Lisa Fischer au Théâtre Corona | Un vent de grâce
Par un samedi soir de fin janvier, on pourrait se dire qu’on est au coeur de l’hiver, et pourtant… La soirée est d’une douceur insolente dans les rues de Montréal. Peut-être parce qu’un vent de grâce vient de souffler sur la ville, avec la merveilleuse Lisa Fischer présente pour une date unique au Théâtre Corona Virgin Mobile, accompagnée du groupe Grand Bâton.
Le spectacle n’a pas encore commencé qu’on sent déjà une certaine excitation dans la salle, cette ferveur d’avant-concert, et les conversations vont bon train.
A 20h20, la belle Lisa et ses musiciens s’approprient la scène. La chanteuse s’amuse de voir son micro tourné à l’envers vers le sol, et fait rire le public à travers son scepticisme de trouver le micro si originalement placé. Elle joue avec, fait des mimiques amusantes avant de le replacer.
Le premier titre démarre, tout en douceur. Les voix de Lisa et de JC Maillard (directeur musical, arrangeur et pluri-instrumentiste du projet) sont harmonisées. Il y a de la mélancolie, mais la performance vocale de Lisa commence dès la première chanson et amène une certaine fraîcheur. On peut déjà entendre de belles envolées lyriques avec des notes presque « intouchables » dans l’aigu, et pourtant Lisa semble très à l’aise avec celles-ci. Thierry Arpino à la batterie utilise des mailloches, quand JC Maillard exhibe sa belle guitare électroacoustique Godin et que Aidan Carroll apporte le grave et la chaleur avec sa contrebasse.
Lisa semble transcendée à travers son chant et les mouvements qui l’accompagnent, elle exécute rapidement des mélodies complexes sans la moindre fausse note.
Entre les chansons, elle a toujours le mot qu’il faut. On remarque, par exemple, le moment où elle s’empare de sa bouteille d’eau et déclare, toute fière de connaître un mot en français « Soiiiiff », avant de répéter « souuuu-affff », comme un enfant qui apprend à parler. Des rires de tous les côtés se font entendre.
Après nous avoir emmenés dans une direction jazz, Lisa nous chante un titre d’inspiration cubaine, utilisant des onomatopées non sans rappeler ceux de Marvin Gaye, mais aussi une voix douce et soufflée. Le batteur délaisse sa batterie pour l’accompagner au cajón.
Il ne faut pas plus de 3 ou 4 chansons pour déchaîner le public. Les gens se lèvent et acclament le groupe, des cris s’échappent.
Chant acrobatique
La chanteuse nous livre alors son titre-phare How Can I Ease the Pain (de l’album So Intense, 1991), et son interprétation est tellement juste et acrobatique d’un point de vue technique, que les gens s’exclamaient carrément « Jesus! » de toute part.
On note la pluridisciplinarité de JC Maillard, qui jongle avec sa guitare électroacoustique, son électrique, en passant par des claviers Rhodes ou encore un « Sazbass » qui est un instrument à cordes unique combinant des aspects du saz (sorte de luth turc), et du bouzouki grec. C’est lui-même qui en a fait la commande à un luthier français. Et en plus de tout ça, il fait les chœurs.
Impossible également de passer à côté d’un solo de batterie magistral, une vraie montée en puissance captivant les spectateurs, que nous livre Thierry Arpino.
Ensuite, JC Maillard chante sur une mélodie orientale et fait monter la pression en jouant en même temps du Sazbass. Lisa, elle, danse sensuellement, possédée par le rythme, avant de reprendre le micro.
Vient alors une partie plus rock’n’roll, marquée par des guitares électriques saisissantes et un esprit « Rolling Stones ». Lisa chante, Lisa crie, la frontière entre les deux est parfois mince et c’est ce qui fait que c’est encore plus prenant pour les auditeurs. L’émotion véhiculée est palpable. Tant de sentiments sont exprimés, que c’est à se demander combien d’épreuves elle a déjà traversées dans sa vie, elle semble habitée par cette puissance émotionnelle.
Le concert se termine avec une ovation incroyable. De bon cœur, tous les spectateurs se lèvent et applaudissent, crient pour que Lisa et Grand Bâton ne nous abandonnent pas déjà.
Finalement, le groupe revient et nous interprète le titre Gimme Shelter des Rolling Stones, dans une version jazzy, surprenante, douce, rallongée pour notre plus grand plaisir. C’est Aidan Carroll qui s’exprime et nous fait vibrer à travers un long solo de contrebasse. Lisa fait chanter le public, demandant d’abord la participation des hommes sur des « Ouh, ouh, ouh » présents en introduction sur la version originale du titre, puis elle invite les femmes à les rejoindre à l’octave. Ensuite, elle lance des « Beautiful… » auxquels le public doit répondre « lo-o-o-ove, lo-o-o-ove », de façon presque murmurée. Toutes ces voix, un peu timides mais unies, terminent en beauté le concert.
Une chose est sûre, on a encore « souuu-afff » d’entendre jouer Lisa.
- Artiste(s)
- Lisa Fischer
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Corona
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