L’Odyssée musicale du jeu vidéo à la Maison Symphonique | Hommage à la création vidéoludique québécoise

Vendredi soir a eu lieu à la Maison Symphonique un concert en hommage à la création vidéoludique québécoise, en compagnie de la Montreal Orchestra Company. Concert qui a mis en lumière des problématiques inattendues. 

La soirée s’est ouverte sur une petite présentation du président de « La Guilde » (… des développeurs de jeu vidéo indépendants du Québec), Louis-Félix Cauchon et l’arrivée inattendue du Maire de Montréal Denis Coderre, venu insister sur la place de Montréal et du Québec à l’international dans le domaine vidéoludique. Nous a été présenté ensuite un programme 100% québécois qui alliait, une fois n’est pas coutume, les grosses entreprises du jeu vidéo (Ubisoft, BioWare…) et les studios indépendants (Jeux Borealys, Affordance Studio, Clever Endeavour Games, etc.).

Sur place, un orchestre symphonique au grand complet et une trentaine de choristes ; en tout près d’une centaine de musiciens venus interpréter les thèmes principaux des jeux créés au Québec ces dernières années.

Du thème d’Ezio (Assassin’s Creed, Ubisoft) au chant de guerre de Jotun (Thunder Lotus Game), en passant par l’avant-première du thème du futur Mass Effect : Andromeda (Bioware, sortie prévue au printemps 2017) ou le détonnant Ultimate Chicken Horse (Clever Endeavour Games), la soirée fut épique. Entre le monde mobilisé pour l’évènement et les compositions, on a fait notre plein de frissons pour la semaine.

Grands ostinati rythmiques, foule de contrebasses — et intégration de l’octobasse une fois de plus — timbales, thèmes grandioses et vents s’en donnant à coeur joie ; le chef d’orchestre a placé toute sa motivation dans la direction de son orchestre et ça s’est ressenti. De ce long programme (dix-huit oeuvres interprétées) on retiendra particulièrement le thème du bébé d’Ubisoft Child of Light, les deux morceaux de Stories Fleet level (Spearhead Games) et le thème de clôture, celui de Leap of Fate (Clever Plays).

 

La fracture numérique musicale

Ce concert a cependant soulevé une problématique à laquelle on ne s’attendait pas forcément : l’importance de la musique numérique face à la représentation acoustique qui en a été faite. Sans même parler des effets numériques, on a pu sentir ce soir les morceaux créés dans une optique instrumentale, qui se prêtaient très bien à l’interprétation orchestrale, et ceux qui ont été faits et pensés pour le numérique.

Dans ces cas-là, on a pu voir les musiciens suer à grosses gouttes : les ordinateurs eux n’ont pas spécialement de difficultés à jouer sur trois cordes en même temps, à saturer les sons ou à se lancer dans des écarts de notes improbables (on pense très fort au corniste et à ses sixtes dans le suraigu).

Entre techniques hybrides employées par les musiciens (coups d’archets improbables, division des thèmes par les corps d’orchestre, ajout d’une corde aux contrebasses) et virtuosité, on ne peut que donner tout leur mérite aux musiciens qui se sont lancés dans l’entreprise plus que délicate d’interpréter des oeuvres à la base numériques. Et applaudir le choeur qui n’a chanté que de longues voyelles tenues deux heures durant ; probablement pas leur programme le plus apprécié!

Malgré le sérieux et la motivation de l’orchestre, du choeur et du maestro, les quelques musiciens passés boire des coups avant le concert ne se sont pas fondus dans le décor ensuite, surtout dans un programme qui laissait autant de place aux solistes. Complètement hors du tempo et massacrant sans vergogne leurs parties respectives, deux musiciens particulièrement ont bien fait marrer les autres, crisser les dents du public et désespérer le chef d’orchestre qui leur adressait de grands signes avec des yeux éplorés. Vraiment dommage.

Moins grave et plus amusant, le projectionniste du concert a dû lui aussi faire partie de leur gang d’avant-concert, puisqu’il a joyeusement mélangé tous les noms de jeux et de studios : le thème d’Ezio Auditore ayant été attribué à Batman : Arkham Origins ou encore le futur AAA MassEffect : Andromeda provenant selon la projection des studios Eidos-Montréal.

On retiendra donc de ce concert la sublimation de nombreux thèmes, rendus encore plus épique par l’interprétation d’une centaine de musiciens en acoustique, et les difficultés auxquelles ceux-ci ont dû faire face pour nous jouer une musique composée bien souvent par ordinateur pour ordinateur. L’émotion des quelques compositeurs présents dans le public était belle à voir et on a adoré la motivation du chef d’orchestre, tout heureux de présenter son programme dans cette salle magnifique. Par contre on va tâcher d’oublier les solos plantés et l’orchestre qui une fois de plus répétait tranquillement ses partitions pendant la demie-heure d’avant concert – et même pendant l’entracte. Décidément.

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