
Festival international de Jazz de Montréal 2025 – Jour 2 | Funk brésilienne, cool jazz et trépidations diverses (Azymuth, Yasmin Williams, Theon Cross & Makaya McCraven)
Le vendredi 27 juin poursuivait mon premier weekend déjà bien chargé de cette édition 2025 du Jazz avec un quatuor de spectacles encore une fois d’une qualité remarquable aux quatres coins du Quartier des spectacles.
Azymuth
Disons-le d’emblée : l’expérience offerte par le Gesù était au mieux exécrable. Les placières faisaient encore asseoir des membres du public arrivés avec près d’une heure de retard, venaient vérifier des billets en plein spectacle, se promenaient avec des lampes de poche à tout bout de champ… Le nom donné à la série de concerts, Les concerts intimes, est constamment challengé par un public qui se déplace aussi sans cesse, au risque de déranger l’audience au grand complet en faisant lever tout le monde en plein milieu de chansons pour aller se chercher des bières. Bref, expérience désagréable sur toute la ligne.
Le groupe, lui, sera très bien au moins. Si le trio de vétérans brésiliens roule depuis déjà plus de 50 ans, la machine n’a pas ralentie pour autant. Redécouvert pas plusieurs grâce à la série Jazz Is Dead d’Adrian Younge et Ali Shaheed Muhammad, Azymuth présentait hier un spectacle en deux temps : première partie consacrée surtout au EP lancé aux côtés de deux jazzmen ainsi qu’à l’album Marca Passo, leur 32e en carrière (!!!), paru plus tôt cette année. Le public s’y fait plus attentif, visiblement moins familier avec les titres, mais profitant de la générosité des musiciens pour en apprécier le groove et les subtilités techniques. Le jeu du percussionniste Renato Calmon est exemplaire, celui de Kiko Continentino plus éparse, sans nécessairement que ce soit une mauvaise chose, derrière un quatuor de claviers et au chant avec un vocoder bien intégré. Seule la performance du bassiste Alex Malheiros, unique membre survivant du trio original, permet un peu de doutes, les soli étant un peu plus en dents-de-scie, excusée par un indéniable plaisir de jouer.
Le public reprendra de l’aplomb pour les dernières chansons du set, qui iront chercher plus loin dans la discographie du groupe, remontant jusqu’aux belle années de José Roberto Bertrami et Ivan Conti. On y est invités à chanter et à taper des mains, une coupure nette avec l’énergie précédente. Une bonne partie de la foule embarque, d’autres sont plus rébarbatifs à entendre ce bruit de fond dans le cadre d’une prestation jazz du genre. Dans un cas comme dans l’autre, on quitte tout de même avec le souvenir d’un groupe toujours puissant malgré les années, en espérant fortement que ce concert n’ait pas été son dernier chez nous.
Yasmin Williams
Court détour pluvieux en chemin vers le Club Soda vers le Parterre du Quartier des spectacles où la guitariste américaine présentait un spectacle soliste, accompagnée seulement de son instrument, de playback et d’un kalimba qu’elle utilise de façon particulièrement inventive. La guitare placée à l’horizontale sur ses genoux, à la manière d’un lap steel, la musicienne pose le petit instrument près des cordes de façon à pouvoir jouer des deux en même temps. Le résultat est d’une magnifique douceur, créant un take original et contemplatif sur la folk des Appalaches avec un univers personnel issu des traditions afro-descendantes qui se marie somme toute bien à la pluie finalement.
Theon Cross
Probablement le tubiste le plus connu sur l’actuelle scène jazz internationale, celui qui est également membre des Sons of Kemet et fréquent collaborateur de Nubya Garcia était un choix évident pour préparer la foule au spectacle de Makaya McCraven qui suivra. On peut en effet entendre Cross sur Black Classical Music, l’album phare du percussionniste américain, même si le son de l’Anglais en diffère sur plusieurs aspects. Sans tomber à pieds joints dans le jazz spirituel, le tubiste fait tout de même preuve d’une retenue et d’une subtilité exemplaire.
Contraint à des notes plus basses vu son instrument, il réussit toutefois à en faire une utilisation inventive, tantôt comme élément percussif, tantôt dans un duo plus texturé avec la basse de l’un de ses accompagnateurs (Nikos Ziarkas). Le contraste avec le saxophone souple et admirable de l’un de ses autres musiciens (James Akers) est aussi très intéressant, offrant de belles variations cuivrées au public pour nous aider à mieux apprécier la performance du leader du band, en plein contrôle de ses moyens. On aurait bien pu voir Theon Cross obtenir son propre spectacle avec son projet, lui qui ne sort pas de nul part non plus, mais qui propose un bel accord dans le cadre de cette tournée commune qu’il opère actuellement avec McCraven.
Makaya McCraven
Et parlant du loup justement, McCraven aura rendu justice à sa réputation, répondant avec brio aux attentes du public de connaisseurs présent au Club Soda. Faut dire que le gars peut compter sur une escouade cinq étoiles aussi, avec à la basse l’excellent Junius Paul, fréquent collaborateur de plusieurs artistes de la maison International Anthem, Joel Ross au vibraphone, instrument normalement opéré par McCraven lui-même sur album, et le saxophoniste émérite Josh Johnson. Ross est probablement celui des trois qui brillera le plus, avec un jeu inventif et rapide, enchaînant de très longues séquences solistes derrière son instrument qui n’est pas le plus simple à utiliser.
Sur The Title, lui et Johnson se passeront la balle à quelques reprises, pouvant se permettre d’explorer tant la section rythmique est solide. Le batteur lui-même se fait discret, laissant la place à ses musiciens de s’approprier sa propre musique dans une ambiance d’écoute et d’échange qui donne droit à de très beaux moments d’improvisation et de magnifiques envolées instrumentales. Bien que les premières pièces, plus cool jazz, détonnent un peu avec les éléments de spiritual et de free de Theon Cross. Rien de choquant, alors que la setlist deviendra de plus en plus disparate, démontrant bien l’étendue du talent de composition de McCraven.
Belle seconde soirée, on remet ça avec Nas et son orchestre symphonique aujourd’hui.
Photos en vrac
- Artiste(s)
- Azymuth, Makaya McCraven, Theon Cross, Yasmin Williams
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Club Soda, Gesù, Le Parterre du Quartier des spectacles
- Catégorie(s)
- Festival, Folk, Free jazz, Funk, Jazz,
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