
Osheaga 2025 – Jour 2 | Un parcours entre perfection musicale et exubérance festive
Les habitué·e·s d’Osheaga, dont je fais partie depuis 2009, ont vu le festival se transformer considérablement au fil des années. Après une pause de quatre ans, j’ai retrouvé le site avec un certain recul, ce qui m’a permis de mieux saisir une mutation amorcée depuis un moment : celle des modes de découvrabilité, désormais largement dictés par les algorithmes plutôt que par la radio ou les critiques.
Cette dernière mutation m’est apparue flagrante alors que la programmation du samedi m’était largement inconnue et que ma fille connaissait la majorité des artistes, grâce à leur viralité sur les réseaux sociaux. Alors, je me suis mis en mode « binger des reels » à la manière d’une Gen X… déambulant de scène en scène pour lécher la vitrine organique d’une musique ultra-connectée que Osheaga offrait aux festivaliers samedi.
De cette journée, je retiendrai surtout la performance de BéLi, artiste électro-pop audacieuse à découvrir absolument sur scène, celle de TV on the Radio, qui a incarné pour moi la perfection scénique entre sons et images, et celle de bbno$, qui m’a procuré un plaisir insoupçonné avec son hip-hop déjanté.
Sofia Camara – Une force vocale brute
Arrivée juste à temps pour la seconde moitié de la performance de Sofia Camara, vocaliste et multi-instrumentiste torontoise, une foule déjà importante occupait la scène de la Rivière.
Très présente sur les réseaux sociaux, elle s’est fait connaître en partageant des reprises sur TikTok et YouTube dès 2017, avant de lancer ses propres morceaux en 2020. Loin des interprètes de pacotilles qui essaient de faire leur place en devenant viral, Sofia Camara a une réelle force vocale brute. Elle a d’ailleurs montré, notamment en interprétant son single Starlight paru en 2024 — une chanson exigeante vocalement — l’étendue de son registre et sa capacité à livrer des performances puissantes, à l’image des vocalistes qui l’inspirent : Ariana Grande, Adele et Christina Aguilera.
Bien que visiblement nerveuse, Sofia Camara a réussi à établir un lien avec le public, laissant une bonne impression auprès de ses fans. Cependant, sa prestation m’a laissé un peu tiède, tant ses morceaux pop aux nuances R&B me semblaient assez génériques.
Good Neighbours – Indie-pop lumineuse et décontractée
Juste après la Torontoise, le duo indie-pop londonien Good Neighbours — formé en 2023 par Oli Fox et Scott Verrill — s’est produit sur la scène de la Montagne, offrant une prestation à la fois énergique, sincère et décontractée.
Oli Fox, chanteur et leader du groupe, semblait prendre un immense plaisir sur scène, bougeant avec une aisance décomplexée, comme on l’imagine enfant jouer à la rock star devant le miroir de sa chambre à coucher.
Good Neighbours travaille actuellement sur son premier album studio, Blue Sky Mentality, prévu pour septembre. Pour l’instant, ils n’ont sorti qu’un EP éponyme en 2024, dont on a pu entendre notamment Keep It Up et Home, ce dernier ayant attiré l’attention des médias sociaux grâce à un teasing viral sur TikTok. Sans même le savoir, on l’aurait deviné puisque des centaines de téléphones se sont levés pour filmer le live.
Leur style lumineux, rythmé et nostalgique rappelle des groupes comme MGMT, parfait pour un festival en plein après-midi sous un soleil de plomb.
Sans faire de mauvais jeu de mots (mais on le fait quand même), shout out à Oli Fox qui a interrompu sa prestation pour attirer l’attention des secouristes, qui ont probablement traité leur énième coup de chaleur de la journée.
BéLi – Électro-pop audacieuse à découvrir sur scène
Après une randonnée forcée à travers les nombreux kiosques de Osheaga, on s’est dirigé vers la scène de la Forêt avec l’objectif de voir Matt Champion, l’ancien membre de Brockhampton, qui poursuit une carrière solo introspective mêlant rap alternatif, rock psyché et R&B.
Peut-être avais-je surestimé mes capacités d’exploration musicale, car après quelques titres qui ne m’ont pas du tout plu, j’ai préféré patienter tranquillement en attendant la prestation d’Ariane Béliveau, alias BéLi, sur la scène des Sessions Sirius XM.
L’autrice-compositrice-interprète montréalaise, qui avait ouvert pour Philippe Katerine aux Francos cet été, est montée sur scène sur un fond d’une superposition de couches électros. Elle a débuté avec G4MEOVER, un titre électro-pop expérimental. Sur ce morceau vocalement exigeant, au registre large et syncopé, BéLi a fait preuve d’une maîtrise vocale impressionnante, tout en alliant aisance et énergie scénique.
Accompagnée de musiciens hors pair, dont Blaise Borboën-Léonard aux consoles, ainsi que d’une bassiste et d’une batteuse, BéLi a offert une performance oscillant entre balades indie-pop (Photoromance) et passages électro plus bruitistes (A.Y.C.E.), extraits de son album XUV (2024) ainsi que de titres inédits.
On recommande vivement de découvrir BéLi en concert lors de sa prochaine tournée.
Kaleo – le Tennessee dans le sang
Galvanisée par l’énergie brute de la performance de BéLi, on a repris la longue traversée vers les deux scènes principales pour assister à celle que j’attendais le plus de la journée : Kaleo.
Formé en 2012, Kaleo marie à merveille blues-rock et folk indie, avec un son qui évoque les grandes plaines et les racines du Sud américain. Le chanteur, vêtu tout de beige, lunettes soleil sur le nez et coiffé d’un chapeau de cowboy orné de pins, était accompagné d’un guitariste portant un chandail à l’effigie de Bob Dylan et des souliers à motif crocodile. L’illusion est parfaite. Pourquoi illusion ? Parce que malgré leur allure de vétérans de Nashville et leurs sonorités profondément enracinées dans les traditions américaines … ils sont islandais.
En contraste total avec le lip sync évident de Tommy Richman un peu plus tôt sur la scène de la Montagne, la voix de Jökull Júlíusson était profonde, juste, habitée — autant sur les ballades que sur les morceaux blues plus rocailleux. Cela dit, si Richman maîtrise l’art du crowd work, le charisme de Kaleo tient davantage à leur amour sincère de la musique qu’à leur expressivité ou à leurs échanges avec la foule.
Ils ont enchaîné plusieurs titres qui raviraient tout amateur de blues : Broken Bones, All the Pretty Girls et bien sûr Way Down We Go, le moment « captation live » de la performance.
Une performance à la hauteur des attentes, qu’on espère vivement revoir en formule festival.
Future Islands – Fin de tournée en demi-teinte
Samuel T. Herring, chanteur du groupe de Baltimore Future Islands, accordait une entrevue à Sors-tu? plus tôt cette semaine, affirmant vouloir « tout donner sur scène ». Eh bien, il a tenu parole pour leur 3e apparition au festival Osheaga.
Dès l’entrée sur scène, il s’est exclamé « We only have 45 minutes, we will shut the fuck up and play some songs », le ton était donné. Le groupe a ouvert avec King of Sweden, un excellent titre électro new wave planant, et Herring a aussitôt commencé à courir d’un bout à l’autre de la scène, sans relâche, et ce pendant les 45 minutes du set.
Ce n’est pas pour rien que leur intensité scénique, portée par la prestance de Herring, est devenue culte. On peut toutefois se demander si cette énergie démesurée n’a pas nui à la performance vocale : plusieurs lignes semblaient avalées, une syllabe sur deux manquait, diluant la force mélodique et la portée des textes.
Malgré cela, les fans rassemblés semblaient comblés. Le groupe qui me rappelle à l’occasion les sonorités de War on Drugs jouait serré, et les connaisseurs de Future Islands pouvaient sans doute compléter les paroles manquantes en fredonnant à voix basse.
Une prestation somme toute décevante pour une fin de tournée… mais le groupe travaille déjà sur un nouvel album. Vu la qualité des sonorités électro teintées d’indie pop sur leurs disques, on n’écarte pas la possibilité de leur donner une autre chance lors d’un prochain passage à Montréal.
Tv On the Radio – Perfection scénique entre sons et images
Le plaisir que Future Islands n’a pas procuré a été rendu au centuple par TV on the Radio.
Formé à Brooklyn en 2001, ce groupe mené au chant et à la guitare par Tunde Adebimpe se distingue par une approche expérimentale et des textures sonores denses, fusionnant rock indépendant, soul et post-punk.
TV on the Radio a livré avec brio ses titres phares tels que Wolf Like Me et DLZ. Le visuel, composé de projections mêlant dessins psychédéliques abstraits et collages surréalistes, complétait parfaitement l’exécution musicale impeccable du groupe ainsi que la prestation scénique posée, mais incarnée et charismatique d’Adebimpe.
Lors de Happy Idiot, ce qui aurait pu être, dans un style attirant une foule plus jeune, un moment de « captation live », s’est plutôt transformé en un moment intense de hochements de tête, où un mosh pit a même failli naître.
J’aimais TV on the Radio avant Osheaga, maintenant je les adore et me fais un devoir de les revoir. De loin, ma prestation musicale préférée de la journée.
bbno$ – Maître de piste du hip hop déjanté
bbno$, qu’on prononce « baby no money », a sans doute offert l’une des prestations les plus audacieuses et originales de cette édition d’Osheaga. Vous le connaissez peut-être comme l’artiste derrière le hit Edamame, paru en 2021.
Le rappeur, chanteur et compositeur canadien originaire de Vancouver a la bouille de votre collègue comptable qui se lâche lousse les fins de semaine. Son style unique et son approche décalée du hip-hop — qu’il fusionne avec des éléments d’électro, de pop et de dancehall — sont la recette parfaite pour des moments de folie et de pur bonheur.
Sous le thème du cirque, bbno$ est arrivé sur scène tel un maître de piste, accompagné d’une troupe d’artistes de cirque : acrobates, jongleurs, équilibristes… Un ajout ludique qui complétait à merveille une musique déjà bien déjantée.
Ses beats entraînants, ses paroles humoristiques et sa manière unique d’aborder le genre ont électrisé la foule, très dense, qui couvrait à la fois le parterre de la scène de la Vallée et celle de la Forêt. Le public a largement contribué à cette ambiance de plaisir et de folie contagieuse, dansant et sautant à chaque seconde de la performance et chantant chaque parole.
bbno$ est un entertainer hors pair, qui exploite à merveille ce désir collectif, et parfois un peu enfoui, que nous avons tous de faire les fous, ne serait-ce que pour une heure.
J’avais prévu terminer la soirée avec Lost Frequencies et The Chainsmokers, mais un orage électrique a abruptement interrompu la prestation de Lost Frequencies. Craignant une évacuation du site, j’ai finalement décidé de revenir du côté des scènes principales, où nous avions laissé nos ados à Tyler, the Creator… Une performance qui, personnellement, m’a laissée plutôt tiède — mais que mon collègue a revue et analysée de son côté, par ici !
Osheaga se poursuit dimanche avec Cage the Elephant, Olivia Rodrigo et plusieurs autres.
Photos en vrac
bbno$
(par Nadia Davoli)
BéLi
(par Nadia Davoli)
Future Islands
(par Jesse Di Meo)
Good Neighbours
(par Jesse Di Meo)
Kaleo
(par Jesse Di Meo)
Matt Champion
(par Nadia Davoli)
Shaboozey
(par Jesse Di Meo)
Sofia Camara
(par Jesse Di Meo)
Tommy Richman
(par Jesse Di Meo)
TV on the Radio TV
(par Nadia Davoli)
- Artiste(s)
- bbno$, BéLi, Future Islands, Good Neighbours, Kaleo, Matt Champion, Shaboozey, Sofia Camara, Tommy Richman, TV on the Radio
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Parc Jean-Drapeau
- Catégorie(s)
- Festival,
Événements à venir
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vendredi
Jour 1 | Bailey Zimmerman, Sheryl Crow, Shaboozey
Lieu : Parc Jean Drapeau -
jeudi
FME | Show de la rentrée avec Marie-Pierre Arthur, BéLi, Billie du Page
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