Julie à La Licorne | L’histoire sans fin de Julie Surprenant

L’affaire de Julie Surprenant avait secoué le Québec en 1999 alors que l’adolescente de 16 ans avait disparue un soir de novembre.  Cette histoire non résolue a laissé derrière elle des dizaines de questions aux proches de Julie, dont Sarianne Cormier, qui a créé une pièce de théâtre à la mémoire de son amie perdue, présentée jusqu’au 16 novembre au Théâtre La Licorne, à Montréal. Simplement intitulé Julie,  la pièce nous immisce dans le quotidien du groupe d’amis proches de la disparue dans les heures suivant les faits, puis jusqu’au bal de finissants.  Incursion au coeur d’un drame en suspens.

Le ton est lancé avant même la fermeture des lumières : cinq jeunes sont assis sur des chaises disposées en demi-cercle, et à chaque phrase du message d’accueil pré-enregistré du théâtre qui nous invite entre autres à éteindre nos cellulaires, une des jeunes sur scène pleure bruyamment.

C’est que l’ambiance ne sera pas lourde, au contraire. C’est avec une auto-dérision déconcertante que nous serons racontées les différentes émotions et réactions que vivront les amis de Julie.

Il y a Karine, celle qui pleure trop fort, la fille loud et extravertie sans aucun filtre qui vit tout peine dehors, jouée par Lyna Khellef, très juste et hilarante.  Marilou, Arianne et JP, qui sont plus réservés avec leur détresse, finiront par se confier les uns aux autres. Il y a aussi Marco, le pauvre Marco qui n’était pas dans la gang, mais qui serait le dernier à avoir vu Julie vivante…  et dont la culpabilité grandira de jour en jour. Finalement, il y a Daniel et Andrée, respectivement le chum et la soeur de Julie, qui sont plongés dans un déni profond et une souffrance sourde.  Ils finiront par partager leurs émotions à leur rythme, chacun à leur façon, de façon imparfaite, « parce que la vie des fois c’est comme ça », nous dit Sarianne Cormier. « On n’a pas toujours la réaction appropriée et c’est parfait, parfait comme ça. »

La pièce repose sur d’ingénieux choix de scénographie et de mise en scène.  Trois portes de garage de type unités d’entreposage servent à la fois de tableaux scéniques interchangeables et de surface de projection.  Les adultes sont seulement des voix, des interlocuteurs déconnectés et infantilisants qui tentent maladroitement de soutenir ces jeunes vivant l’impossible.

L’interrogatoire de Marco avec le policier constitue une scène délicieuse, grâce au texte et au jeu de Jules Ronfard, très crédible en poteux désemparé, qui n’ose pas avouer qu’il était gelé au volant.  Le personnage de Daniel a dû être joué par un remplaçant de dernière minute, Mattis Savard-Verhoeven, car Xavier Bergeron a eu des soucis de santé l’empêchant de monter sur scène.  Si on ne nous avait pas avertis, le changement aurait passer inaperçu… La résilience des équipes en arts vivants!

Au plafond sont alignés des éclairages LED s’étendant à plat, permettant différentes ambiances, dont celle du fameux bal des finissants. Moment cathartique pour la bande d’amis, ce rite de passage contient deux au revoir pour eux ; celui au secondaire et à l’adolescence, et un adieu à leur amie-fantôme, celle qui les a hanté tout au long de la pièce, illustré par le drap blanc aux trous pour les yeux, mais avec le fameux chapeau melon à fleur que Julie portait toujours.

Plutôt que de tomber dans le mélodrame, la pièce Julie est un brillant hommage à « la communauté des vivants », comme le nomme si bien Mathieu Bélisle, libre-penseur en résidence à La Licorne cette année.  Ceux qui restent après un drame, et qui continuent de rire, de niaiser, de s’aimer… sans jamais oublier.

Julie est à l’affiche au Théâtre La Licorne à Montréal jusqu’au 16 novembre 2024, ainsi qu’au Théâtre Alphonse-Desjardins de Repentigny du 27 au 30 novembre 2024. Détails et billets par ici.

Une discussion avec les artistes aura lieu à la représentation du 17 octobre et une causerie avec la créatrice Sarianne Cormier et Mathieu Bélisle aura lieu après la représentation du 6 novembre.

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Texte et mise en scène : Sarianne Cormier
Avec Xavier Bergeron (Mattis Savard-Verhoeven), Pénélope Ducharme, Clémence Dufresne-Deslières, Lyna Khellef, Jules Ronfard, Madani Tall et Valérie TellosAssistance à la mise en scène : Jean Gaudreau
Décor :Patrice Charbonneau-Brunelle
Costumes : Gabrielle Tougas-Fréchette
Éclairages et intégration vidéo : Robin Kittel-Ouimet
Musique : Navet Confit
Directeur photo : François Messier-Rheault
Production La Manufacture