Footloose

Footloose au Théâtre St-Denis pour Juste Pour Rire | Beau mais une demi-heure de trop

Le volet comédie musicale qu’a instauré Juste Pour Rire il y a quelques années est maintenant devenu une tradition. Chaque nouveau spectacle bat des records de vente. À défaut d’avoir des productions québécoises originales à offrir, le festival mise sur des œuvres connues aux finales heureuses (Hairspray, Grease, Mary Poppins…) qui séduisent la fibre nostalgique du public. Évidemment, la pièce Footloose de Dean Pitchford et Walter Bobbie, adaptée, traduite et mise en scène par Serge Postigo, correspond en tous points à cette recette triomphale. Malgré quelques bémols, surtout au niveau de la justesse du jeu des acteurs campant les adolescents, la comédie musicale parvient à éblouir par sa scénographie ingénieuse et donne envie de danser notre vie (scusez-la!).

Footloose s’amorce en déployant avec flamboyance son décor de poutres et de pont. Cependant, dès les premières minutes, le haut volume de la musique dirigée par Guillaume St-Laurent irrite. De plus, la prononciation de certains comédiens laisse cruellement à désirer, spécialement lors des chansons traduites dans la langue de Molière. Des répliques entières sont parfois incompréhensibles.

D’ailleurs, le mélange de français et d’anglais, autant dans les morceaux que dans les dialogues, nécessite un temps d’adaptation même s’il s’avère hautement justifié. Rappelons que l’histoire se déroule à Beaumont, une petite ville américaine fortement conservatrice qui interdit drogue, alcool et danse depuis un accident terrible ayant causé la mort de quatre jeunes. Abandonné par son père, Ren McCormack (Philippe Touzel) y emménage pour aller vivre chez sa tante. Sa quête de liberté trouvera écho auprès de ses nouveaux amis mais le sentiment de rébellion en tant que tel, puisque abordé en surface et avec très peu d’originalité, ne réussit pas à émouvoir ou faire réfléchir. On comprend les intentions à saveur politiques derrière l’effort, surtout dans le contexte social actuel,  mais on les ressent pas totalement.

De toute manière, l’attrait principal de cette production réside dans son contenant, et à ce chapitre, Juste Pour Rire en met encore plein la vue (confettis, fumée, bibliothèque géante…) sans noyer l’oeuvre d’effets visuels strictement tape-à-l’œil. Au niveau de la mise en scène,Serge Postigo, qui succède à Denise Filiatrault depuis 2 ans, excelle dans les transitions, l’utilisation complète de la salle et les changements rapides de décor et d’accessoire donnant l’illusion aux spectateurs d’être transportés complètement ailleurs. Le meilleur exemple s’avère les casiers d’école dissimulant une pièce de la maison de Lulu Warnicker. Lors de numéros impertinents comme la chanson Môman dit, la scénographie constitue le seul élément qui empêche les spectateurs de bâiller.

Les chorégraphies de Steve Bolton ne manquent pas de dynamisme quoique aucune d’entre elles ne marquera l’imaginaire comme celles des ramoneurs de Mary Poppins. Ceci dit, on retient particulièrement l’accrocheuse Holding Out For A Hero dans laquelle des danseurs se trémoussent sur des tables de casse-croûte, parasols inclus. La danse de la scène finale, collée à nos souvenirs du film de 1984, est également très réussie. Grâce aux colorés costumes, l’ambiance des années 80 demeure tout en étant pimentée d’un léger soupçon de modernité. Autrement dit, rien dans les décors et les tenues vestimentaires transpirent le kitsch.

Or, les nombreuses longueurs contenues dans les deux parties viennent entacher le tableau, aussi sublime soit-il. La pièce aurait gagné à être resserrée d’au moins une demi-heure. Si le texte de Postigo capte efficacement le langage employé par les adolescents, il n’échappe pas  à des blagues prévisibles ainsi qu’à des répétitions au niveau de la trame narrative.

Bien trop souvent, les chansons et les dialogues entre celles-ci signifient les mêmes informations ou sentiments. Il aurait fallu choisir entre un ou l’autre pour éviter les cassures dans le rythme. Le cas le plus flagrant : le rôle du Révérend Samuel Moore toutefois magnifiquement campé par Dominique Côté. Au-delà de son imposante voix procurant des frissons, il transmet habilement le désarroi et la douleur de son personnage. Dommage que la pièce sous-estime le pouvoir bénéfique de l’économie de mots (et parfois du silence), et ce même dans une comédie musicale…

Les deux têtes d’affiche (Philippe Touzel et Éléonore Lagacé) débordent d’énergie dans leurs mouvements et voix (spécialement Éléonore sur Holding out for a hero et Toujours devoir me taire). Elles livrent authentiquement les émotions lors des chansons, mais ces nuances se perdent lors des scènes dramatiques parlées. Les jeunes comédiens parviennent tout de même à rendre crédible et passionné la fameuse déclaration d’amour (Almost Paradise), mais leur manque de raffinement reste. Il en est de même pour les autres comédiens qui se glissent dans la peau des adolescents. Dans le rôle de Rusty, Geneviève Bournival (Rusty) peine à atteindre les notes sur Let’s Hear It For the Boys. Par contre, deux réussissent à tirer leur épingle du jeu:  David  Corriveau (Chuck Cranston) et Tommy Joubert, la véritable révélation du spectacle. Héritant des meilleurs gags, il insuffle à son sympathique Willard Hewitt une bonhomie contagieuse.

Bref, la réjouissante finale (et le généreux salut regroupant comédiens et techniciens) fait sourire et permet de sortir de la salle avec un sentiment de satisfaction, même s’il faut endurer trop de remplissage avant d’y avoir accès.

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