
Osheaga 2025 | Entrevue avec Samuel T. Herring (Future Islands) : « On va tout laisser sur scène » [balado]
Samuel T. Herring est d’humeur à la fois méditative et fébrile lorsque rejoint sur Zoom quelques jours avant le retour de Future Islands à Montréal. Le groupe américain y livrera, le samedi 2 août, ce qui s’annonce comme un dernier concert marquant avant une longue pause. Entre introspection, énergie brute et amour des festivals, Herring se livre avec la générosité scénique qu’on lui connaît.
Osheaga, un terrain familier… et spécial
Samuel T. Herring a un attachement réel à Montréal. Il évoque ses passages en solo, ses errances nocturnes, les cafés. « J’adore cette ville. Et on a souvent fini nos tournées ici. Cette année encore, c’est notre dernier show. Il va être intense. On va tout laisser sur scène. »
« C’est notre troisième Osheaga, et c’est toujours spécial. J’ai des souvenirs incroyables ici… » Herring évoque en riant la réputation légendaire du service traiteur du festival. « Nos gars en parlent depuis le début de la tournée : ils ont hâte de retrouver le catering d’Osheaga. C’est le genre de choses qu’on retient! »
Mais ce passage au festival ne sera pas anodin. Contrairement à d’autres groupes qui débarquent à Osheaga entre deux autres festivals la veille et le lendemain, Future Islands n’a que ça dans l’agenda. Il prévoit même rester une semaine en ville afin d’écrire, se ressourcer, s’imprégner de la ville.
« C’est notre dernier spectacle de l’année, et peut-être pour un moment. On commence à écrire un nouvel album. C’est un moment charnière. » Le groupe tourne depuis un an et demi avec leur plus récent disque People Who Aren’t There Anymore, paru en janvier 2024, pour lequel ils avaient d’ailleurs donné un spectacle au MTELUS à l’été dernier.
Le chanteur confie être en pleine phase de démo pour le prochain disque. « J’ai besoin de silence pour écrire. Après des mois sur la route, on revient à l’intérieur de soi. C’est dur de passer d’un mode physique à un mode créatif, mais c’est nécessaire. »
Un set taillé pour les festivals
Future Islands a peaufiné un format plus percutant pour Osheaga : « En festival, tu dois frapper vite. On a 50 minutes, donc on va y aller avec des chansons fortes, directes, mais peut-être glisser un moment plus doux au milieu. Il y a quelque chose de magique quand le silence s’installe, même devant 10 000 personnes. »
Il évoque un souvenir en Europe : « On a joué une chanson lente devant une foule énorme. Et tout le monde a écouté. Un silence immense. C’est ce genre de vulnérabilité qui transforme un set. »
Depuis la sortie de People Who Aren’t There Anymore, les chansons ont évolué. Certaines, comme The Sickness, Give Me the Ghost Back ou Glimpse (un b-side lancé en août 2024), ont pris une nouvelle ampleur.
« Ce sont des morceaux qui n’étaient pas forcément au cœur de l’album, mais en live, ils explosent. Le public les aime, on les redécouvre avec eux. On les laisse respirer. On danse, on ajoute de la distorsion, de la surprise. »
L’art du choc : grognements et émotions brutes
Parlant de distorsion et de surprise, Samuel T. Herring est célèbre notamment pour ses grognements vocaux sur scène, empruntés au métal. Quiconque a déjà vu Future Islands sur scène s’en rappelle… À des moments pouvant parfois sembler anodins, une soudaine grogne semble s’emparer temporairement de Herring, ce qui donne lieu à des moments que certains trouvent loufoques, d’autres intenses.
Pourquoi si peu présents sur les albums ? « Parce que c’est du live. C’est viscéral. En studio, je ne ressens pas ça. Sur scène, ça sort. Parfois, ça me détruit la voix, mais ça vaut le coup. »
Le chanteur souffre d’un œdème des cordes vocales, ce qui limite parfois ces exubérances. « Je n’ai jamais appris à le faire correctement. Les chanteurs de death metal savent. Moi, j’ai juste crié jusqu’à ce que ça sonne bien. »
* Osheaga 2015. Photo par Karine Jacques.
La disparition des late shows : un deuil culturel
La conversation bifurque sur la disparition de segments musicaux dans les émissions de fin de soirée, comme celle de Stephen Colbert dont l’annulation a été annoncée la semaine dernière et qui crée un véritable tollé auprès des adeptes. Future Islands a performé plusieurs fois à cette émission, et nombreux sont ceux qui ont découvert le groupe grâce à sa mémorable performance de Seasons (Waiting On You) à ce même Late Show à l’époque où David Letterman l’animait :
Herring est visiblement touché par la nouvelle de la disparition du Late Show et le définancement des réseaux publics comme NPR et PBS.
« J’ai grandi dans une petite ville. Je n’avais pas accès aux concerts. Les shows comme Letterman ou Austin City Limits étaient ma fenêtre sur la musique. C’est une perte culturelle immense. Pour beaucoup, c’était une première rencontre avec l’art. »
Il faut dire que Future Islands doit beaucoup aux Late Nights. Pas qu’ils partaient de rien… Jusqu’à ce moment marquant en 2014, Future Islands avait déjà trois albums sous la cravate, parus sous le label indépendant Thrill Jockey. Les membres vivaient de leur musique, multipliaient les spectacles – le groupe a joué six fois à Montréal en cinq ans, notamment au Zoobizarre, à la Casa Del Popolo et à l’Esco, imaginez! – qu’ils bookaient eux-mêmes, et se débrouillaient somme toute plutôt bien.
Mais en 2014, tout a pris des nouvelles proportions : signature chez 4AD, label des Pixies, Bauhaus, Cocteau Twins et Bon Iver notamment, sortie du quatrième album Singles et tournée dans des salles considérablement plus grandes. Le chanteur confie qu’après le raz-de-marée médiatique causé par leur performance à Letterman en 2014, ils se sont d’ailleurs un peu perdus. « On a essayé de plaire. On écrivait pour maintenir l’attention, pas pour exprimer ce qu’on ressentait. The Far Field, notre cinquième album, en a souffert. Depuis, on est revenus à l’essentiel. »
Les deux albums récents (As Long As You Are en 2020 et People Who Aren’t There Anymore en 2024) sont, selon lui, des retours à leur vérité. « Faire la musique qu’on ressent. Et espérer qu’elle trouve les gens qui en ont besoin. C’est ça, notre job. »
Future Islands, un groupe soul ?
Future Islands est généralement décrit comme un groupe synth-pop. La formule respecte ces codes. Mais au fond, Future Islands serait-il davantage un groupe soul? « Oui, je le pense. Même si personne ne l’a vu. La palette sonore masque peut-être ça, mais à la base, c’est de la soul. Little Dreamer, Tomorrow, Thrill, ce sont des ballades de l’âme. »
La collaboration avec BadBadNotGood en est un bon exemple : le groupe jazz-hip-hop canadien a remixé Seasons (Waiting on You) en lui donnant un vernis jazz, utilisant uniquement la trame vocale intégralement mais en changeant complètement la musique. « Ils ont révélé l’âme de la chanson. Ils ont compris ce qu’il y avait sous la surface. C’était très puissant. »
Future Islands sera de passage à Osheaga le samedi 2 août 2025 à 18h10 sur la Scène de la Forêt.
Le prochain album devrait voir le jour en 2026, mais aucune nouvelle chanson sera jouée live à Osheaga.
L’alter ego hip-hop de Samuel T. Herring, Hemlock Ernst, pourrait aussi donner naissance à un nouvel album prochainement, six ans après le sous-estimé Back At the House, album en collaboration avec Kenny Segal. « J’ai eu une phase créative il y a quelques mois, au cours de laquelle j’ai spontanément écrit 4 ou 5 chansons en moins d’un mois. Je croyais être bien parti pour terminer un album. Mais je compte m’y remettre, oui… »
Écoutez l’entrevue en intégral (en anglais) :
🎧 Spotify : https://tinyurl.com/ysykyfpa
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- Balado, Indie, Indie Pop, Soul, Synthpop,
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