La Messe en si mineur à la Maison symphonique | Intemporel Bach
Composée sur près de trois décennies, la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach s’inscrit comme l’une des œuvres baroques et occidentales les plus audacieuses de l’histoire de la musique classique. Les ensembles Caprice et ArtChoral, accompagnés de quatre solistes, ont présenté ce vendredi 26 mai la création du compositeur allemand, sous la direction de Matthias Maute, à la Maison symphonique.
La Maison symphonique, c’est magnifique, c’est grandiose, autant l’écrire d’emblée : derrière ces planches en bois de hêtre, ce haut plafond ou cet orgue dans le fond de l’établissement se cache sans doute l’une des destinations de rêve pour tout amateur ou musicien classique.
Alors que l’éclairage baisse dans le public, le chœur, héros de la Messe accompagnant l’auditoire dans les péchés et les extases du texte, entre sous les applaudissements, suivi des solistes.
Le chef d’orchestre de la soirée, Matthias Maute, brandit le micro, expliquant à la foule le processus créatif de Jean-Sébastien Bach, celui-ci ayant sélectionné les meilleures pièces de sa carrière de compositeur, et quelques originales, pour composer la Messe en si mineur, qu’il n’a jamais entendue de son vivant, précise-t-il.
Matthias Maute poursuit en partageant au public que l’Ensemble Caprice s’avère lauréat de deux prix Juno, et que des instruments d’époque composent l’orchestre, non sans un brin de fierté peu dissimulé.
« On va tout faire pour vous donner une grande soirée », conclut-il en introduction.
La Messe
Comme on peut le distinguer dans toute bonne œuvre classique qui se respecte, les compositions de la Messe en si mineur varient entre les tonalités (si mineur, évidemment, mais aussi de nombreux segments en ré majeur, sa relative) et les indications de tempo (largo, allegro, moderato).
Débutant avec le Kyrie eleison, le son du chœur apparaît plein, et les sections des cordes et des bois jouent avec une fine justesse; la Maison symphonique se retrouve remplie de cette musique d’introduction parfaitement audible, à remarquer pour un si petit ensemble.
Car oui, loin s’avère la disposition complète de l’orchestre philharmonique propre au classicisme ou à l’époque romantique : une seule timbale en guise de percussion, une section de corde somme toute peu fournie, et l’absence de tuba ou de trombone chez les cuivres, non sans oublier la présence d’à peine 20 chanteurs sur scène.
C’est simplement l’époque baroque, rarement spectaculaire dans ses formations orchestrales : pourtant, parvenir à sonner comme tel dans une salle comme telle, cela révèle de l’expérience majeure de la part de chaque musicien (à noter la présence d’un orgue qui, lui, ne se manifeste malheureusement pas comme très audible au bout du compte).
Le morceau Christe eleison révèle au public deux des quatre solistes : la soprano, Janelle Lucyk, coup de cœur du quatuor, offre une performance vocale exemplaire, tandis que le contre-ténor, soit la voix masculine la plus aiguë, William Duffy, prend davantage de temps à s’imposer au fil du concert – et on le comprend, le registre utilisé se montre des plus complexes, le segment utilisant aussi traditionnellement deux sopranos –.
La quintessence du baroque
Le Gloria in excelsis Deo et le Et in terra pax, ainsi que le Gratias agimus tibi, plus tard, apparaissent comme les séquences les plus remarquées de la première partie : suivant une entrée impeccable des trompettes, la richesse de l’ensemble est exploitée à son plein potentiel, chaque voix semblant d’abord indépendante alors que, pourtant, celles-ci arrivent à se marier l’une à l’autre dans une harmonie éblouissante.
Loin de la rigueur de certaines créations baroques ou de la fermeté d’œuvres comme le Clavier bien tempéré, la Messe en si mineur affiche un caractère éclectique durant son interprétation, alternant brillamment entre les séquences chargées et plus sobres, voguant, dans les convictions du compositeur, entre les traditions catholiques de l’époque et le culte luthérien.
Toutefois, les codes du baroque ne sont pas délaissés pour autant : de riches harmonies, cette tendance à résoudre la dernière note d’un morceau mineur en majeur, particulièrement l’utilisation parfaite du contrepoint ou de la fugue, aussi, composent des éléments essentiels à l’œuvre intemporelle de Jean-Sébastien Bach.
Les segments s’enchaînent sans applaudissements, et ce, fort heureusement.
Alors que les quatre solistes s’avèrent pleinement mis en valeur, plusieurs instruments de l’ensemble Caprice le sont également : le premier violon, doté d’une technique hors norme, se lève de sa chaise pour « dialoguer » avec la soliste soprano sur Laudamus te, tandis qu’un corniste se met de l’avant sur Quoniam tu solus sanctus (« Le roi arrive », lance le chef d’orchestre, sous un air effectivement impérial) et que les anches doubles, bassons et hautbois, de la formation se distinguent sur la séquence du Et in Spiritum Sanctum.
Deux flûtes, en soli sur le Domine Deus, rappellent également dans la composition cette manie qu’avait W. A. Mozart à jouer fréquemment entre les demi-tons; comme quoi, Bach demeure un précurseur du genre.
Si la majorité de la Messe en si mineur se distingue d’airs joyeux et légers, Et incarnatus et Crucifixus apparaissent comme des morceaux hautement dramatiques, à rappeler dans les envolées lyriques des séquences du Requiem de Verdi; comme quoi, Bach demeure encore un précurseur du genre.
Les quelques dizaines de musiciens clôturent la performance sur Osanno in excelsis, Agnus Dei et Dona nobis pacem, alors que le parterre, comme le balcon, de la Maison symphonique se lève d’un pour les acclamer.
Presque 300 ans après la mort de Jean-Sébastien Bach, des centaines de Montréalais se déplacent encore et toujours pour écouter et apprécier son immense héritage, persister à le garder vivant dans cette sphère musicale actuelle.
Dirons-nous pareil de nos artistes d’aujourd’hui?
ERRATUM : Une version précédente du texte faisait référence à un clavecin, alors que de l’orgue était joué dans cette version de la Messe en si mineur de Bach. Nos plus sincères excuses pour la confusion engendrée.
- Artiste(s)
- Ensemble Caprice
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- La Maison symphonique
- Catégorie(s)
- Baroque, Classique,
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