Où vont les fleurs à la Tohu | Expérimentation circassienne par les finissants de l’École Nationale de Cirque
La Tohu met encore à l’honneur le cirque de demain, en présentant du 29 mai au 9 juin le spectacle annuel des finissants de l’École Nationale de Cirque. Cette fois-ci, les finissants ne présentent pas deux, mais un seul spectacle, « Où vont les fleurs? », qui met en valeur le cirque collectif, l’innovation et la multitude.
Expérimenter
Où vont les fleurs? se détache des autres productions scéniques par sa mise en scène éclatée et sa rupture. Les codes, on les connaît tous : ce sont ceux des shows télé un peu cringe, dont on perçoit les références mais sur lesquelles on a du mal à mettre des mots exacts.
Entre shérifs en uniforme de garde forestier, femme fatale, léopard ou dude de canapé, vingt-six circassiens exposent leur technique et leur talent sur un programme déstructuré au possible. Chaque numéro est entrecoupé par quelques notes, toujours les mêmes, et le nom de l’épisode qui suivra, affiché sur un écran de surtitrage.
On passe d’un extrême à l’autre, du Stabat Mater de Pergolèse à Personal Jesus de Depeche Mode, de l’Eau qui dort à l’Insubordination. Depuis les gradins du public, il faut rejeter la cohérence, la narration, et toutes nos habitudes de spectateur : l’heure est à l’expérience.
Montrer
Et si cette rupture avec le spectacle classique peut parfois nous perdre, elle est surtout le lieu idéal pour réinventer le cirque. Dans une exaltation corporelle de chaque instant, les circassiens présentent à la fois leur travail personnel et leur capacité d’adaptation. Avec autant d’artistes sur scène, Où vont les fleurs explore le collectif.
De nombreuses danses rythment le spectacle, la scène est une fourmilière. Alors que le regard veut se poser sur l’élément central de la scène, celui qui montre la maîtrise d’un agrès par un artiste particulier, il faut renoncer. Tout est spectaculaire, les acrobaties sont partout, et à l’exception de trois épisodes, le spectateur doit choisir son propre cheminement dans la jouissance artistique qui lui est présentée.
L’exploration se fait en rafale, sans construction narrative, sans lien évident entre le un et le tout. Mais où que les yeux s’arrêtent, on est subjugué. Par les corps, les costumes, par la danse et le théâtre, par le rejet des codes de genre ou leur utilisation outrancière, par le charisme de chaque artiste mais aussi par l’incroyable travail de chaque instant.
* Photo par Roland Lorente.
Innover
Car les finissants de l’École Nationale de Cirque démontrent une fois de plus l’excellence de leur formation et leur maîtrise des arts du cirque. Chaque épisode est l’occasion de présenter une nouvelle manière de s’approprier un agrès. Du hoola-hoop en groupe à la jonglerie à deux, du monocycle aux claquettes, les installations sur scène multiplient l’inattendu, dans des épisodes aussi dynamiques que variés.
La bande sonore est aussi éclectique que les costumes, et la mise en scène propose des ambiances toujours plus inimaginables. Le numéro aérien de corde lisse est fait à six sur les riffs metal de Black Paper Planes (Long Distance Calling), le mât chinois met en scène plus d’une dizaine d’acrobates. Les mains à mains sont omniprésents, des pyramides humaines de trois personnes aux saltos et autres vrilles amplifiées par les mini-trampolines.
Les artistes nous laissent croire que tout est facile, leur habileté devient la norme. Mais il n’en est rien, comme nous le rappelle le duo de trapèzes ballants si acrobatique que le public retient son souffle et applaudit à tout rompre. Les poitrines qui se soulèvent, les cheveux qui collent aux visages sont les seuls indicateurs de l’intensité physique de cette performance de quatre-vingt minutes sans entracte, où les artistes sont sollicités à chaque instant et sans relâche.
Alors que le spectacle se termine sur un numéro magique d’équilibre et de trapèze Washington, les artistes reviennent saluer, épuisés mais ravis. Leur dynamisme, leur savoir-faire et leur plaisir auront été les clefs pour apprécier ce spectacle explosif, déstructuré mais incroyable à chaque minute.
- Artiste(s)
- École Nationale de Cirque
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- La Tohu
- Catégorie(s)
- Cirque, Performance,
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