crédit photo: Geneviève Gauthier
Nemahsis

Montréal en Lumière 2023 | Le doux cri du cœur de Nemahsis au Studio TD

Avant d’entrer dans le monde de la musique, la Torontoise s’est d’abord fait connaître comme influenceuse sur Instagram et TikTok … sceptique? On l’était aussi, jusqu’à ce que sa voix angélique, son humour et l’authenticité de ses textes nous charment.

Pour son premier concert à Montréal, elle assure qu’elle a dû insister auprès de son gérant pour que sa tournée s’arrête dans la métropole, Nemahsis aura rapidement développé une complicité avec les personnes rassemblées au Studio TD dans le cadre du festival Montréal en Lumière.

L’influenceuse devenue auteure-compositrice-interprète

Nemahsis, c’est Nemah Hasan, une auteure-compositrice-interprète d’origine palestino-canadienne qui s’est d’abord fait remarquer sur les réseaux sociaux où elle compte des abonnés par centaines de milliers.

Son incursion dans le monde de la musique a commencé par la publication de reprises, dont Young and Beautiful de Lana Del Rey qu’elle nous a offerte en spectacle. Elle nous raconta que cette reprise, bien qu’elle ne soit pas devenue virale, aura marqué un tournant dans sa carrière. La vidéo envoyée à son père (qui interdisait l’écoute de toute musique) par ses cousins d’outre-mer aurait dévoilé au paternel l’intention de sa fille de poursuivre une carrière musicale. Une carrière qu’il décida d’encourager, à la grande surprise de toute sa famille.

C’est son partenaire d’écriture Joel Compass (producteur britannique de R&B et de soul) qui l’aida à concrétiser son projet musical. Sa première composition originale, la riche et introspective what if i took it off for you, sorti en 2021 et marqua ce qui allait rapidement devenir sa marque de commerce : des compositions à la fois éducatives et thérapeutiques. Bien qu’on soit à des années-lumière des stéréotypes qu’on peut se faire des créateurs de contenu, l’influenceuse n’est toutefois jamais très loin. En nous dévoilant en toute pudeur les récits de leurs vies, elle cherche à faire de nous des alliés des femmes musulmanes.

Un parcours unique, mais universel

Nemah dit souhaiter faire écho aux voix de ceux et celles qui se sentent obligés de compromettre leur individualité pour se fondre dans la société. Plutôt que d’utiliser une approche « d’empowerment » à l’américaine où colère et vulgarité servent d’armes pour l’affirmation du soi, Nemahsis choisit plutôt de revendiquer sa différence comme on chuchote en douceur une confidence. Sa différence à elle? Son identité symbolisée par le hijab qu’elle a commencé à porter à l’école secondaire, à l’insu et contre l’avis de sa mère.

C’est d’ailleurs coiffée d’un hijab noir que celle qui choisit parfois de se faire appeler Emma (pour éviter la stigmatisation) est venue présentée son microalbum, eleven achers, paru en 2022. Ce magnifique corpus d’œuvres dévoile la vulnérabilité de Nemah et sa relation complexe avec son héritage culturel et son éducation religieuse. Une complexité qu’on retrouve sur ses compositions qui mêlent textes poignants et mélodies soyeuses. On imagine facilement que les ballades soul de Nemah lui font office de thérapie chantée.

Malgré l’unicité des récits qu’elle nous raconte, nous ne sommes évidemment pas tous des femmes musulmanes, on se reconnaît tout de même dans l’universalité des textes de Nemahsis. Dans paper thin, par exemple, elle nous invite à réaliser que l’amour propre est un passage obligé pour se faire accepter des autres : « they won’t love you till you learn to love yourself ».

Anecdotes, humour et intimité.

C’est le guitariste jazz néo-zélandais Ashton Sellars qui foula la scène le premier, préparant l’entrée de la vedette de la soirée en nous enivrant quelques minutes de son jeu de guitare néo soul précis et hypnotique. Seul musicien accompagnant Nemahsis sur scène, il alterna entre guitare électrique et guitare acoustique tout au long de la soirée. La guitare de Sellars aura été suffisante pour créer un environnement sonore profond et complet.

Dès son entrée sur scène, Nemahsis a su conquérir les personnes présentes en prononçant quelques phrases en français. Il n’en fallait pas plus pour créer une réelle complicité avec le public, un sentiment de complicité alimenté par ses nombreuses anecdotes personnelles et humoristiques destinées à mieux la connaître et comprendre le contexte d’écriture de ses compositions. Elle ne craint décidément pas de se dévoiler.

Nemah commença la soirée comme une vieille routière de la scène avec immigrant’s tale, une chanson qui aurait touché sa mère au point de la faire pleurer lors d’un concert à Toronto. On la sentait d’aplomb, bien à l’aise devant son public. La glace pourtant cassée, elle ne put retenir sa nervosité et perdit complètement le fil lors de paper thin. Rattrapant la situation avec humour dans un élan d’authenticité touchant, elle montra ensuite tout au long de la soirée une assurance autant dans sa voix que dans ses déplacements sur scène. Elle nous a ainsi vite fait oublier qu’elle en était à ses tout débuts dans le monde musical. Au final, elle aura joué tous les titres de son microalbum, incluant I’m not gonna kill you qui fait référence à un voisin de vol en direction de Los Angeles qui, aveuglé par la peur de son hijab, aurait demandé à changer de siège. Nous aurons eu également le droit à criminal, sorti tout juste après son premier microalbum, et I Wanna Be Your Right Hand qui sortirait, si on a bien compris, le 23 février prochain.

Ce n’est qu’un au revoir

Son talent de parolière, sa voix d’ange et son point de vue unique qui invite aux rapprochements entre les communautés ont conquis en un peu moins d’une heure les personnes rassemblées au Studio TD en ce dimanche soir. Une appréciation qui fut chaudement démontrée tout au long de la soirée par des rires bien sentis et des applaudissements chaleureux.

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