OSM | Payare récidive avec Mahler et sa 5ième symphonie
Cette année Mahler et ses symphonies occupent une place prépondérante dans la programmation de l’OSM. Il faut croire que le nouveau chef est un fan du maître autrichien. L’orchestre a la chance par ailleurs de s’exécuter sous la baguette d’un Maestro dont la sensibilité et l’énergie permet d’en découvrir toutes les nuances. Cette œuvre se voulait la dernière d’un costaud programme en trois temps.
La première pièce du concert, Precipice, une création de Dorothy Chang, aurait apparemment été composée dans la perspective inquiétante des changements climatiques. En fait, comme elle a vu le jour en 2020, l’intention aurait bifurquée vers l’angoisse pandémique et de manière plus générale les tensions sociales qui nous guettent.
La pièce commence donc par des bruits inquiétants. Les flûtes nous entraîne dans un chromatisme à faire frémir et les percussions sous un fond de piano donnent l’ambiance d’un film d’horreur. L’apogée survient quand les cordes embarquent mais ce «climax» tombe un peu à plat. Malgré la baguette enthousiaste de Payare, ce paysage sonore ne m’a pas particulièrement enchantée.
Puis, le pianiste Yefim Bronfman a interprété le Concerto pour piano no 2 en sol majeur Sz. 95 de Béla Bartók. Sa virtuosité s’est manifestée d’emblée lors du premier mouvement de cette pièce qui fut exécutée extrêmement rapidement.
L’attaque vive du pianiste donnant la réplique aux cuivres puis aux percussions mettait en valeur sa force et sa technique. Le deuxième mouvement débute avec une caresse des cordes en sourdine. Plus fluide, cette partie faisait davantage intervenir l’orchestre et notamment les percussions. On a pu être témoin d’un joli dialogue entre piano et timbale.
Il m’a semblée que Payare jonglait bien avec les nuances des différents thèmes et que sa direction précise permettait d’entendre toutes les notes. En outre, le dernier mouvement nous a fait voir les prouesses du pianiste s’exécutant dans des gammes d’octaves à n’en plus finir sans aucun cafouillage.
De haut calibre, j’ai suivi cette prestation davantage à la manière d’une course olympienne que d’un concert classique, disons.
Après l’entracte débutait ce que la salle comble était venue voir: la Symphonie no 5 en do dièse mineur de Gustav Mahler. Cette symphonie comporte cinq mouvements sur 3 parties.
I. Marche funèbre et Sturmisch bewegt
La marche funèbre a donc débuté avec son solo de trompette résonnant dans la maison symphonique. Envahissant les cœurs et les corps de ce thème dramatique, cela a certainement donné quelques frissons à l’auditoire captif. Les percussions auraient pu être envahissantes mais elles ne l’étaient pas puisque bien dosées par la baguette précise du Maestro Payare. On entend la fameuse procession funéraire sans l’ombre d’un doute et l’aspect dramatique nous atteint. Après une brève valse, des cordes et trombones se lancent la balle sous nos oreilles ravies.
Dans le deuxième mouvement, la contre-basse fait bonne figure, nous enrobant dans ce mouvement qui s’avère plutôt tumultueux. C’est étonnamment dans le deux premiers mouvements que l’orchestre s’est le mieux illustré à mon avis. Jouant avec coeur et passion. Et même davantage le deuxième. J’en fus moi-même étonné car sur enregistrement je ne suis pas particulièrement emballée par celui-ci. On se perd facilement.
Par contre en version live, les violoncelles prennent le plancher en soufflant sur la chaleur des bois. J’ai eu l’impression que Rafael Payare nous prenait par la main pour courir à travers les bois justement, d’un pas pressé. J’oserais dire qu’il y avait un certain « groove » dans cette portion de l’œuvre. Les nuances dans les cordes étaient sublimes. Franchement la portion la plus réussie de tout le concert à mon avis.
II. Scherzo
Au début, le son des cors laissait franchement à désirer. Le tout s’est définitivement amélioré au courant du mouvement et heureusement car ceux-ci sont, disons, à l’honneur dans cette partie de la symphonie.
Avec des cordes très valsantes, Payare nous a fait entre dans la danse. Ce mouvement est le plus long et heureusement on ne s’est pas trop assis dedans. La flûte et le trombone se sont par ailleurs bien illustrés, de même que l’alto et ses pizz en milieu de course. La fin du scherzo fut triomphale. On aurait tous voulu applaudir à la fin de ce mouvement qui s’est terminé comme une tonne de brique, mais vous savez… la musique classique et ses conventions…
III. Adagietto et Rondo-Finale
Cette partie débute par l’air le plus connu de cette symphonie. La harpe et les cordes ont entamés les premières notes doucement. On a eu l’impression de voguer sur une eau très calme, ou de sautiller d’un nuage à l’autre (c’est selon vos aspirations aériennes ou maritimes).
Lors du thème joué par les violoncelles qui se l’échange avec la harpe, la beauté de cette partie est révélée au public. Cette portion de la symphonie m’a semblé d’une extrême lenteur ce soir. Je ne suis pas convaincue de l’effet que ça donne sur l’intensité et l’émotion souhaitée.
Sur le Rondo, les cordes avaient l’air vraiment fatiguées, à l’instar du Maestro qui donnait tout ce qu’il pouvait. Le tout commence en douceur en contre-point et évoquant la fugue. Cette finale donnait le sentiment d’une balade en forêt guidée par Payare. Le chant des cors très présent et le tempo assez rapide a secoué un peu les troupes. Une bel équilibre des percussions (très présentes), alors qu’il se passe beaucoup de choses mélodiquement parlant, a permis d’apprécier les menus détails de ce mouvement.
Grande ovation en toute fin et foule en extase.
Cette œuvre m’a plu, mais côté prestation, je dois dire que j’ai préféré la version de la deuxième symphonie de Mahler que Payare a présenté en début de saison.
Pour ceux qui souhaiterait entendre de quoi il en retourne pour celle-ci, l’OSM a fait paraître un album récemment avec la 5ième symphonie de Mahler enregistrée sous la direction du Maestro. Il semble que Payare n’est toujours pas rassasié de son compositeur adoré puisque pour le spectacle de clôture cette année, on présente la 3ième symphonie de Mahler. Je dis ça comme ça, mais il semble y avoir un thème. Avec cette passion que voue le Maestro pour ce compositeur, l’OSM s’illustre de plus en plus et nous fait découvrir la grandeur de son talent.
- Artiste(s)
- Gustav Mahler, Orchestre Symphonique de Montréal, Rafael Payare, Yefim Bronfman
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- La Maison symphonique
- Catégorie(s)
- Classique,
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