crédit photo: Oscar Ocelotl Aguirre

L’ombre ailée et la licorne des mers (bulbe d’infini) | Un opéra pour les enfants, par les enfants

Ce n’est pas une nouvelle pour personne : le Québec vit des changements générationnels majeurs depuis quelques années, avec une population vieillissante dont l’impact sur la culture et les arts deviendra de plus en plus important à moyen-long terme. Certains milieux se retrouvent donc à devoir opérer un rapide renouvellement de public, principalement celui de la musique classique.

Créé à l’initiative des artistes Maxime Daigneault et Véronique Girard, l’opéra-jeunesse L’ombre ailée et la licorne des mers (bulbe d’infini) est un exemple probant du type de projets qui faciliteront cette dure entreprise. On s’est entretenu avec cette dernière en vue de l’unique représentation de ce soir.

* Photo par Oscar Ocelotl Aguirre

Le concept du projet est assez simple sur papier : un opéra pour les enfants, par les enfants. En forme, c’est plus complexe, et pour d’excellentes raisons. À la base de l’œuvre? Les élèves de 5e année de l’école Barclay, dans le quartier Parc-Extension à Montréal, qui ont imaginé le scénario et les textes de A à Z. « Chaque enfant est vraiment au cœur de la création. Ce qui va être sur scène, c’est leur vision. » Et leur vision est très imaginative, disons-le, alors que l’opéra raconte l’histoire de jeunes licornes qui doivent, par le chant, voyager à travers les souvenirs de leurs mères pour les libérer de bulles dans lesquelles elles sont prises pour qu’elles puissent terminer leur cycle de vie et laisser place aux jeunes. Une œuvre qui traite donc de changement de génération, de nature et de l’importance de l’art dans la vie de tous.

« On avait déjà fait un projet similaire en adaptant un opéra qui existait déjà avec son histoire et ses éléments. Les enfants l’avaient transformé en une nouvelle œuvre, mais avec un fond qui était déjà là. » Ici, pas de fond, on se retrouve avec une œuvre 100% originale entre les mains. « C’est nous qui intervenons sur un concept et un thème entièrement créés avec les enfants. » Le besoin d’encadrement est en effet criant au final parce qu’avec l’opéra, les paramètres sont nombreux et complexes : musique, scénographie, éclairages, costumes… Ça peut aller loin.

* Photo par Oscar Ocelotl Aguirre

Avec Daniel Laforme, Mélanie Paquet et Paule Boudrias-Schmouth, trois enseignants de l’école située en plein cœur d’un quartier plus défavorisé de Montréal, Maxime Daigneault et Véronique Girard ont mis sur pied une série d’atelier de création et d’idéation destiné aux élèves, mettant de l’avant un ensemble de compétences, sans se limiter uniquement à une classe de musique comme on pourrait le penser au premier abord. Dessin, chant, discussion, impro et plusieurs autres procédés ont été mis en place pour en arriver au résultat final.

Beaucoup de ses enfants-là sont allophones. On utilise le jeu plutôt que la parole pour aller chercher différents modes de communication.

Ce qui permet d’arriver à un aussi bon résultat, pour Véronique Girard, c’est la liberté créatrice des jeunes : « Les adultes, on se soucie beaucoup du regard des autres. Avec les enfants, ils sont pas encore rendus là et on essaye de gentiment casser ce réflexe-là avant qu’il arrive. » L’idée? Les plonger dans un état d’esprit où tout est permis. « Si tu avais à créer sans limites dans un monde où il n’y a pas de règles, tu ferais quoi? » À partir de cette question, c’est aux jeunes d’extrapoler et de lancer tout ce qui leur vient en tête.

Tout le monde a quelque chose à dire, peu importe l’âge.

* Photo par Oscar Ocelotl Aguirre

C’est grâce à la confiance des professeurs que les activités se sont mises en place et que les enfants ont réellement pu se mettre dans un esprit de participation et donner de l’énergie au projet. « On avait déjà collaboré dans le passé. Le lien de confiance était bâti donc les profs acceptaient nos idées sans nous questionner et proposaient même leurs propres idées pour qu’on puisse aller plus loin. » Un merveilleux exemple que pourraient probablement suivre plus d’enseignants si le ministère témoignait de plus d’ouverture et de confiance envers ce type d’initiatives, et débloquait des budgets et un encadrement pour permettre la tenue de plus de projets du genre…

Ce soir, le résultat sera présenté sur scène devant les parents, d’autres jeunes de l’école et des représentants scolaires et quelques personnes du grand public au Patro Villeray. Gageons que les enfants ont bien hâte!

 

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