Fuck Toute – Coké Computer : Deuxième opus instable, substance hautement inflammable
Curieux de connaître l’avis de nos amis Français au sujet des bands d’ici, Sors-tu? donne la parole au journaliste et blogueur parisien Antoine Sorin qui a discuté avec le groupe Fuck Toute en marge de la parution de son excellent nouvel album incendiaire, « Coké Computer ». La parole au scribe français.
Cécité temporaire, suite d’un show incendiaire dans un shed surpeuplé. Se faire crisser de son propre set au Barfly, pour quelques bières sous la veste. Gueuler dans les chiottes à s’en cramer le larynx. S’endormir au micro. Trop d’éthanol. Trop d’énergie.
17 septembre 2021, le hardcore est de retour, Fuck Toute défonce la porte de ta piaule à grands coups de riffs éclairs et de larsens corrosifs, cinq ans après leur premier album, Coké Computer sort chez Slam disques, et beaucoup de choses ont changé.
MAX : « Dans l’fond au début, notre but comme band, c’était de faire des shows où François y foutait la merde, c’était ça notre ambition »
FRANÇOIS : « Le premier album, ça s’est plutôt fait vraiment en gang, puis on a été faire ça nous-mêmes aussi. Y’a pas vraiment eu de pré-prod, c’était plus D.I.Y »
François Gagnon (chanteur), Maxime Gouin (guitariste), et David Horan (bassiste) vident leur sac autour d’un pack d’IPA, et racontent l’Odyssée chaotique qu’a représenté pour eux la réalisation du second opus de Fuck Toute. Entre envie d’évoluer, influences nouvelles, et changements de lineup, le groupe phare de la scène punk-rock montréalaise signé chez Slam disques a fait du chemin.
MAX : « Avant de composer, je dirais qu’on avait déjà nommé qu’on voulait faire quelque chose de plus élaboré, qui est plus riche, profond, travaillé, qui ait plus de dynamique, qui est moins tout le temps dans le même mood over the top. Puis aussi, on avait la volonté de vraiment faire un album qui s’écoute bien de A à Z. Le premier album, c’était vraiment plus une compilation de toutes les tounes qu’on avait. Mais là, on s’est vraiment assis, puis on a essayé de construire un ordre de tounes qui marche, qui a des pauses dedans… »
FRANÇOIS : « Moi au niveau des textes en tous cas, c’est plus linéaire dans la mesure du possible. Le premier, c’était plus un garoché de mots vulgaires. Souvent ce qui arrivait, même dans les Guenilles, c’est que je réécoute l’album un ou deux ans plus tard puis je suis ashamed as fuck. C’est comme « sur le coup ça va, puis après ça veut rien dire, c’est vide esti ». Peut être que j’ai vieilli, peut-être que j’ai changé, j’avais le goût des textes plus significatifs. Je suis quand même fier de ces textes-là. J’ai pas trouvé d’humour dans celui-là, la vie des fois c’est lourd, fait que moi j’exprime ça. »
C’est indéniable, la bête a pris du muscle. 37 minutes de maltraitance auditive contre 26 pour le premier album, Fuck Toute ne s’est pas foutu de notre gueule, c’est aussi mieux structuré, subtilement arrangé, et plus angulaire, l’étiquette hardcore devient même réductrice.
MAX : « Le nouvel album est plus proche du noise-rock, on s’est beaucoup fait taguer grindcore, mais je trouve pas qu’on est un vrai groupe de grindcore. »
The Jesus Lizard, ou encore Daughters ont inspiré un style vocal plus dynamique et une réalisation léchée avec l’aide de Jean-Baptiste Joubeau, qui reléguerait presque le premier album au rang de démo. Même si Thom Yorke serait sûrement loin de sponsoriser ce passage à tabac, la référence à Radiohead fait sens : Fuck Toute a calmé les stéroïdes pour réviser ses gammes, le son est toujours agressif, mais il est aussi nettement plus complexe. Le virus a muté, longue vie au variant noise : il serait temps de changer l’eau de ce pédiluve crasseux, le rock tourne en rond et c’est en expérimentant ailleurs qu’on retrouve le Nord.
FRANÇOIS : Je suis dans le gros gangsta rap ces temps-ci, j’trouve que le hip-hop man, sont pas mal moins peureux que les rockers, là. Ça fait pitié un esti de rockeur dans son petit moule confortable. Autant au niveau du look que des vidéos. Y en a des bands intéressants, c’est clair, The Armed, Daughters, ça a été une grosse inspiration pour cet album. Mais moi j’écoute n’importe quoi.
Ça fait pitié un esti de rockeur dans son petit moule confortable. Autant au niveau du look que des vidéos.
Mais Fuck Toute conserve son essence D.I.Y, et c’est en évoquant le souvenir pré-pandémique d’un show dantesque dans une cabane de jardin bondée façon Walmart un Black Friday, que la question du COVID devient évidente.
MAX : C’était plus petit qu’ici, pis tout le monde bodysurfait.
DAVID : Tout le monde était collé sur les murs, ça faisait grimper les rideaux, les poteaux de rideaux bougeaient, on aurait dit de la lave.
MAX : On a toujours des problèmes de drummer, puis y’a la COVID, fait que les types de shows qu’on peut faire ne sont pas forcément les types de shows qu’on veut faire. Notre motivation pour les spectacles est mitigée à cause des mesures COVID, on veut vraiment un show où il y a une proximité avec les gens, où les gens se lancent partout.
Le batteur, c’est un peu la clé de voûte dans le hardcore, et Fuck Toute peut se targuer d’avoir vu passer du monde. Six drummers en tout. Le dernier en date, Antoine De La Mast (Hazytones, God Bless America), ne fait officiellement plus partie du band mais participera aux futurs shows de l’Équipe.
Pour l’instant un concert en plein air cet automne pourrait bien avoir lieu, restez aux aguets pour ne pas louper votre shoot de la rentrée : aller simple vers l’encéphale pour une profonde défonce.
Fentanihilisme à tous, la liberté culturelle est à l’horizon, en attendant n’oubliez pas de jeter une oreille à Coké Computer :
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