Orchestre Symphonique de Montréal

La Titan de Gustav Mahler par l’OSM et Nagano à la Maison Symphonique | Titanesque !

La symphonie no 1 en ré majeur, dite « Titan », d’après le roman éponyme de l’écrivain allemand Johann Paul Friedrich Richter, a grandement marqué les débuts houleux de l’immense compositeur autrichien Gustav Mahler, également chef d’orchestre et pianiste ayant vécu de 1860 à 1911. Ainsi, la Titan est un cadeau musical inestimable que l’Orchestre symphonique de Montréal offre pour un deuxième soir ce jeudi sous la direction sans failles de Kent Nagano à la Maison symphonique.

C’est Mahler lui-même d’ailleurs qui a dirigé sa première symphonie lors de la création à Budapest en 1889. Dans le milieu ultra-compétitif et conservateur de la musique classique d’alors, Mahler était perçu comme peu orthodoxe, osant innover avec une œuvre largement décriée pour son avant-gardisme qui néanmoins jetait sans le savoir les bases de la musique moderne.

L’œuvre en quatre mouvements, qui en comptait cinq au départ, a subi plusieurs transformations au cours des quatre années ayant mené à sa création. Parmi les innovations qu’apportait le compositeur juif converti au catholicisme, il faut signaler le plus vaste effectif d’instruments jamais requis pour une symphonie qui fait maintenant 53 minutes.

Mais surtout, il y eut l’audace d’intégrer dans le troisième mouvement des notes sacrilèges de musiques populaires, même gitanes. Ce fatidique troisième mouvement débute d’ailleurs sur fond de comptine, celle archi connue du Frère Jacques, mais transposée en mode mineur et traitée en canon dans le registre grave, ce qui provoqua ouvertement les hostilités de ses contemporains.

Crédit photo: Antoine Saito

Crédit photo: Antoine Saito

Kent Nagano, directeur musical de l’OSM depuis 2006 et dont le mandat, bien à regret pour les mélomanes montréalais, s’achève, déploie toute la puissante énergie que demande l’exécution de la musique de Gustav Mahler. Entre langueur mélancolique et fureur violente, sa musique est portée jusqu’au plus total emportement de tout l’orchestre, soulevant la foule, pour ensuite se poser en un genre d’accalmie passagère, car c’est pour mieux repartir ensuite en sa fulgurance postromantique.

Dans le programme de la soirée, on peut lire : « Une terrible explosion lance le dernier mouvement, l’un des passages les plus terrifiants de tout le répertoire. Les cordes tournoient et fulminent, les bois crient leur angoisse par leurs notes les plus aigües, les cuivres produisent une terrible fanfare et les percussions évoquent des bruits de bataille et d’effroyables conflits.

« Lorsque le torrent de notes s’apaise enfin, les cordes entonnent un chant réconfortant, infiniment tendre et mélancolique. La violence réapparaît, mais, cette fois, prend la forme de proclamations héroïques aux cuivres. »

On ne saurait mieux dire, toute l’œuvre magistrale de Malher y étant contenue. Une œuvre tourmentée qui a inspiré le très beau film Mort à Venise de Luchino Visconti.

Crédit photo: Antoine Saito

Crédit photo: Antoine Saito

Le concert que présente l’OSM comporte une première partie qui a le grand mérite de proposer, en première mondiale, un concerto que son contrebassiste solo, Ali Kian Yazdanfar, a commandé au compositeur d’origine perse Behzad Ranjbaran, lequel a obtenu son doctorat en composition à la réputée Juilliard School, et que la presse décrit comme étant « le représentant du réalisme magique en musique ». Entre retenue et exécution affirmée que comporte son concerto faisant 25 minutes, le contrebassiste a déclenché un tonnerre d’applaudissements.

Et pour bien faire les choses, l’OSM entame la soirée avec le Prélude de 8 minutes du premier acte de l’opéra bien connu Lohengrin de Richard Wagner. Créé à Weimar en 1850, son personnage de chevalier médiéval voué à la protection du saint Graal est tout à fait dans le ton, avec ses sonorités feutrées du début qui déferleront progressivement vers une éclatante apothéose musicale.

Enfin, il est heureux de souligner à propos de l’OSM, l’ajout récent à sa panoplie d’instruments d’une très rare octobasse. Acquis et importé d’Europe par les mécènes québécois Roger et Huguette Dubois, l’incroyable instrument à seulement trois cordes est une sorte de contrebasse géante mesurant en hauteur pas moins de 11 pieds et 10 pouces.

Réplique parfaite de l’originale fabriquée en 1851, les 237 pièces qui forment son mécanisme complexe, avec des pédales disposées sur un socle et un système de leviers, est l’un des trois seuls instruments du genre encore en fonction répertoriés dans le monde. Mahler aurait aimé.

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