crédit photo: Victor Diaz-Lamich
Allison Russell

Festival International de Jazz de Montréal 2025 – Jour 8 | Montréal coule toujours dans les veines d’Allison Russell

Allison Russell a fait un retour triomphal jeudi soir sur la scène de la Place des Festivals, devant une foule de plusieurs milliers de personnes. Lors de son dernier passage, elle se produisait dans une salle de quelques centaines de places seulement, un contraste révélateur de sa montée fulgurante, portée par plusieurs nominations et une victoire aux Grammy Awards 2024. Son concert, intense et habité, sous le ciel étoilé de Montréal et le fracas des feux d’artifice, relevait davantage du rituel de guérison que du simple spectacle.

Dès les premiers instants sur scène, la Montréalaise d’origine a semblé vouloir proclamer haut et fort l’essence même de ce qui la définit.

Allison Russell était montée sur scène entourée des musiciennes de la Rainbow Coalition, un groupe composé de femmes de couleur, de personnes queer et issues de communautés marginalisées, un choix pleinement assumé qui reflète de son engagement envers une scène musicale plus inclusive. Après que chacune ait prit place, Russell a ouvert la soirée par un solo de clarinette et enchaîné avec Montreal, extrait de son premier album solo Outside Child, paru en 2021, une véritable lettre d’amour à sa ville natale.

Voilà. Tout était dit. En un instant.

Allison Russell est une autrice-compositrice-interprète queer, clarinettiste de formation, activiste et profondément enracinée dans la ville où elle a grandi, Montréal.

allison russell fijm2025 cr victordiazlamich 6656* Photo par Victor Diaz-Lamich.

L’art et la musique comme rituel de guérison

Ce retour à Montréal avait une charge émotionnelle particulière. Russell a grandi dans un environnement familial marqué par la violence, et a quitté la ville à l’adolescence. Pourtant, c’est ici qu’elle dit avoir découvert que l’art pourrait la sauver et a cité de nombreux souvenirs culturels montréalais de son enfance.

Tout au long de la soirée, la voix singulière d’Allison Russell résonnant bien au-delà des genres. Avec ses musiciennes et cette voix qui glisse ici et là des paroles en français, Russell tisse un univers sonore où se mêlent Americana, folk, country, bluegrass, blues, gospel, rock et soul. C’est notamment le cas avec Eve Was Black, une chanson tirée de son plus récent album The Returner, paru en 2023, qui lui a valu le Grammy de la meilleure performance de musique de racines américaines en 2024.

allison russell fijm2025 cr victordiazlamich 7356* Photo par Victor Diaz-Lamich.

Pendant ce dernier titre qui a changé quelque peu le direction de sa carrière, Russell a livré une interprétation habitée, traversée par la rage et la libération. Dans ce morceau, Russell imagine une Ève noire, puissante et originelle, pour réinscrire les personnes noires, et en particulier les femmes noires, au cœur de l’histoire humaine, spirituelle et culturelle. Ce morceau, l’un des plus puissants de son répertoire, a été accueilli avec ferveur par le public.

Un peu plus tard, alors qu’elle annonçait un moment d’intimité avant d’interpréter Nightflyer, on entendit le fracas des feux d’artifice. Tout en spontanéité, Russell a lancé : « Ah, les feux à La Ronde, c’est ça ? », nous rappelant encore que ses souvenirs montréalais sont toujours frais dans sa mémoire.

Elle a aussi offert une version bouleversante de Persephone, une chanson sur son premier amour, une femme qu’elle a rencontrée pendant son adolescence et qu’elle dédie à toutes les survivantes.

Pendant Superlover, une magnifique chanson qu’elle a enregistré en duo avec Annie Lennox mais qu’elle a fait seule hier soir, Russell avait les larmes aux yeux. En entonnant les vers « Palestine, Israel to Tennessee / Tears of rage, tears of grief / Sudan, Congo to Haiti », elle a transformé la douleur du monde en un chant d’espoir. D’ailleurs, s’il y avait un espoir que la paix trouve son chemin dans le monde, Superlover serait sans doute de la bande-son du voyage.

C’est sans doute The Returner qui a suscité l’un des moments les plus marquants de la soirée. Véritable hymne au retour spirituel, identitaire et émotionnel, cette chanson a été interprétée par Russell avec une intensité bouleversante. Mais c’est avec You’re Not Alone, jouée en fin de spectacle, que les parents présents se sont sans doute le plus reconnus : une berceuse dédiée à sa fille, qui célèbre l’amour inconditionnel et rappelle tendrement qu’elle ne sera jamais seule.

allison russell fijm2025 cr victordiazlamich 6835* Photo par Victor Diaz-Lamich.

En choisissant Allison Russell pour clore la soirée sur la grande scène de la Place des Festivals, les organisateurs ont pris un pari audacieux : celui de la communion plutôt que de l’exubérance. Ce n’était pas un concert pour faire bouger les hanches, mais bien pour toucher les âmes.

En quittant la scène, visiblement émue, elle a confié combien cela lui avait fait du bien de revenir jouer à Montréal. Et dans l’atmosphère vibrante de la Place des Festivals, on sentait que ce sentiment était largement partagé.

Grille de chansons

  1. Montreal
  2. Springtime
  3. 4th Day Prayer
  4. Eve was black
  5. Nightflyer
  6. Persephone
  7. Superlover
  8. Joyfull Motherfucker
  9. Poison Arrow
  10. The Returner
  11. Demons
  12. Rag Child
  13. You’re Not Alone
  14. Requiem

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