crédit photo: Eric Myre
Le Matou

Le Matou, la comédie musicale à la Salle Pierre-Mercure | Une expérience bien québécoise

Œuvre phare de la littérature et du cinéma québécois, Le Matou vient s’ajouter à la liste des nombreuses comédies musicales en tournée au Québec actuellement.  Cette production se distingue par le fait qu’elle est calquée sur le modèle des comédies musicales de Broadway mais 100% québécoise, avec des chansons originales et un livret adapté au théâtre musical par Jessy Brouillard.  On ne peut que se réjouir de ce genre d’initiative, bien qu’il soit toujours risqué de tomber dans les clichés ou l’imitation. Pourtant, le spectacle ne satisfait malheureusement pas encore les standards américains, malgré toutes les bonnes intentions.

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Une distribution variée et judicieuse

Treize interprètes donnent vie aux célèbres personnages créés par Yves Beauchemin.  Le Matou nous transporte dans le quartier du Plateau Mont-Royal des années 70, alors qu’un couple de jeunes Montréalais caresse depuis longtemps le rêve d’acquérir un restaurant.  Un couple sans histoire, dont la vie sera chamboulée par un personnage au sombre dessein, Egon Ratablavasky, sorte de représentation du mal et de la malchance, qui leur permettra d’acheter La Binerie Mont-Royal.  On ne sait pas vraiment si ce personnage existe ou s’il est immatériel, mais son interprète, Normand Carrière, lui, est bien vivant, et il est incroyable en tout point.  Son énergie nous fait oublier sa soixantaine avancée tellement il est agile et vif.


* Photo par Eric Myre

Le couple est entouré de personnages colorés du quartier qui fréquentent le resto ; parmi eux, Monsieur Émile, un gamin d’environ 5 ans et son chat Déjeuner, dont la mère alcoolique et désorganisée l’abandonne et le reprend au gré de ses élans. Les autres personnages que l’on pourrait attribuer à la catégorie des «comic relief»(pour respecter la tradition américaine), sont personnifiés par des comédiens de haut calibre : Martin Larocque en cuisinier français bougon mais sensible, Alain Dumas en journaliste fatiguant et menteur, et Luis Oliva en associé malhonnête et mafieux.  Il faut souligner la présence de Renee Wilkin, qui en plus de sa voix fabuleuse, nous fait découvrir sa facette comique et son jeu théâtral.  On en aurait pris plus!


* Photo par Eric Myre

Le scénario du Matou en est un qui se prête effectivement à l’exercice du musical, avec ses nombreux revirements et ses archétypes très évidents.  Par contre, le livret est inégal, tantôt très punché, puis, fade, les accents toniques déplacés dérangent à l’écoute.  La poésie des chansons laisse à désirer malgré quelques bonnes trouvailles. La musique reste intéressante, rappelant des airs de l’époque à la Michel Louvain et Beau Dommage, mais aucun hit radiophonique.  Il faut dire que le son de la salle nous empêche de comprendre beaucoup de phrases, tant chantées que parlées.  La mise en scène pourrait être resserrée, on perd souvent le focus de l’action principale et on ne sait plus où regarder, ce qui fait que certaines chutes tombent à l’eau.


* Photo par Eric Myre

La distribution cinq étoiles rattrapent le tout, bien qu’on ne réussisse pas à conserver l’attention et l’intérêt de façon constante. Les plus beaux moments sont provoqués par le duo d’Audrey-Louise Beauséjour et Matthieu Lévesque, impeccables vocalement et dramatiquement.  Il faut souligner aussi les «numbers» de Marilou Morin dans le rôle de la mère meurtrie par la vie, qui enchaîne brillamment la chanson coquine et sexy, puis une complainte touchante.  La courbe dramatique du personnage riche et complexe est exploité avec brio. La fin demeure la meilleure partie du show, avec la tragédie de la mort de Monsieur Émile et le numéro de groupe autour des funérailles.  Évidemment, tout le monde tombe en amour avec le jeune garçon  interprété par Eliot Dupras (en alternance avec Diego Flint Djebari).  Malgré quelques gaucheries, il réussit à imposer sa répartie et ses sacres bien sentis, et vole la vedette.


* Photo par Eric Myre

Il faut reconnaître les bons coups de cette œuvre et le pari risqué qu’on prit les producteurs.  Il est primordial de poursuivre dans cette voie, pour permettre au Québec de développer une expertise et une identité dans le théâtre musical.  Ça reste un spectacle à voir en famille et une expérience bien québécoise.

À la Salle Pierre-Mercure de Montréal jusqu’au 10 novembre 2024, puis au Grand Théâtre de Québec du 29 novembre au 30 décembre. La production prendra ensuite la route pour le reste du Québec jusqu’au 14 juin 2025.

Détails et billets par ici.

Livret, paroles et musique : Jessy Brouillard
Adaptée de l’œuvre originale Le Matou de Yves Beauchemin, parue aux Éditions Québec Amérique
Mise en scène : Joël Legendre
Production : Entourage
Distribution : Eliot Dupras (alternant), Diego Flint Djebari (alternant), Matthieu Lévesque, Audrey-Louise Beauséjour, Marilou Morin, Martin Larocque, Alain Dumas, Normand Carrière, Luis Oliva, Amélie B. Simard, Alexandre Bacon, Nicolas Drolet, Renee Wilkin et Lisa Palmieri

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