Kukum

Kukum au Palace de Granby | Tout ce et ceux qui nous ont précédés

Après avoir accueilli 30 000 spectateurs à l’automne, Kukum – coproduction du Théâtre du Nouveau Monde et Onishka – en était à mi-chemin de sa tournée affichant quasi complet lors de sa visite au Palace de Granby, jeudi soir.

La pièce nous accueille dans un espace coupé en demi-lune par des bouts de tissus rappelant les franges que revêtaient traditionnellement les autochtones. Les effets visuels sont bien pensés, efficaces au niveau des structures et percutantes au niveau des projections. On y présente des captations d’antan sur la faune et les conditions dans lesquelles vivait le peuple innu. Combinés, ces efforts visuels permettent de bien faire ressentir l’écart qui se trouve entre notre vie sédentaire et celle des Premières Nations, survivant famine en suivant l’« atiku » [le caribou] et chassant la « nishk » [l’outarde].

La pièce Kukum est un éloge au temps. Léane Labrèche-Dor personnifie parfaitement la naïveté de l’amour à l’adolescence, Almanda se mariant à 16 ans. Elle est d’autant plus crédible en tant que grand-mère, rendant hommage au titre. On remarque également que le débit de sa voix est supérieur et contraste avec celui des nouveaux membres composant sa famille, même durant ses monologues. On entendit d’ailleurs dans la salle l’un des premiers fous rires lorsque Malek, son beau-père, dénonce son incapacité à se taire.

Michel Jean souhaitait, par son roman, combler les lacunes de nos cours d’histoire. Il est ironique d’ailleurs de lire cette intention en ces temps où l’austérité parmi les sorties éducatives est dénoncée et médiatisée. Il existe encore tellement de mythes. Concrètement, quand Thomas, le mari d’Almanda, a évoqué qu’il n’y existe pas de mot qui désigne le vertige dans sa langue maternelle, j’entendis derrière moi : « c’est vrai, ils n’ont pas le vertige, eux ».

L’adaptation théâtrale nous amène tout autant dans nos réflexions que le livre. Je me rappelai que c’est la carte géographique se trouvant au début du roman qui m’a fait comprendre que « Pekuakami », c’était le Lac St-Jean. Je me demandai alors pourquoi c’était la première fois que j’entendais cette désignation, moi dont le père est originaire du Lac St-Jean. La scène dans laquelle Thomas fait expérimenter le rituel de sudation à sa femme, par exemple, peut porter à se demander pourquoi on a aussi bien intégré le yoga et ses mantras, originaires de l’Inde, sans jamais considérer à perpétuer un rituel qui s’était forgé sous nos pieds.

« Notre descendance nous-racontera-t-elle? » est certainement l’une des phrases percutantes de la pièce. Elle me fit penser que mon père m’avait déjà dit être de descendance autochtone, sans que j’en n’ai gardé le moindre héritage.

L’adaptation théâtrale émeut en atteignant sa visée d’informer le public sur la sédentarisation forcée des Autochtones. Ça fait parfois mal d’être blanc et de constater que même ceux qui survivaient grâce aux activités de chasse des peuples innus avaient du mépris pour ces peuples. Les acteurs arrivent toutefois à tourner à l’autodérision quelques événements, notamment quand la protagoniste requête des trottoirs à un Premier Ministre qui se fichait visiblement des enjeux d’accidents mortels à proximité d’une « réserve ».

La langue innu-aimun, en présence importante dans la pièce, permet de se baigner plus facilement dans cette histoire où transparaît la complicité qu’on ressent entre Almanda et « witimwa » [sa belle-soeur] Christine à la lecture du roman; complicité que l’on constate tantôt dans leur échange sur la multiplicité de mots en innu qui désigne les types de neige, tantôt lorsqu’elles racontent des souvenirs à leur descendance.

Pour tous les détails au sujet de la pièce, c’est par ici.

Dates des représentations à venir de Kukum

1er février 2025, Rimouski, Salle Desjardins-Telus
5 février 2025, Drummondville, Maison des arts Desjardins
7 février 2025, Laval, Salle André-Mathieu
11 février 2025, Terrebonne, Théâtre du vieux Terrebonne
14 et 15 février 2025, Gatineau, Salle Odyssée

Les seuls billets restants sont pour la représentation de Drummondville et se trouvent par ici.

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