Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres au TNM | Vison de la scène queer montréalaise des années 70
La pièce de théâtre Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres est présentée au théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 9 décembre 2025. Dans cette pièce de 2h10 avec entracte, un jeune journaliste décide de faire une entrevue avec Claude, qui, dans sa jeunesse, était également connu sous le nom de Hosanna. Cet.te dernièr.e fait plonger le public dans ses souvenirs et lui fait découvrir à quoi ressemblait sa vie en tant que personne queer dans les années 70 à Montréal, et comment une humiliation de la part de ses pairs lui a fait quitter le monde des paillettes et des perruques.
La pièce de théâtre a été écrite en se basant en partie sur la pièce Hosanna, écrite en 1973 par Michel Tremblay, mais aussi sur le livre La Shéhérazade des pauvres, que le dramaturge a écrit après la pandémie de la Covid. Au fil de l’histoire, les habitués du théâtres de Michel Tremblay reconnaîtront des lieux et des personnages, notamment la duchesse de Langeais interprétée par Jacques Leblanc. Pour ceux qui ne connaissent pas déjà l’univers de Michel Tremblay, il est tout de même facile de se plonger dans l’histoire et d’apprendre à connaître les différents protagonistes. Les avancées des personnages et de leurs actions fictives se basent sur des événements marquants bien réels, permettant au public de se situer dans le temps, notamment avec l’expo 67, l’arrivée du métro à Montréal, la pandémie et le confinement, etc. L’histoire donne une bonne idée aux spectateurs de ce a quoi pouvait ressemblait la vie d’une personne queer à Montréal dans les années 60 à 80.
Il semble évident que Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres, écrit par Michel Tremblay avec une mise en scène et un montage de Maxime Robin, a été écrit dans le but de mettre en lumière les personnes queer, les personnes qui se questionnent sur leurs genres et les drag queens. La version âgée de Hosanna est interprétée par Luc Provost, également connu sous le nom de Mado Lamotte, qui performe depuis plus de 30 ans dans le mythique Cabaret Mado de Montréal. Cette décision fera sourire plus d’un habitué du cabaret, et prouve également que la pièce a été faite en consultant les personnes concernées par les problématiques qu’elle soulève.
Maxime Robin a fait un travail intéressant avec la mise en scène : au début de la pièce, devant le grand rideau de théâtre, un petit balcon montréalais se trouve sur la droite de la scène. Sur le balcon, Claude/Hosanna se prélasse. Une fois que le public est silencieux, un nouveau personnage monte sur scène depuis le parterre : Yannick, le journaliste vient à la rencontre de Claude/Hosanna. C’est seulement une fois que Claude/Hosanna est prêt.e à se plonger dans ses souvenirs que les lumières s’éteignent et le rideau se lève. Sur scène, plusieurs plateformes rondes se succèdent, comme de petites vitrines : la chambre de jeune adulte d’Hosanna, le salon et la TV de son enfance, une garde-robe, la moto de l’homme qui a partagé plusieurs années de sa vie, etc… Un décor coloré, dynamique et modulable, qui s’adapte tout au long de la pièce afin de suivre les souvenirs de Hosanna.
Trois portions de vie de Claude/Hosanna sont présentées au public : son enfance, les premières fois où iel s’est senti jugé.e, où il a eu l’impression de devoir cacher qui iel était, le manque de compréhension de la part de sa mère. Puis son arrivée à Montréal, sa rencontre avec des gens similaires à lui, des gens qui le.a comprennent et l’acceptent comme iel est. Et enfin qui iel est devenu maintenant, des années après avoir disparu des devants de la scène queer de Montréal, celui a qui on demande de raconter son histoire afin qu’elle ne soit pas oubliée.
C’est une pièce qui, bien qu’elle se déroule en grande majorité il y a 50 ans, arrive à mettre en lumière les défis auxquels les personnes LGBTQ+, notamment ceux qui se questionnent sur leur identité de genre, font face, que ce soit par le passé ou encore aujourd’hui. Hosanna représente le passé, elle retrace son enfance et sa vie de jeune adulte, ses questionnements, ses relations avec ses proches…
Le jeune journaliste, Yannick, permet quant à lui de montrer que bien qu’il y ait eu des avancées, et que les drag queens font maintenant partie de la culture populaire, la place des personnes queer et les questionnements de genre sont encore d’actualité et peuvent concerner n’importe qui. Même Hosanna, qui connaît la communauté LGBTQ+ et qui s’est elle-même questionnée sur son genre, n’est, au départ, pas certaine de quels pronoms utiliser pour s’adresser au jeune journaliste.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la communauté LGBTQ+, l’idée de découvrir qui on est, de l’exprimer et de vivre sa vérité ne sont pas les points les plus importants de la pièce. En se concentrant sur une soirée précise de la vie de Hosanna/Claude, la pièce montre qu’un événement peut chambouler toute une vie. Après avoir vécu une humiliation par ses pairs, Claude/Hosana quitte le monde des perruques, des robes et des paillettes, alors qu’elle aimait cette vie. La moquerie et l’humiliation la forcent à de nouveau cacher qui elle est.
La pièce permet de rappeler que l’intimidation, les moqueries, etc. bien que celles-ci puissent sembler anodines, peuvent avoir un impact immense sur la vie des personnes concernées.
Seul petit bémol : alors que la pièce parle de sujets assez sensibles et contient plusieurs passages se voulant émouvants, l’émotion reste en surface et le public ne sera peut-être pas profondément touché par ce qui se passe devant lui.
Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres est une pièce drôle et d’actualité, qui contient également des passages plus sérieux. Les personnages ont une grande sincérité et humanité qui les rend attachants et qui permettent aux spectateurs de s’identifier. C’est une pièce de théâtre unique et intéressante qui soulève de nombreuses questions sur l’affirmation de soi et le regard des autres.
- Artiste(s)
- Hosanna, Mado Lamotte, Michel Tremblay
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre du Nouveau Monde
- Catégorie(s)
- Drag,
Événements à venir
-
vendredi
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