passé par là.

Même la productrice Arca sur la scène principale l’autre côté n’a pas été en mesure de rivaliser. Ça faisait du bien de danser comme ça! Ce fût mon grand moment marquant de la journée et ça m’a presque fait oublier le rendez-vous manqué avec Marie Davidson plus tôt dans la journée (oui, je l’ai assez mal digéré). Bref, merci Yousuke pour cette démonstration de ce que devrait être un DJ Set! Mission accomplie en ce qui le concerne.

Arca

Mathieu : Choix pour le moins audacieux de la part de l’équipe du festival que de programmer l’artiste en clôture de soirée. Pas qu’elle soit mauvaise ou green, la fille a collaboré avec Björk, Frank Ocean, Rosalie, FKA twigs, Kanye et j’en passe, mais c’est le côté très abstrait de ses propres compositions qui faisait peur. Le résultat n’aura pas entièrement donné tort à ces inquiétudes.

La Vénézuélienne se présente à nous avec un set aux frontières et à la forme assez floues qui semblait assez clairement être pré-enregistré par moments, ne requérant donc que de simples ajustements d’effets de son. Des morceaux de techno suivent des sections ambiantes, une reggaeton déconstruites et lente vient ponctuer le tout comme point de rassemblement, alors que d’autres moments frôlent presque la punk, avec la musicienne qui se permettra de screamer à plus d’une occasion. Pas le truc le plus accessible, mais en même temps c’est rafraîchissant de voir une artiste de cette trempe continuer à faire tout ce qu’elle veut sans nécessairement se soucier de ce que les autres en pensent et ses nombreux mouvements de danse nous invite à la suivre dans le trip.

La foule sera rapidement écumée, alors que beaucoup auront choisi d’aller voir ¥ØU$UK€ ¥UK1MAT$U à la place, mais ceux qui resteront seront très démonstratifs de leur admiration pour cette artiste visionnaire et bien trop méconnue. Saluons particulièrement cette membre du public qui montera sur scène à l’invitation d’Arca lors des dernières minutes de son spectacle pour venir twerker allègrement. Comme quoi il y en avait vraiment pour tous les goûts dans les sélections de l’artiste.

Quel bilan donc tirer de cette seconde édition de Palomosa? Il y a parfois un sentiment d’assister à un festival qui existe sans amour véritable qui s’installe : les transitions entre les DJ pourraient être mieux gérées, plusieurs artistes ont éprouvé des problèmes techniques, les campagnes promo, malgré leurs qualités visuelles, peinent à réellement attirer une foule considérable, le site semble souvent vide et manque d’animation… oui. Mais dans ses meilleurs moments, Palomosa sait charmer.

La disposition de la scène du Jardin, avec ses speakers sur 360 degrés, aura été une réussite sur toute la ligne. La sélection de DJ qui y sera passée aura aussi été excellente, avec très peu de temps morts. La grande scène aura aussi su nous présenter quelques très bons spectacles devant lesquels les grands événements d’evenko pourraient pâlir. C’est un rassemblement underground aux affinités queer et jeune qui mérite de rester perrein même s’il reste encore un peu de travail à faire pour ne pas que la forme l’emporte sur le fond.

Salutations à nos étoiles du match, Fuckers, MCR-T, TDJ, yeule et Yosuke, et à l’année prochaine pour une troisième édition.