Le Père Noël est une ordure au Théâtre Saint-Denis | Adapter un classique à la sauce du Québec
Hier débutait au Théâtre Saint-Denis les représentations de l’adaptation québécoise de la pièce Le Père Noël est une ordure, ce classique français de 1979, surtout connu grâce au film de 1982 avec entre autres Thierry L’Hermite & Josianne Balasko. La comédie mise en scène par André Robitaille, qui en signe aussi l’adaptation, se rapproche de l’originale tout en n’atteignant pas sa cible.
La veille de Noël chez SOS Détresse Amitié (dont on a laissé tomber le SOS pour une raison obscure), Pierre et Thérèse sont de garde pour prendre les appels de personnes en détresse psychologique. Entre le voisin bulgare intrusif et une femme trans insistante, les deux bénévoles se retrouvent emberlificotés dans une histoire de violence conjugale qui tourne mal entre Josette, la cousine de Thérèse, et Félix, son conjoint criminel et abusif.
C’est donc six comédiens qui se partagent la scène dans cette pièce qui diffère beaucoup du film, pour ceux qui ont des attentes précises : pas de Mme Musquin dans l’ascenseur et une finale encore plus trash et pathétique. Évidemment, la comparaison nous talonne toujours, et ça se sent un peu dans le jeu de Jean-Michel Anctil, qui incarne Pierre Mortez.
Il est un peu dans l’imitation, et malgré ces talents physiques et ces mimiques à la Rateau, son personnage culte du temps du stand-up, on ne sent pas sa version de Pierre incarnée, mais plutôt empruntée. Il garde son « Oui, c’est cela », mais est plus décalé que psycho-rigide. Un clin d’oeil à la scène où il matche avec le tissu du divan attend les vrais fans, mais c’est fait de façon assez subtile.
Josée Deschênes assure une Thérèse bien pognée et malaisante, et Claude Prégent est délicieux dans le rôle M. Preskovitch. Quand Brigitte Lafleur débarque en Zézette (Josette), elle remonte le niveau d’énergie et fait preuve d’une répartie que Mario Jean n’égale pas tout à fait. Le personnage de Félix est un violent manipulateur et Jean l’aborde avec manque de confiance et nonchalance, alors qu’il devrait être menaçant et imprévisible. On doit avouer que son entrée par la cheminée est très réussie, mais après, on n’achète pas du tout sa rage et on perd le sens de ses interventions. Pierre-François Legendre impressionne avec sa Katia, femme trans qu’il incarne en finesse et en vulnérabilité, qui s’avoue finalement être l’ex-mari de Thérèse.
Bien que la distribution ne s’en sorte pas trop mal, le rythme est étrange, moins serré qu’à l’accoutumé et quelques bons punchs tombent à plat au profit de grosses blagues de cul ajoutées. La mise en scène fait théâtre d’été assumé, avec des esquisses de comédies musicales qui elles le sont à moitié. Des musiciens live sont camouflés au décor pour créer des moments d’apartés ou de délires musicaux où l’on se demande : pourquoi diable est-ce que le personnage chanterait ? Comme la voix de l’obsédé du téléphone, enregistrée par l’incomparable Guy Nadon, qui ne fait que chanter des vieilleries grivoises. Tout le monde chante, tout le temps, pour rien! C’est un choix qui ne tient pas la route dans une comédie noire dont le texte est déjà si bien ficelé. C’est dommage car les moments en gros québécois sont jouissifs, comme la finale sur un « Câlice » bien placé.
Avec Jean-Michel Anctil, Josée Deschênes, Mario Jean, Brigitte Lafleur, Pierre-François Legendre et Claude Prégent.
Le Père Noël est une ordure est présenté du 9 au 19 novembre au Théâtre Saint-Denis, à Montréal. L’adaptation se rendra à Québec, Brossard et Gatineau à l’été 2024, puis en tournée au Québec en fin 2024 et en 2025.
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Saint-Denis
Vos commentaires