crédit photo: David Wong
Iphigénie à Pointe-aux

Iphigénie à Pointe-Aux au Prospero | La survie dans un monde tragi-comique

Dans la petite salle intime du Prospero se joue la destinée d’Iphigénie à Pointe-Aux, tragi-comédie du gallois Gary Owen, adapté ici en gros quèb par le Collectif Les Stations sordides et le Théâtre Catapulte. Le projet, qui devait avoir lieu l’an passé, avait été reporté faute de financement.  Ironiquement, la pièce dénonce les écarts de richesses entre les classes, les abus des privilégiés face aux vulnérables, sacrifiés sur l’autel du capitalisme.

Quatre filles débarquent dans la pénombre de la pièce exiguë du sous-sol du théâtre et regarde le public en pleine face.  Elles ont du cran, une énergie au plafond et maintiennent un débit effréné.

* Photo par David Wong.

Quatre voix qui font écho à une réalité : celle d’Effie, une jeune femme alcoolique, misérable et déconnectée… pour ceux qui la croisent dans la rue.  Mais elle, elle s’époumone de révolte, de courage et de résilience et se considère comme une déesse. Quatre fois plutôt qu’une. C’est la force de cette adaptation, dont l’original n’était qu’un monologue, et qui devient ce quatuor qui se relance et réinvente l’histoire à chaque détour.  Tantôt caricature, tantôt plaie ouverte, chaque minute du récit sombre plus loin encore dans la tragédie contemporaine.

Malgré le petit espace et la scénographie dépouillée, la mise en scène révèle des moments de lumière à travers le drame.  Les comédiennes dont la complicité est évidente nous régalent d’une intensité soutenue, d’un bon timing comique et d’un rythme battu au métronome ; chacune avec leur personnalité, elles revêtent le chapeau des quelques autres personnages peuplant la vie d’Effie avec dérision.

 * Photo par David Wong.

Le mythe grec d’Iphigénie sert seulement d’ancrage à une fable d’une actualité tout aussi cruelle : pas de père qui sacrifie sa fille pour que les vents soient favorables, mais une société paternaliste qui sacrifie SES filles en fermant les yeux, au nom d’une austérité fabriquée de toutes pièces pour enrichir les déjà riches.

La metteuse en scène Isabelle Bartkowiak voulait offrir un message aux gens de sa génération, « à ces jeunes adultes aux poches vides qui se demandent où trouver le luxe d’exister dans un monde en crise : Et si on arrêtait d’être sage ? […] Que se passerait-il? »

À l’affiche jusqu’à ce samedi 19 octobre 2024 à la salle intime du Prospero de Montréal (détails par ici), puis à Ottawa du 23 au 26 octobre à La Nouvelle Scène Gilles Desjardins.

Une création du Collectif Les Stations sordides et du Théâtre Catapulte

 
– Texte – Gary Owen

– Mise en scène et scénographie – Isabelle Bartkowiak

– Avec Katherine Céré, Virginie Charland, Cassandre Mentor, Caroline Tosti

– Lumière & direction technique – Jo Vignola

– Costumes et conseil à la scénographie – Isabelle Bélisle

– Conception sonore – Sarya Bazin & Nick Di Gaetano

– Assistance à la mise en scène et régie – Mathilde Boudreau

– Accompagnement à la traduction – Olivier Sylvestre

– Conseiller dramaturgique à la traduction – Paul Lefebvre

– Direction de production – Geneviève Caron

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