crédit photo: Jesse Di Meo
Billie Eilish

Osheaga 2023 – Jour 2 | Billie Eilish et la puissance au féminin

Il se passait quelque chose d’un peu différent samedi sur le site d’Osheaga. Achalandage très élevé, c’est certain, mais aussi beaucoup plus de jeunes filles que d’habitude, souvent mineures, parfois avec leurs parents. Le phénomène Billie Eilish débarquait en ville, et ça se ressentait dès la sortie du métro.

Photo par Jesse Di Meo.

Station Jean-Drapeau, ça chantait à tue-tête. Un chœur d’adorables voix aiguës, visiblement excitées de se rendre à (leur premier?) Osheaga, qui entonnaient l’air d’Happier Than Ever, puis Call Me Maybe. Puis, Sk8ter Boi.

Billie Eilish est en ville, Carly Rae Jepsen est aussi à la programmation d’Osheaga, mais Avril Lavigne n’y est pas. Ce n’est pas bien grave. Ce que toutes ces chansons ont en commun, c’est le répertoire pop de voix féminines qui résonnent auprès d’une génération de jeunes femmes qui s’assument et qui se célèbrent.

* Photo par Jesse Di Meo.

Plus tard en soirée, quand Billie Eilish s’apprêtait à monter sur scène, on sentait une fébrilité un peu différente aussi. Le genre de ferveur qui appartient à la jeunesse, aux premières expériences, à l’adoration totale et sans compromis d’une star qui nous parle comme pas d’autres.

C’est (encore) ça, Billie Eilish. Et c’est beau à voir.

Cinq ans après avoir joué à Osheaga, à l’âge de 16 ans et avec une cheville blessée, elle est de retour au Parc Jean-Drapeau, cette fois non pas comme une étoile montante, mais comme une figure importante de la pop, solidement ancrée dans la culture populaire.

* Photo par Jesse Di Meo.

Sur l’immense installation scénique, Billie Eilish arrive en trompe, projetée dans les airs telle est une superhéroïne des temps modernes.

Osheaga avait pris le pari l’an dernier de faire de Dua Lipa l’une de ses têtes d’affiche. Certains déplorent que la pop envahisse le festival autrefois plutôt « indie », mais force est d’admettre que l’expérience Dua Lipa était pour le moins concluante.

C’est donc dans l’ordre des choses que le festival répète une expérience similaire, avec une artiste toutefois presque à l’opposé.

Si Dua Lipa en met plein la vue avec des chorégraphies époustouflantes réglées au quart de tour, des tenues parfaitement ajustées à son corps parfait et une performance vocale à faire trembler les plus gros amphithéâtres, Billie Eilish mise sur une approche plus contrastée, misant sur son charisme naturel pour danser de manière libre et montrer une autre image qui lui ressemble davantage.

Shorts Air Jordan, baskets aux pieds et haut ample : on reconnaît son style, auquel bon nombres d’adolescentes s’identifient.

* Photo par Jesse Di Meo.

Sous un éclairage à forte dominante rouge, elle interprète bury a friend d’entrée de jeu, puis I Didn’t Change My Number et NDA. Elle a déjà la foule dans sa poche.

Que ce soit avec les voix chuchotées, ou les moments où elle laisse briller son organe vocal lors d’un magnifique duo acoustique avec frérot Finneas, tout fonctionne. Elle se trémousse sur Billie Bossa Nova, et invite ses fans à chanter ses paroles, participation que la foule ne manquera pas d’honorer.

Osheaga a même droit à une surprise de taille : un moment de pur plaisir alors que le rappeur américain Armani White, connu surtout pour sa chanson justement intitulée BILLIE EILISH, vient faire son tour et interpréter ladite chanson devant la chanteuse éponyme. « Bitch, I’m stylish / Glock tucked, big t-shirt, Billie Eilish », lance-t-il à la pop star visiblement amusée! C’était apparemment la toute première fois que les deux se rencontraient!

Après avoir joué all the good girls go to hell et everything i wanted, c’était le moment de dire aurevoir de la manière la plus tonitruante possible : avec un bad guy frénétique, et la mélodramatique Happier Than Ever, sous un concert de feux d’artifice et de flammes, pendant que Finneas s’adonne à un solo de guitare cheezy à souhait! On se croirait dans un concert de Guns N’ Roses en 1991!

Difficile de trouver quoi que ce soit à redire au sujet de ce spectacle entièrement assumé, d’une authenticité touchante et marqué par une fougueuse et vibrante star de 21 ans qui habite à elle seule une immense scène avec son charisme magnétique.

* Photo par Jesse Di Meo.

The National : Une valeur sure

Plus tôt en soirée, The National nous a rappelé pourquoi on ne se tanne pas de les voir sur scène, même si leur présence par chez nous est assez fréquente.

Avec une grille de chansons assez bien équilibrée entre les meilleurs titres du plus récent album First Two Pages of Frankenstein (Alien, Eucalyptus, Grease in Your Hair et l’entraînante Tropic Morning News) et des classiques comme Bloodbuzz Ohio, Conversation 16, England, Fake Empire et Terrible Love, il y a de quoi faire une excellente heure-et-des-poussières sur la grosse scène au coucher de soleil.

Plus calme qu’à ses années, disons, plus « arrosées », le chanteur Matt Berninger n’a visité la foule qu’une seule fois (durant Terrible Love à la toute fin), mais n’a pas pour autant manqué d’engager celle-ci avec sa présence scénique toujours très engageante et son interprétation vive, émotive et imprévisible.

Les frères Dessner, pour leur part, s’occupent du reste avec leurs textures et leurs mélodies mémorables.

* Photo par Pierre Langlois.

On ne le dira jamais assez, mais chapeau également au gars qui gère le fil de micro de Berninger. C’est l’un des techniciens les plus occupés de la journée, sans aucun doute.

À cet effet, on vous ramène un succès souvenir de notre critique de l’été dernier, lors du passage de The National au Bluesfest d’Ottawa :

Le joueur étoile de l’ombre, c’est sans aucun doute le technicien qui gère le fil de micro de Berninger. Appelons-le Dan, tiens.

On imagine la scène, en coulisse :

Bryce Dessner : « Hey Matt, on a vu ça sur Internet, ça pourrait t’intéresser : il paraît qu’ils font des très bons micros sans fil maintenant… Ça te dirait de l’essayer ? »

Matt : « Pourquoi ? Dan gère très bien mon fil de 500 pieds, c’est amusant. »

Bryce : « Ouais bien justement, on pourrait couper un salaire en tournée et charger moins cher aux festivals. »

Matt : « Oui, mais Dan fait un très bon travail, et il a deux enfants à envoyer au collège. On peut pas lui faire ça. Je garde mon fil de 500 pieds. »

Bryce : « Pourrais-tu aller moins souvent dans la foule, dans ce cas-là? »

Matt : « C’est hors de question. »

* Photo par Pierre Langlois.

Sofi Tukker et autres

L’enchaînement entre les deux grosses scènes en soirée était pour le moins éparpillée. The National et Billie Eilish?

Ok ça va.

Le rappeur Baby Keem entre les deux?

Tout un changement de ton.

Sofi Tukker juste avant The National?

Ok ça, c’était assez bizarre.

Si The National brille par son interprétation rock toute en textures et en nuances, comme un bon plat mijoté longtemps, le duo floridien formé de Sophie Hawley-Weld et Tucker Halpern agissait comme un sac de bonbons en apéritif.

* Photo par Pierre Langlois.

C’est clinquant, tape-à-l’oreille, pop ultra sucré, avec des couleurs vives, des danses ahurissantes et un décor tout droit sorti d’un show de Las Vegas. Tellement WTF que ça en est charmant!

Quand les danseurs vêtus de fluo sont venus twerker leur vie dans une scène quasi-Bollywood vers la fin du set, on se demandait bien comment la foule allait réagir au changement de garde avec The National. C’était pas si mal finalement. Mais tout un contraste.

Parlant de couleurs vives, plus tôt en après-midi, Bomba Estereo a été fidèle à son habitude avec un gros party électro-colombien et des costumes dignes d’un carnaval sur le LSD.

* Photo par Pierre Langlois.

Leur performance a coupé le sifflet à Adekunle Gold, aka AG Baby, qui a fait vibrer la foule avec une excellente performance afro-pop. La prestation du Nigérien a toutefois été de courte durée puisqu’un problème technique a causé un retard de 20 minutes à sa présence déjà prévue pour être courte. Ça a donné lieu à un moment bizarre où l’artiste continuait de performer sans savoir que le son était coupé pour la foule, et qu’on entendait désormais les premières notes du show de Bomba Estereo sur la scène voisine. Fin en queue de poisson pour un artiste qu’on adorerait revoir, disons au FIJM l’an prochain.

* Photo par Jesse Di Meo.

Osheaga se termine dimanche avec Kendrick Lamar, Fred Again, Kim Petras, Japanese Breakfast, beabadoobee, et plusieurs autres.

 

Grille de chansons (Billie Eilish)

bury a friend
I Didn’t Change My Number
NDA
Therefore I Am
my strange addiction
idontwannabeyouanymore / lovely
my future
you should see me in a crown
Billie Bossa Nova
GOLDWING
What Was I Made For?
Oxytocin / COPYCAT
ilomilo
i love you
Your Power
TV
bellyache / ocean eyes
BILLIE EILISH (Armani White)
Never Felt So Alone
when the party’s over
all the good girls go to hell
everything i wanted
bad guy
Happier Than Ever

 

Photos en vrac

Billie Eilish

Crédit photo : Jesse Di Meo

The National

Crédit photo : Pierre Langlois

Sofi Tukker

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Bomba Estereo

Crédit photos : Pierre Langlois

Adekunle Gold

Crédit photo : Jesse Di Meo

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