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Francouvertes 2013 – Les finalistes | Dead Obies

Le groupe post-rap Dead Obies ne s’attendait pas du tout à se rendre en finale des Francouvertes. Évidemment, c’est ce qu’ils disent tous. Mais pour un groupe plutôt hip-hop, on peut facilement le croire…  Sors-tu.ca s’est entretenu avec Yes Mccan, l’un des 5 MC de la jeune bande qui se mesurera aux Hay Babies et à Marcie ce soir en finale des Francouvertes au Club Soda. 


 

Sors-tu.ca : Félicitation pour votre présence en finale. Comment avez-vous trouvé l’expérience ?

Y.M.: Nous avons vraiment adoré l’expérience. On arrivait avec aucune attente. On s’est inscrit pour la vitrine, pour faire connaître notre musique. On voulait reach out à un public qui ne s’intéresse pas nécessairement au rap en partant. Tu sais, c’est presque incestueux, le hip-hop au Québec. C’est rare que le mainstream va vers ce milieu-là. Alaclair Ensemble l’a un peu fait en premier et tu vois, ensuite ils ont fait des trucs avec Malajube, des choses du genre. Donc, pour dire vrai, on s’attendait à 1) ne pas être compris et 2) être kické out après les préliminaires. C’est une belle surprise de se retrouver dans le top.

 

C’est effectivement assez rare qu’un groupe rap se rend si loin dans le processus des Francouvertes. Avez-vous l’impression que votre approche a joué en votre faveur ou si c’était plutôt un défi d’obtenir le vote du public et du jury dans un style autre que de la chanson au sens classique du terme ?

Photo par Catherine Rosa.

Photo par Catherine Rosa.

On nous a dit que Loco Locass (gagnants en 2000) a été le dernier groupe de genre hip-hop à atteindre la finale. (N.D.L.R.: après vérification, Kulcha Connection en 2002, et Masse poésie en 2005 l’ont fait aussi)

Je crois que ce que les gens ont apprécié, c’est l’authenticité. On n’allait pas là pour gagner, pour compétitionner contre personne. Pour nous, la musique et les concours ne vont pas ensemble. Ce que j’aime chez un artiste, c’est son idiosyncrasie, son unicité. Ça se construit en reformulant des critères, en brisant des idées préconçues. Les concours, c’est tout le contraire : il faut répondre à des critères préétablis, à certaines conventions.  Nous, on se fait un malin plaisir à briser ces conventions.

 

Alors pourquoi vous êtes-vous inscrit aux Francouvertes?

C’est une vitrine très respectable. Les Francouvertes ont une superbe réputation. Juste à voir les finalistes et les gens inscrits depuis les années, on voit tout de suite que c’est une plateforme crédible pour se faire reconnaître de l’industrie, des médias et d’un certain public. Aucune autre vitrine/concours n’a cette notoriété.

En plus, on est en écriture et en production d’un album, et on a déjà gagné plein de prix qui vont beaucoup nous aider.

C’est un choix logique. C’est comme se booker un bon show. En plus, c’est l’année où l’ADISQ a nommé les Francouvertes Meilleur événement de l’année. On avait l’impression que ça allait être l’une des bonnes années. Et nous, on arrivait avec quelques chose de très différent du « son Francouvertes », si on peut dire qu’il y en a un. Ça nous a permis d’être choquant pour certaines personnes.

 

Qu’est-ce que vous avez fait entre les rondes ?  Est-ce que vous ajustiez votre spectacle ?

Entre l’étape 1 et 2, on s’est ajusté. Au début, on a monté notre set avec juste quelques interventions, pour se timer, être tight. Quand on est passé aux demi-finales, on a changé deux chansons et retravaillé la mise en scène pour apporter quelque chose d’encore plus théâtral et plus tight. Ça a tellement bien marché qu’on a décidé de revenir avec la même formule et être solide sur nos patins pour un bon spectacle au Club Soda.

De toute façon, je trouve qu’on avait presque trop pratiqué entre les deux premières étapes et ça nous a rendu un peu moins spontanés pour la deuxième ronde. Il ne faut pas que ça devienne trop mécanique.

 

Donc du premier concert au Lion d’or au deuxième concert au Lion d’or, vous avez fait des ajustements. Mais vous passez maintenant du Lion d’or au Club Soda sans ajustements ?

C’est un peu ça, oui. On voit ça  (le changement de salle) comme un avantage, parce qu’on est six et c’est quelque chose de très dynamique, un show de Dead Obies. On joue beaucoup avec l’énergie des foules. La scène du Club Soda, ce n’est pas effrayant pour nous. C’est la troisième fois qu’on le fait en tant que Dead Obies. On la connaît. Moi-même, je l’ai fait pour des « Rap Battles » deux fois, donc ça va faire cinq fois que je joue au Club Soda dans la dernière année.

 

Vous êtes aussi avantagés par l’aspect moins cabaret du Club Soda.

Tout dépendant de la configuration de la salle. L’idéal, c’est que la froideur des tables soit enlevée, mais on ne le sait pas encore. Mais les gens qui passent avant nous (les Hay Babies et Marcie) fonctionnent mieux en formule cabaret.

Pour nous, c’est certain que c’est un avantage d’avoir accès à une plus grande scène, d’avoir plus d’espace, de jouer devant un plus grand public pour mettre l’ambiance de party. Il faut comprendre que c’est deux choses bien différentes pour nous, les albums et les concerts. Deux univers différents. Sur album, c’est une approche plutôt headphone music. Ça déménage plus live.
 

À quel point avez-vous l’impression que le groupe a grandi à travers le processus des Francouvertes?

Après la demi-finale, c’est au niveau de la psychologie des artistes, de la confiance que ça a fait une différence. Je l’ai remarqué en discutant avec les gars. On s’est toujours senti un peu comme des imposteurs, même au niveau du milieu hip-hop. On n’a pas les mêmes goûts, les mêmes intentions que la majorité des gens dans le milieu. Ça faisait un clash aux « Rap Battles ». Les gens nous voyaient comme des outsiders.

Même du côté des Francouvertes, quelques personnes (dans le groupe) avaient des complexes face à des musiciens aguerris. Le DJ (VNCE) compose les beats et il les manipule sur scène, mais ce n’est pas un full band. On se sentait un peu comme des imposteurs, mais la réponse positive des gens extérieurs, du public et des gens de l’industrie, ça a changé l’attitude des gars. Maintenant, quand on nous demande ce qu’on fait dans la vie, les gars s’assument plus en tant que musiciens.

Ça a donc contribué à trouver votre niche. 

Ce qu’on retrouve sur notre page Bandcamp, ce sont des explorations. On apprenait à enregistrer, à faire des beats. Avec Collation vol 1, on a fait des tounes avec un logiciel volé, et on a perdu le disque dur avec la moitié de nos pistes. Alors on a sorti ça raw et il y a eu un buzz. C’est là qu’on a compris que les gens voulaient du Dead Obies, et qu’il fallait offrir le maximum de nous-mêmes.

C’est là qu’on a décidé de se présenter comme un groupe de post-rap. Pour ne pas se limiter dans le genre rap, ne pas se restreindre dans la création de notre musique. Les façons de faire traditionnellement hip-hop ne nous permettent pas de faire des choses à la Pink Floyd, de mettre de la distorsion sur un micro et de voir ce que ça donne, de juste être créatif sur toutes les formes, de la musique à l’enregistrement en passant par l’image du groupe. En acceptant d’être un black sheep, on a trouvé notre identité.

 

Et votre album, il sort quand ?

À l’automne prochain. On aimerait ça que ce soit en septembre, mais ce serait un gros défi. Alors on dit juste « à l’automne » pour l’instant. Le premier single avec vidéoclip sera lancé à la mi-juin.  On veut profiter de l’attention des Francouvertes pour faire pas mal de festivals et de concerts. Il faut garder le monde en haleine, battre le fer pendant qu’il est chaud.

 

Justement, votre DJ VNCE va lancer son album Me and my DJ le lendemain de votre présence aux Francouvertes… 

Oui. C’est un album instrumental, composé en parallèle à l’album qu’on fait en ce moment.

Notre dernier projet, c’était Beubé boom! en septembre 2012, et lui, il n’arrête jamais jamais de produire. Il a trouvé sa niche, sa façon de fonctionner de composer. Il s’est fait un album avec toutes sortes d’influences instrumentales : du minimalisme au lo-fi, avec des touches de house, de hip-hop. C’est vraiment dans ce qu’on appelle le post-rap. Habituellement, le canon dans le hip-hop, c’est les samples funk, c’est la boom bap. VNCE, il va dans des échantillons post-punk, du Nina Hagen ou du Kraftwerk, des couches minimales de sons qui forment un drone hypnotisant. Ça a été réalisé autour d’une peine d’amour, et c’est le feeling que ça donne, c’est hypnotisant, introspectif.

La scène piu piu a reçu d’attention avec le documentaire (Piu Piu, voir ci-bas) et les événements, les compilations beat tapes. Lui, il traite les beat tapes comme des albums, il calcule l’ordre des chansons. Il organise ça comme un parcours. Et on essaie de le traiter comme ça en le lançant de manière officielle.

L’année passé, les médias ont trippé sur le DIY, les albums que les artistes lançaient eux-mêmes gratuitement sur Internet. Mais j’ai l’impression que les créateurs se sont un peu assis là-dessus, et là, ça s’essouffle.

Il y a une certaine magie de lancer un album, d’avoir un concept autour de l’album, une chair autour du produit artistique. Ça aide à être mieux écouter, il y a plus de résonance.

 

C’est votre plan pour votre album aussi ?

Oui, exactement. L’idée de pouvoir écouter l’album gratuitement avant de l’acheter, c’est incontournable. On ne peut plus s’en sortir. Parce que le coût de la vie est fucking cher, man. Un album à 20$ ou télécharger des chansons sur iTunes, je fais jamais, c’est comme acheter des cannes de tomages.

Je pense qu’il y a 85% de l’œuvre d’art qui est la perception, comment ça t’est présenté. Si des gens qui ne sont pas dans mon groupe social qui me disent que tel album est vraiment bon, ça va me prendre plusieurs avis de gens que je respecte pour vraiment me convaincre.  Ça ne sera jamais plus important que la musique, mais la mise en marché est quand même très importante. Et nous, on veut bien le faire.

 

 

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