Le Messie de Händel par Les Violons du Roy à la Maison symphonique | Miraculeux !
Depuis son long épisode de maladie, le chef des Violons du Roy, Bernard Labadie, tel un miraculé, dirige assis et sans baguette son réputé orchestre Les Violons du Roy. Ce fut le cas encore pour Le Messie de Händel samedi soir à la Maison symphonique où, comme par bravade, une belle et extraordinaire énergie musicale a traversé tout le concert.
Musique sacrée ne veut pas dire nécessairement musique d’église. Bien au contraire, et l’on passe rapidement par-dessus le caractère religieux du livret pour se laisser envelopper par l’harmonie de cette œuvre indémodable créée en Irlande en 1742. Son oratorio en trois parties, avec chœur et nombreux récitatifs, n’aura demandé que trois semaines au compositeur allemand naturalisé britannique, pour écrire ce qui deviendra certainement son œuvre la plus connue.
Mais ce Messie, avec son texte faisant des emprunts directs à la Bible, fut d’abord boudé par le milieu musical londonien qui y a vu une sorte de sacrilège du fait qu’il ait été créé dans un théâtre plutôt que dans une église, et que les solistes soient issus du milieu théâtral, considéré alors comme perverti dans la bonne société.
La controverse fut telle que Händel prit sur lui de présenter l’œuvre sous le titre A New Sacred Oratorio pour sa création l’année suivante au Théâtre Royal de Convent Garden à Londres. Le compositeur, au confluent des styles anglais, italien, germanique et français, et dont les improvisations à l’orgue avaient une grande réputation en Europe, jugea bon d’y ajouter un concerto d’orgue et un solo de violon.
273 ans plus tard, sur la scène de la Maison symphonique de Montréal, pour cette pièce dont la ferveur musicale n’a plus rien de religieux à proprement dire, Bernard Labadie a su s’entourer de quatre solistes à la voix d’or, tout en pouvant compter sur le chœur prodigieux de La Chapelle de Québec. Ce chœur puissant qu’il a fondé en 1985, essentiel au bon rendu de l’œuvre händélienne, est composé d’une trentaine de voix ayant une large palette. L’image offerte est celle d’un hémicycle à une seule rangée dressé sur un promontoire en demi-cercle aussi, juste derrière l’orchestre. Le mariage est réussi et tout fonctionne à merveille, y compris le moteur dramatique qui vient enrichir l’œuvre.
La jeune soprano britannique Lucy Crowe, dont la voix continue de mûrir au gré des opéras et des concerts où elle s’est produite avec les meilleurs orchestres du monde, est tout simplement radieuse. Le ténor Allan Clayton, qui est aussi acteur et musicien, a rencontré l’univers de Händel seulement en 2015 alors qu’il a chanté Alcina au Théâtre royal de Madrid. Depuis, il a chanté le Messie avec la Händel et Haydn Society de Boston.
S’étant illustré à l’opéra avec un vaste répertoire où chaque fois il a fait bonne figure, le baryton-basse italien Luca Pisaroni force l’admiration à chaque intervention. Lui qui a enregistré avec les plus importantes maisons de disques, compte à son actif une interprétation magistrale de Don Giovanni avec l’Orchestre de chambre Mahler sous la direction de notre Yannick Nézet-Séguin.
Prodigieux contre-ténor
Enfin, la grande révélation de cette soirée Händel est sans conteste le jeune contre-ténor Iestyn Davies. De Cambridge où il a complété des études en archéologie et en anthropologie, il a suivi le destin de sa voix de castrat en allant intégrer la Royal Academy of Music de Londres où tout a commencé. Sa voix est d’une limpidité, d’une luminosité et d’une pureté rarement atteintes. Il a chanté avec les plus grands orchestres, sur des scènes aussi mythiques que la Scala, le Concertgebouw ou le Royal Albert Hall. Curieusement, c’est dans Rodelinda de Händel qu’il est monté pour la première fois sur la scène du Metropolitan Opera de New York. Sur disque, Iestyn Davies a enregistré deux versions du Messie avec des orchestres différents, en plus de Flavio, un opéra du même Händel, ainsi qu’un disque d’arias de Händel toujours, avec le King’s Consort cette fois.
Le Messie est une œuvre fétiche pour Les Violons du Roy qui l’ont interprétée au Carnegie Hall de New York déjà, et s’apprêtent à le faire à Los Angeles les 15 et 17 décembre prochains.
En homme courageux et exemplaire, dévoué tout entier à son art, Bernard Labadie a reçu récemment à Paris le prix Samuel de Champlain, et ici, l’insigne de Compagnon des arts et des lettres. En demande partout pour l’excellence de son expérience dans le répertoire des 17e et 18e siècles, le grand chef d’orchestre et ses Violons du Roy, en résidence au Palais Montcalm de Québec depuis 2007, est aussi à sa manière un Messie.
- Artiste(s)
- Bernard Labadie, Les Violons du Roy
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Maison Symphonique de Montréal
- Catégorie(s)
- Classique,
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