Louise Lecavalier : Mille batailles au FTA 2016 | La perfection
Longue, retentissante et triomphale ovation debout hier soir au Monument-National pour le retour tant attendu de la danseuse et chorégraphe montréalaise Louise Lecavalier, avec son électrisant Mille batailles présenté dans le cadre du Festival TransAmériques. Mue par cette énergie pure et épurée qui lui est propre, il n’est pas exagéré de dire que sa création atteint la perfection.
Elle apparaît, sans âge, sur scène à l’intérieur d’un grand carré faisant penser à un ring, où elle se tient d’abord immobile sur un côté. En fond de scène, pour tout décor, un panneau glacial. La danseuse, chou-chou des Montréalais et adulée dans le monde, est vêtue d’une veste en tissu léger noir avec un capuchon qui cache sa chevelure, sauf pour une mèche blonde, rebelle comme elle. Le designer Yso a également conçu un pantalon en tissu luisant noir évasé vers le bas. Elle est prête, et s’engage à livrer bataille.
Louise Lecavalier sera seule en scène pendant les quelque quinze premières minutes du spectacle. Chacun de ses mouvements est parfaitement en accord avec la musique qu’il nous est donné d’entendre. En plus de ses compositions originales, le musicien montréalais André Berthiaume, en retrait du côté jardin comme on dit au théâtre, joue live une musique techno qui se colle littéralement à chaque mouvement de la danseuse.
Puis, subrepticement, le danseur Robert Abubo s’invite sur le plateau. Elle et lui ne se touchent pas au départ, comme si par un effet de miroir, la danse de l’un devenait la danse de l’autre. Louise Lecavalier retrouve en Robert Abubo le partenaire idéal, chacun devenant le double de l’autre, en parfaite synergie.
Mille batailles ne ressemble à rien des sept autres spectacles de la compagnie Fou glorieux fondée par Louise Lecavalier en 2006, après avoir été l’égérie d’Édouard Lock et de La La La Human Steps pendant près de 20 ans. La danseuse paraît plus que jamais libre comme l’air. «Remettre en question l’art que je pratique est l’ultime bataille, sublimée et abstraite. Danser est une cérémonie sauvage, la plus vraie, la plus concrète», écrit-elle dans le programme.
Il n’y a pas une seule seconde à retirer de ce spectacle. Parfois sautillants, frétillants, ils trottent, ils courent, ils s’imitent, ils tournent et reviennent sur leurs pas. La superstar de la danse contemporaine, spécialiste des vrilles qui ont fait sa renommée, les effectuent ici en se roulant sur les quatre côtés de l’arène, un décor qui se construit à mesure grâce aux éclairages astucieux d’Alain Lortie.
Une ligne rouge trace les contours de l’aire de jeu où les danseurs ne paraissent pas assujettis à une volonté obsessive de repousser les limites à l’extrême. La danse n’est pas ici un duel, ni un jeu dangereux, mais un plaisir dans toute son apparente dissonance. La Louise Lecavalier conceptrice et chorégraphe a su ménager la Louise Lecavalier danseuse, établissant en même temps une très belle et complète relation symbiotique avec son partenaire.
Librement inspirée de l’énigmatique Chevalier inexistant de l’écrivain Italo Calvino, l’œuvre de Louise Lecavalier fait se croiser deux danseurs comme de sublimes anti-héros avec le corps-armure du personnage de Calvino et sa dimension philosophique qui sert bien la danse.
Mille batailles, qui vient d’être créé à Düsseldorf en février dernier, est encore à l’affiche du Festival TransAmériques ce soir, 1er juin, ainsi que demain soir au Monument-National.
- Artiste(s)
- Louise Lecavalier
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Monument-National
- Catégorie(s)
- Danse, Festival,
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