Orville Peck

Festival International de Jazz de Montréal 2024 – Jour 9 | Orville Peck et l’art de faire passer du country au Festival de Jazz

Imaginez un artiste country qui parviendrait à remplir la Place des Festivals en tête d’affiche d’une soirée du Festival International de Jazz de Montréal. En fait, pas besoin de l’imaginer. Fallait être là vendredi soir, alors que Orville Peck avait cet honneur et s’acquittait de cette tâche sans le moindre souci.

Qu’est-ce qu’il a de jazz, au fait, Orville Peck?  « Son côté crooner est certainement jazz », nous répondait le grand manitou de la programmation du festival, Maurin Auxéméry, récemment.

Il n’a pas tort. Aussi investi soit-il dans ses airs country et ses balades western, il y a du Elvis, du Roy Orbison et du Johnny Cash dans le grain de voix d’Orville Peck. Tous des artistes qui ont trépassé avant que le FIJM puisse les inviter, mais le festival n’hésiterait jamais à le faire s’il pouvait les ramener à la vie.

D’autant plus qu’avec son approche subversive du alt-country subtilement queer, Orville Peck trouverait facilement sa place au FIJM, comme à Osheaga, comme à Lasso. À bas les genres (musicaux) !

D’ailleurs, c’était partie remise pour le grand mec sud-africain devenu canadien, puisque l’an dernier, il avait prévu donné deux spectacles au MTELUS dans le cadre du même festival. Deux spectacles annulés parce que sa santé mentale et/ou physique le poussait à tout annuler. Pour mieux revenir. « I’m in the best shape I’ve ever been! », a-t-il lancé entre deux chansons.

 

Et ça paraissait. Dès le départ, on le sentait tout en voix et en présence, avec l’interprétation de titres comme Turn To HateRoses Are Falling, The Hurtin Kind ou encore No Glory in the West.

Vêtu d’un de ses plus beaux habits à paillettes assorti à son chapeau, il avait le look d’un mix entre un lutteur des années 1980 et Elvis dans ses meilleurs années.

Personnage fascinant

Il y a tout un aura de mystère autour de ce gars. On ne voit jamais son visage, en raison de son masque qui est toutefois moins fourni qu’avant. Son loup (le masque, pas l’animal) était jadis agrémenté de franges qui cachaient le bas de son visage. On le retrouve désormais en mode « Robin », avec juste le loup. Ça permet d’apprécier ses expressions faciales, ce qui, sans surprise, lui permet d’exploiter davantage son charisme fou.

Ce charisme, jumelé à un talent indéniable et un grain de voix unique, lui a permis de transcender les frontières du alt-country en devant une véritable star qui obtient même l’occasion de réaliser un duo avec Shania Twain, ainsi qu’avec Willie Nelson, sur la savoureuse reprise de Cowboys are Frequently Secretly Fond of Each Other, une chanson profondément country-western qui parle de cowboys queers. Une chanson qu’il a d’ailleurs interprétée ce soir, sans ce bon vieux Willie, évidemment. Difficile de ne pas savourer l’ironie de la chanson.

Jadis batteur dans un groupe punk, et maintenant entouré de musiciens punk convertis au country, il se dit influencé de vieux artistes comme stars Merle Haggard, Waylon Jennings, Johnny Cash et Willie Nelson justement, et mélange habilement l’approche old school du country, le rockabilly (l’entraînante Any Turn en est un bon exemple) des années 1950 et la modernité dans les influences pop.

Les purs et durs conservateurs du country s’en trouvent troublés. Tant mieux. En cette ère du renouveau du country, c’est le strict minimum que certains s’en servent pour pervertir les conventions un peu. La culture country mérite ce coup de pied dans les tibias.

Et comme on a pu le constater vendredi soir, ça peut donner des succès populaires considérables, sans perdre de son subtil mordant sur le plan du contenu. Au point où une bonne partie des milliers de fans restent sur place malgré la pluie abondante soudaine juste au moment de faire le rappel! Les festivaliers mouillés seront récompensés avec une interprétation inspirée de Let me down (chanson de circonstance!) et la plus entraînante de tout le set pour la fin, Bronco.

Un tour de force réussi et fascinant, tout comme l’ensemble de l’univers particulier de ce cowboy nouveau genre. Vivement que des festivals comme le FIJM lui permettent de briller lors de grandes occasions.

 

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