Agora de la Danse

L’Agora de la danse déménage à l’Édifice Wilder| Rencontre avec la commissaire Frédérique Doyon

En 2017, la danse (tant classique que contemporaine) à Montréal va connaître un changement majeur, puisque quatre de ses institutions clefs vont s’unir dans un même édifice, au cœur du Quartier des Spectacles. Pour l’occasion, nous avons souhaité rencontrer l’un des organismes qui effectuent ce grand déménagement, l’Agora de la danse, afin de discuter du projet en lui-même, des perspectives culturelles qui s’ouvrent, et des possibles transformations à venir pour le milieu de la danse contemporaine québécoise. Frédérique Doyon, commissaire à l’Agora, a bien voulu nous rencontrer pour en discuter.

 

Sors-tu.ca: Depuis sa création au tout début des années 1990, l’Agora de la danse était située au 840 rue Cherrier. Qu’est-ce que cela peut éveiller comme sentiment en vous – devrait-on dire comme émotion – de la voir se délocaliser pour la toute première fois, en vue de s’installer dans un bâtiment qui aura sans aucun doute un réel prestige dans le monde de la danse au Québec ?

Frédérique Doyon : Ça donne le vertige, c’est super excitant, parce qu’on déménage après 25 ans d’existence ! L’Agora est une institution qui a déjà fait ses preuves, et on se retrouve là dans un nouvel édifice avec d’autres studios, et donc plus de services à offrir à la communauté de la danse, mais aussi à un nouvel emplacement dans le Quartier des Spectacles où il va falloir s’ancrer. En même temps, on arrive fort d’une certaine fidélité de clientèle, donc ça ne peut que s’améliorer !

 

Vous partagerez les locaux de L’édifice Wilder avec Les Grands Ballets Canadiens de Montréal, Tangente, et L’école de danse contemporaine de Montréal. À quel moment et dans quel contexte cette idée de rassemblement a été premièrement évoquée, et puis la décision définitive prise ?

C’est un projet qui remonte à plusieurs années déjà, je crois bien que l’idée d’en faire un bâtiment destiné à la danse remonte à 2007. Mais l’Agora s’est retrouvée à la fin de ce processus-là, en 2012, quand les quatre organismes en danse qui se sont réunis cherchaient tous un nouveau toit. En fait, c’est au moment où l’Agora se retrouvait à l’échéance de son bail avec le bâtiment sur Cherrier (sous le même toit que L’UQAM), que le Gouvernement nous a invités à nous joindre. Puis, le chantier en lui-même a commencé il y a un an et demi à peu près, et les papiers de copropriété ont été signés avec Les Grands Ballets, Tangente et l’École de danse à la fin du printemps dernier.

 

Quel est le contexte historique du bâtiment dans lequel vous allez emménager ?

L’Édifice Wilder s’appelle comme ça car son premier propriétaire (un fabricant de meubles) portait lui-même ce nom. Il date de l’époque industrielle à Montréal, et il a été à l’abandon pendant un certain temps, avant même de se destiner à la culture. Quand on s’est interrogés sur le futur du bâtiment, il a été question qu’il devienne le prochain site de construction pour la nouvelle salle de l’OSM, avant qu’elle soit finalement construite sur le terrain de la Place des Arts. Puis, finalement, le projet culturel d’un espace lié à la danse s’est concrétisé. Aux étages supérieurs, ce sera le Ministère de la Culture et le Conseil des Arts et Lettres du Québec, donc c’est vraiment un édifice tout culturel. 

Quelles activités en lien avec la danse seront proposées dans Wilder ? Y aura-t-il uniquement des endroits où pratiquer et se produire, ou trouvera-t-on également des espaces plus axés sur la recherche, par exemple?

L’Agora aura trois lieux dédiés à la création, à la résidence, et la diffusion. Il y aura donc une salle de répétition, un studio de création qui va servir pour la résidence d’artistes à plus ou moins long terme, et quelques fois à la présentation de spectacles, en plus de la salle de spectacle proprement dite dont le calendrier de programmation sera partagé avec Tangente. Il y aura aussi, au Wilder, la médiathèque de l’École de danse contemporaine à Montréal, qui incorporera tous les documents d’Archives de Tangente. L’éducation et la création étant au cœur de nos missions, et liées de près à la recherche, je pense qu’on fera effectivement une grande place pour la recherche. Mais la recherche dans une perspective de création bien sûr, dans une perspective d’œuvres présentées à un public.

 

Comment est-ce à l’intérieur ? Est-ce que ça reflète encore beaucoup le côté ancien, ou est-ce très moderne ?

Je pense qu’on ne reconnaît pas beaucoup d’éléments anciens, c’est assez moderne, malgré quelques traces du vieux bâtiment qui donnent une forme d’âme à ce nouvel édifice, comme des murs de brique. Il y a aussi des colonnes de béton, et beaucoup de bois et de verre. La partie de vitre teintée sera la nouvelle aile qui va accueillir les spectacles, le Studio de Tangente et l’École. La partie de vitre claire sera l’étage de la Salle de spectacle, où le public va entrer, ce qui sera visible depuis la rue. La salle principale de l’Agora pourra accueillir entre 150 et 200 personnes, le petit Studio où on présentera parfois des créations pourra accueillir 80 personnes, c’est une toute petite salle intime, et on aura parfois accès pour les œuvres à plus grand déploiement à la grande salle des Ballets canadiens qui représente, en terme de grandeur de plateau, la scène du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, avec toutefois un public plus intime de 250 places. La salle principale de l’Agora reste un studio de plain-pied, et non pas avec une scène haute. Elle peut être utilisée à l’Italienne, ou avec deux, trois voire quatre côtés en formule cabaret. Cette multifonctionnalité va être à apprivoiser aussi par les artistes.

 

Espérez-vous que cette union aura un impact du point de vue du rayonnement international de la danse contemporaine à Montréal ?

Oui, c’est déjà un modèle qui suscite beaucoup de curiosité à l’étranger ! J’ai fait deux voyages il y a environ huit mois pour le travail, et je me rends compte que les gens sont curieux, ils se demandent de quoi il est question avec le Wilder, à travers cette formule de regroupement. La cohabitation des organismes de danse avec des missions qui sont différentes (éducation, production, création, diffusion) ne peut que créer une espèce d’écosystème qui va bénéficier à la communauté des artistes. Le public qui va passer dans ce bâtiment va aussi sentir, percevoir une sorte d’animation, d’énergie en se promenant. En bas, il y aura aussi un Café. Et les artistes en permanence dans les locaux, que ce soit pour une résidence, pour travailler les Grands Ballets, pour venir étudier, vont contribuer à cela.

 

Pensez-vous que le fait d’officialiser et de consolider les liens entre les acteurs de la danse contemporaine à Montréal, à travers une installation au cœur du Quartier des Spectacles, puisse être une voie royale vers la création d’un Festival qui serait dédié à la danse contemporaine, à l’instar du Festival de Jazz, des Francofolies pour la musique ou de Juste pour rire dans le domaine de l’humour ?

Qui sait ? Effectivement, une présence massive comme la nôtre – puisqu’on est 4 joueurs, ça ne peut que faciliter une plus grande présence de la danse au cœur de la ville… Même si pour l’instant, on a déjà le Festival TransAmériques qui est un festival de théâtre et de danse… Cela dit, s’installer à une telle adresse et dans de telles circonstances maximise nos chances qu’on en arrive à ce genre de Festivals ! Ça risque de jouer un rôle de développement de la discipline et du milieu.

J’ai cru comprendre que l’Agora de la danse a déjà quitté la rue Cherrier, mais ne s’installera qu’en toute fin d’année dans l’Édifice Wilder. Où patientez-vous pendant cette période de transition ?

En ce moment, on est « sans domicile fixe » : nos bureaux temporaires sont situés sur le Boulevard René-Lévesque, puis on emménagera dans les nouveaux locaux en Décembre, avant d’ouvrir les portes au grand public en Février.

 

Et vos spectacles sont à l’usine C, c’est ça?

Oui, c’est ça. On y produit un spectacle qui commence cette semaine : Hunter, de Meg Stuart. Puis, fin Novembre et toujours en partenariat avec l’Usine C, on présentera À la douleur que j’ai de Virginie Brunelle, qui est une pièce de groupe sur les relations, sur la douleur qu’elles laissent quand elles sont inachevées, toute nature confondue (du chum jusqu’à la sœur).

 

Et quels autres projets suivront, quelles autres compagnies seront programmées pour 2017 ? Pouvez-vous au moins nous donner une tendance de votre première année à l’Édifice ?

Après Meg Stuart et Virginie Brunelle, on poursuivra beaucoup en mode création québécoise, avec des œuvres inédites qui n’ont pas encore été présentées. On se doit de refléter la diversité des pratiques en danse avec des artistes de différentes générations, les plus jeunes ayant quand même déjà une forte signature chorégraphique, et les autres chorégraphes étant des créateurs dont les premières œuvres datent parfois des premières explosions de la danse contemporaine québécoise dans les années 1980. Cette demi-saison reflète ces enjeux-là des différentes générations. On n’a pas d’artistes internationaux pour la deuxième partie de la saison (de février à mai), mais c’est pour arriver en plus grande force par la suite, pour la saison 2017-2018, qui sera la première saison complète dans le nouvel édifice.

 

Qu’est-ce que ça crée comme réaction chez les artistes à qui vous annoncez qu’ils vont jouer à Wilder?

La mission de l’Agora reste fondamentalement pareille, ce qui va réellement changer, c’est qu’on sera dans un lieu en bordure de la Place des Festivals qui appelle donc une part de la programmation à être jouée dehors, ce qui est un nouvel élément dans notre offre de programmation. On veut aussi s’ouvrir avec le Studio de Création, qui va être dédié à la résidence. Ce sera un endroit où on veut explorer toutes les formes disciplinaires qui tendent à se mélanger, sans frontières. On souhaite exploiter ce potentiel interdisciplinaire là. Quand on en parle aux artistes, ils ont tous la même excitation, certains se demandent si la concentration de tous ces acteurs-là dans le Quartier des Spectacles va changer la nature du milieu, mais je pense que c’est quelque chose dont il ne faut pas s’inquiéter, mais qu’il faut bien au contraire célébrer !

L’emplacement de l’édifice Wilder


 

Prochain spectacle de l’Agora de la danse : Meg Stuart à l’Usine C

Du 13 au 15 octobre sera présenté par l’Usine C et l’Agora de la danse le spectacle Hunter de la chorégraphe américaine Meg Stuart. Les états d’âme, les expériences personnelles seront au cœur des mouvements de l’artiste, à travers une série d’autoportraits envoûtante. Un spectacle à ne pas manquer !

 Détails par ici.

 

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