
Palomosa 2025 – Jour 1 | Les DJ sauvent la mise
C’était hier que débutait la seconde édition de Palomosa, nouvelle itération du MEG, dont les fans d’électro montréalais se souviendront avec tendresse. La soirée était pleine de promesses, alors que la Métropole s’apprêtait à recevoir la visite de M.I.A., mais la situation sur le terrain en aura plutôt déçu plus d’un… Pas faute d’avoir essayé d’ailleurs, alors que certaines excellentes prestations sauveront en partie la mise! Retour à quatre mains avec l’ami Édouard Guay sur une journée en dents de scie, pour le meilleur (Fcukers, MCR-T, TDJ) et pour le pire (on vous laisse deviner!)
Un moment M.I.A.niaco-dépressif avec une icône déchue de la pop culture
Edouard : Vous connaissez le meme du gars qui roule en vélo, qui rentre un bâton dans sa roue de bicyclette, et qui se tord de douleur par terre en se demandant qui a bien pu lui faire ça? Je crois que c’est la meilleure représentation qui puisse exister des quelque 50 minutes qu’auront durées la présence de M.I.A. sur la scène Fizz pour clôturer cette première journée de l’an 2 de Palomosa devant plusieurs centaines de spectateurs médusés (pour ne pas dire désabusés).
J’en ai vu des concerts dans ma vie, mais un tel autosabotage, croyez-moi, c’était une première! Quel dommage – ou plutôt quel gâchis – quand on a connu la belle époque de cette artiste jadis si importante, dont la chute est devenue absolument vertigineuse. Disons que la rappeuse, désormais âgée de 50 ans, est à des années-lumière d’un éventuel retour sur le chemin de la gloire. Et après avoir assisté à la longue séance d’inepties qu’elle nous réservait en dernière ligne droite du concert, on comprend mieux pourquoi son calendrier de spectacles tient désormais sur un Post-it.
L’artiste d’origine sri-lankaise a sombré dans les théories du complot à la QAnon et plongé tête première dans le Kool-Aid trumpiste au cours des dernières années, et on pouvait compter sur elle pour nous le rappeler. Il ne lui manquait plus qu’un chapeau en aluminium ou une casquette Make America Great Again pour compléter le tout. Ça a donné lieu au moment le plus gênant et interminable qu’il m’ait été donné de voir sur une scène (oui, à ce point-là!). Sans surprise, bon nombre de spectateurs ont fini par la chahuter. C’était très pénible, et je ne savais plus où me mettre tant le malaise était palpable…
La prestation avait pourtant très bien commencé. Arrivée fashionably late de 7 minutes sur scène, M.I.A. (Mathangi Arulpragasam de son vrai nom) a d’abord entamé un véritable feu roulant de ses belles années, pigeant allègrement dans le catalogue de Arular – qui fêtait ses 20 ans – et Kala (2007), ses deux excellents premiers albums. Accompagnée de trois danseurs, l’artiste donnait un bon niveau d’effort, passant les 25 premières minutes à faire des chorégraphies et à enchaîner de vieux classiques qu’on aime : Come Around, Boyz, Bucky Done Gun, Galang… tout était réuni pour qu’on passe un bon moment de nostalgie à se dire que « c’était-tu assez bon, du M.I.A., en 2005 ».
Les choses auraient pu rester ainsi, mais la rappeuse anglaise en avait décidé autrement. Alors que l’énergie de son set venait d’atteindre son paroxysme avec la furieusement contagieuse Born Free, qui a mis le feu au public, l’interprète a décidé de « mettre le feu » d’une autre façon en se lançant dans une interminable logorrhée sans queue ni tête qui a vite tourné au vinaigre. Ça a commencé par un discours pro-Palestine – jusque là, tout va bien – qui a progressivement migré vers un témoignage d’amour envers Donald Trump (!), exactement au même moment où la pluie s’est mise à tomber. Spoiler alert: ça n’a pas très bien passé (quelle surprise!).
Entendant les huées et constatant l’impopularité manifeste de son discours, l’artiste a alors perdu tout contact avec la réalité, continuant de nous provoquer en critiquant le Canada (« vous, le Canada, qu’est-ce que vous avez fait politiquement? ») et parlant de Justin Trudeau alors que ce n’est même plus lui le premier ministre. On avait l’impression de voir une boxeuse tenter de nous envoyer au tapis alors qu’elle s’est elle-même prise dans les câbles. Au passage, on sentait toute l’amertume de la chanteuse, qui a plusieurs fois évoqué avoir été « cancelled » et ne plus beaucoup faire de spectacles. Et au lieu de se montrer reconnaissante devant celles et ceux qui la suivent encore malgré sa déroute, l’ancienne icône de la pop a choisi de les défier ouvertement.
« Shut up and play songs! », « Just stop with your politics! » lui gueulaient les spectateurs les plus abrasifs, pendant que d’autres tentaient de se trouver un trou pour se cacher… Absolument personne n’était à l’aise, et on implorait tous une intervention du Saint-Esprit pour que la musique reprenne… ce qui a fini par arriver, alors que l’artiste a entamé Bad Girls, un de ses plus gros hits, comme si de rien n’était, pour tenter de nous faire oublier ce qui venait d’arriver. On peut dire que ça a un peu marché puisque plusieurs personnes ont aussitôt recommencé à brandir leur téléphone pour filmer la prestation. Un vrai moment maniaco-dépressif et un brin surréaliste… on venait de se faire tabasser, et soudainement, tout le monde avait recommencé à danser pendant que la pluie continuait de tomber.
Quand on a entendu les premières notes de Paper Planes retentir, on a tout de suite compris qu’il n’y aurait pas de rappel (je doute fortement qu’on lui en aurait demandé un). Le refrain « All I wanna do is (coups de feu) and take your money » résumait très bien la situation : la chanteuse a pris notre argent et s’est sauvée sans au revoir, pendant que tout le monde tournait les talons, en silence, sous la pluie.
Dommage quand on sait que ces 10 minutes de grand malaise auraient pu servir à jouer d’autres morceaux pour faire lever la soirée davantage, surtout quand d’autres vieux morceaux comme Jimmy, 10 Dollars, Sunshowers ou Pull Up The People n’ont pas été joués…
Programmer une artiste comme M.I.A. comme tête d’affiche représentait un risque pour l’organisation de Palomosa, et le pari pouvait fonctionner si on acceptait de séparer l’œuvre de l’artiste et de laisser les théories du complot au vestiaire.
Malheureusement, il semble que Matangi ait décidé de nous imposer les siennes en les surlignant à gros traits au marqueur indélébile rouge-MAGA. L’équipe de Palomosa aura probablement un bon post-mortem à faire après coup… et l’absence de toute mention du concert de M.I.A. sur les médias sociaux au lendemain de sa prestation donne toute la mesure du malaise que nous avons vécu.
Mais puisque M.I.A. n’était pas la seule artiste au menu de cette première journée (fort heureusement!), voici en rafale les autres prestations auxquelles nous avons assisté plus tôt.
Isla Den
Edouard : C’est au duo montréalais Isla Den que revenait le mandat d’ouvrir cette première journée de Palomosa sous le coup des 16 heures. Et si ce n’est jamais évident pour des artistes de jouer quand à peu près personne n’est encore entré sur le site, on peut dire qu’Ellie et Mira, les deux artistes derrière le projet, s’en sont plutôt bien tirés. Le tout a commencé timidement devant à peine une dizaine de personnes, mais le set a monté d’un cran dans les 15 dernières minutes, lorsque Ellie a pris le micro pour interpréter certaines compositions originales comme Kiss The Light et Until the Sun Dies.
MGNA Crrrta
Mathieu : Le nom qui revenait sur toutes les lèvres au cours de la performance du duo : Ke$ha. Et pas pour rien d’ailleurs, alors que la bio du groupe mentionne bel et bien la chanteuse dont la musique semble émulée à tout instant sur scène, autant dans les compositions que le look. Tout comme leur muse, les musiciennes peineront toutefois à bien aller chercher mon attention lors du petit croche qu’on se permettra à leur spectacle.
Édouard : C’est drôle de lire mon collègue évoquer Ke$ha… car la seule note que j’ai prise concernant ce set est la suivante : « musique pour le monde nostalgique de la période où Dr. Luke (le producteur derrière Tik Tok de Ke$ha) n’était pas encore problématique. »
MRD
Mathieu : Le Norvégien arrivait en ville avec comme principale mission de se faire découvrir du public. À son entrée sur scène, directement après un set du duo local Isla Den, les festivaliers se faisaient éparses. Pas que ça ait paru inquiéter l’artiste, qui foncera dans le tas sans regarder en arrière. Jonglant entre moments trance, hyperpop, et house, le tout dans les confortables contrées du 135 bpm stable, le DJ reste efficace dans ses sélections, bien que surtout instrumentales et manquant peut-être à quelques moments de succès pop ou de mélodies de voix auxquelles se raccrocher.
Malgré de petites erreurs occasionnelles de fader, les transitions font aussi bien le travail. Petit manque de variété ceci étant, mais pourquoi changer une formule gagnante au final? Après une heure de bon travail, l’artiste aura réussi à rapatrier une petite crowd dévouée, le temps de finir en force sur un remix de Deceptacon. Bien joué!
Mechatok
Mathieu : Le gars l’aura pas eu facile. Après moins de 5 minutes, le Berlinois verra l’ensemble de son équipement planter raide, et ce pour une assez peu idéale demi-heure. Qu’à cela ne tienne : le retour se fait en force une fois les pépins dûment réglés!
Avec une vingtaine de minutes à sa disposition, l’artiste, qui a notamment collaboré avec les rappeurs suédois Bladee et Yung Lean (présent à Palomosa l’an dernier), en fait plus que pas assez, crinquant directement dans les rythmiques élevées avec un bon vieux throwback de Deadmau5, question de saluer le public canadien croira-t-on.
L’enchaînement de hits Y2K qui suivra sera tout aussi accrocheur et l’on se demande bien de quoi aurait eu l’air une performance complète.
Fcukers
Mathieu : C’était de loin l’inclusion à la programmation qui m’avait le plus appâté, n’étant toujours pas revenu de leur performance en remplacement de dernière minute à Osheaga l’an dernier. Si je n’aurai pas été aussi satisfait, peut-être par le manque de surprise d’une seconde écoute, je repartirai tout de même très satisfait de la performance du quatuor brooklynoins.
Héritiers d’une electroclash à la James Murphy, les musiciens se laissent aller dans des interprétations musclées de leurs titres, pour la plupart encore inédits, et ce parfois même trop.
Les premières chansons sont presque inintelligibles derrière le mur de basses qui prendra d’assaut la foule, au point de me faire sentir chacun de mes points noirs au visage. La séance d’exfoliation prendra au moins fin rapidement, alors que des interprétations plus dub de certaines pièces viendront ponctuer le début d’un set bien loadé.
Pas de temps à perdre à jaser avec le public quand on peut plutôt s’exprimer avec la musique, et c’est visiblement la philosophie qu’adoptera le groupe, quittant même avec un très expéditif «Thank you » livré avec plus ou moins de conviction à la fin de l’hymne Bon Bon. Espérons qu’il s’agissait d’un manque d’énergie en fin de spectacle vu les nombreux déplacements scéniques effectués tout au long de la prestation.
Edouard : Quelle belle découverte! Malgré un volume nettement pas assez fort (crinquez-nous ça de 3-4 coches, come on!), le niveau d’énergie est à son comble, et tout le monde embarque d’aplomb. C’est aussi la première fois de la journée où la foule commence vraiment à ressembler à une foule. Parions que le groupe new-yorkais aura gagné quelques adeptes au passage avec ses compositions électroniques bigarrées et diablement efficaces qui ont brassé pas mal d’air. Avec tous les nouveaux morceaux interprétés hier, on se dit qu’un premier long jeu est sans doute à venir plus tôt que tard dans leur cas, et on a bien hâte d’entendre ça!
MCR-T
Mathieu : Artiste méconnu, mais espéré, MCR-T s’amenait en ville avec une lourde tâche : celle de s’émanciper de son statut de « gars qui a fait les beats de HorsegiirL » pour gagner les lettres de noblesse qui lui reviennent. Et ça sera mission oh combien réussie! Rarement entendront nous un DJ aussi bien jauger son public et déterminer avec brio le dur ratio à maintenir entre hits universel et curiosités de crate digger se prêtant plus aux clubs berlinois qu’aux pistes de danses extérieures montréalaises sur papier. On assistera à de beaux moments, comm une version survitaminée à la sauce techno de Better Off Alone, ou un enchaînement particulièrement génial de My Barn My Rules (pas le choix) avec l’estimé remix maison de l’artiste de l’indémodable Careless Whispers, inclusion qui en fera crier plus d’un. L’heure en compagnie de l’Allemand aura passé particulièrement rapidement, au point de vouloir en redemander au minimum une autre portion.
Nettspend
Edouard : Pendant que tout le monde présent à MCR-T trippait solide, je me suis éclipsé quelques minutes pour la scène Fizz, histoire de voir ce que proposait le jeune rappeur Nettspend, 18 ans, tout droit venu de la Virginie.
Malgré toute ma meilleure ouverture d’esprit, je n’ai pas mis longtemps à vouloir m’enfuir en courant! On aurait cru entendre une version Fisher Price de Travis Scott… tout sonne pareil et le gars ne fait que crier devant des beats qu’on a déjà entendus 1000 fois. Le rappeur tente bien de nous faire participer, mais personne ne connaît les paroles. Bref, c’était un peu gênant et je suis rapidement retourné voir la fin de MCR-T pour préserver mes tympans.
TDJ
Mathieu : Wow! Excellente suite de DJ sur la petite scène du festival. La Montréalaise arrive avec un statut de favorite de la soirée en ce qui concerne les fans d’électro en bonne et due forme et livrera exactement ce à quoi l’on se serait attendue d’elle : un set énergique de trance et de remixes accélérés à l’extrême de hits pop comme elle le fait si bien depuis les années Ryan Playground.
Le choix d’introduction en est tout un, et donnera effectivement le ton au reste : on s’aventure dans la bonne vieille trance à la mode euro early 2000 avec une version boostée aux stéroïdes de l’élégant Adagio for Strings de Tiësto (dans ses bonnes années), avant d’enchaîner rondement avec un mashup sur fond de Like a G6. Audacieux, mais réussi!, alors que sa présence scénique impose un fun fou à la foule. Ça n’aura même pas pris 15 minutes avant de troquer le coat de cuir pour la brassière. Il faisait chaud dans le public avant la déconfiture qui suivra…
On se reprend ce soir avec un deuxième soirée au programme nettement plus alléchant, en compagnie notamment de Marie Davidson, yeule, Arca et Rebecca Black!
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