crédit photo: Inna Borysevych

Pain to Power : A Kanye West Musical Protest | Une oeuvre pleine de questions au Centre Segal

« On est un peu occupé oui » m’avoue d’emblée CJ, l’un des deux comédiens de Pain to Power : A Kanye West Musical Protest. Il faut dire qu’à l’aube de la première de la pièce, présentée par le Black Theatre Workshop au Centre Segal des arts de la scène du 19 au 23 mars 2025, on comprend bien pourquoi.

Assez personnel, monté en petit groupe, le projet étonne. Parti d’une idée lancée à la blague lors d’une visite dans l’ouest, la comédie musicale se développe et se concrétise l’an dernier, à la base presque pour boucher un trou dans la programmation du Théâtre juif de Winnipeg de Dan Petrenko, le directeur artistique de l’endroit et éventuellement metteur en scène du projet qui nous intéresse aujourd’hui. Le spectacle deviendra bien évidemment plus qu’un bouche-trou, mais une oeuvre en bonne et due forme qui intéroge autant qu’elle intéresse.

Mais c’est quoi Pain to Power : A Kanye West Musical Protest?

« J’ai découvert Kanye à 8 ans, je montrais ça à tous mes amis. C’était la première fois que j’entendais de l’Autotune. » CJ Capital, issu de la diaspora haïtienne torontoise, développe dès lors une admiration pour Kanye West qui le suivra tout au long de son enfance et de son adolescence, allant même jusqu’à influencer son éventuelle carrière musicale.

Kanye était devenu un héros pour moi. Je voyais Superman, Spiderman et Kanye West au même niveau.

À l’université, dans un programme de composition, CJ rencontre Seth Zosky, passionné de musique lui aussi. Les deux s’immergent éventuellement pleinement dans ce monde, lançant leur band de pop R&B CZN avec qui ils gagneront le concours Canadian Family’s Got Talent en 2020.

Seth, juif, rencontre éventuellement Dan avec qui CJ et lui se lieront d’amitié. Et c’est là que Kanye intervient. Pas personnellement, mais spirituellement et psychologiquement. En 2018, le rappeur et beatmaker américain affirme que l’esclavage était un mythe et un choix. Les différentes communautés noires n’en reviennent pas, l’un de leurs plus éminents ambassadeurs vient de les trahir. Peu après, ce sont des tweets antisémites qui font surface, ainsi que tout le reste qu’on connaît aujourd’hui, sextape y comprise.

Choc éthique

C’est dans le but de faire une introspection et de partager que la comédie musicale se monte. Les gars se questionnent sur l’attitude à adopter, et ils ne sont pas les seuls. Éventuellement rejoints par la dramaturge Tracey Erin Smith pour les aider à mieux verbaliser ce qui les habite, CJ et Seth mettent sur pied une première mouture de la pièce, présentée à Winnipeg en 2024.

Depuis, Kanye a déjà refait la manchette. Lâché par son agence artistique, séparé à nouveau, il met en vente sur le site de sa gamme de mode Yeezy des chandails ornés de croix gammées, s’affirmant même nazi. Après quelques mois à peine, la pièce se doit d’évoluer, de s’adapter et de se remettre à jour.

On continue de le suivre. Malheureusement, il nous donne plus de matériel.

Lancée un peu à la blague, la remarque reste tout de même vraie, aussi acerbe qu’elle peut l’être. Tout comme l’utilisation de la musique de Kanye, qui se retrouve bien évidemment au centre de la comédie musicale : une présence qui hante de par sa nostalgie.

Quoi faire lorsque nos héros nous trahissent? Comment guérir en communauté quand on est encore une fois la cible d’une intense violence symbolique et psychologique? Faut-il séparer l’homme de l’artiste?

Ce sont les intenses questions auxquelles tenteront de répondre CJ et Seth dans le cadre de leur œuvre Pain to Power : A Kanye West Musical Protest. Billets disponibles pour les sept représentations du spectacle sur le site du Centre Segal, de même qu’un intéressant et nécessaire trigger warning et une panoplie d’information sur les choix éthiques derrière la pièce.

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