crédit photo: Marie-Claire Denis
Tank and The Bangas

Festival de jazz de Montréal 2023 | Un voyage sur trois continents se terminant par la messe funk et gospel de Tank and The Bangas

Année après année, soir après soir, le Festival International de Jazz de Montréal confirme sa pertinence dans le visage musical montréalais et mondial. La soirée du 6 juillet ne fut pas exception. Au programme de la soirée, trois groupes résolument modernes mais puisant leur inspiration dans la tradition, voire le folklore : AySay, Isaiah Collier & The Chosen Few et les très attendus Tank and The Bangas.

AySay – Une incursion danoise dans le riche univers musical kurde

Découvert par le public montréalais lors de leur passage au festival Mundial Montréal en novembre dernier, le trio danois AySay était heureux d’être « déjà » de retour au Canada pour une mini tournée qui les amène à Québec, en Ontario et plusieurs fois à Montréal.

Sur disque, l’univers sonore improbable du trio AySay dépeint à la fois l’univers organique de la musique traditionnelle kurde et celui électronique de la musique moderne danoise. À l’origine de cette rencontre culturelle singulière, on retrouve la Danoise de descendance kurde, Luna Ersahin. En plus d’en être la chanteuse et d’y jouer du saz, Ersahin assure également la direction artistique du trio complété par Aske Døssing Bendixen aux percussions (organiques et électroniques) et Carl West Hosbond à la guitare.

* Photo par Marie-Claire Denis.

 

La foule, sans surprise, était peu présente au début de leur première performance de la soirée (celle programmée à 18h). Rapidement, l’énergie contagieuse de Ersahin et la musicalité singulière de AySay aura su rassembler et captiver un nombre imposant de spectateurs pour cette plage horaire.

D’ailleurs, dès le troisième titre, Ben Beklemen, celle qui s’est donné comme mission de faire connaître la richesse de l’héritage culturel de son père a conquis la foule en partageant un tutoriel destiné à nous apprendre à ululer, c’est-à-dire pousser un long cri aigu et modulé qui exprime la joie. Bien que la soirée fût encore très jeune, les « olouloulou » se faisaient bien entendre, signe que le partage culturel était bel et bien amorcé. Plus tard, c’est la frustration qu’elle nous invita à exprimer par un geste de bras et un cri propre à la culture kurde.

Pendant l’heure que dura leur performance, on aura eu l’occasion d’entendre chanter en turc, en kurde, et en danois des titres qui, aux dires de la principale intéressée, évoquent les questions de migration, de fuite et de liberté.

* Photo par Marie-Claire Denis.

La prestation étant un véritable voyage musical au cœur de l’Asie mineur, il aura fallu attendre les deux derniers titres pour que l’influence électronique danoise se fasse entendre, même si beaucoup plus discrète que sur leur album Su Akar paru en 2021. Cette attachante prestation s’est d’ailleurs terminée sur Nerelisin, un titre invitant à la danse et sur lequel on peut entendre le fameux ululement. C’est donc en poussant ce cri de joie que l’heure passée en compagnie de AySay s’est terminée.

Pour assister à ce mariage culturel improbable, rendez-vous au FEQ le 7 juillet en soirée, ou lors de leur retour à Montréal le 11 juillet à la Zone Musique Place d’Armes lors d’un spectacle gratuit sur l’heure du dîner.

 

 

Isaiah Collier & The Chosen Few – Magnétique prodige du saxophone

L’expérience du FIJM est authentique que si l’on ose consacrer une partie de notre soirée à errer de scène en scène à la recherche d’un nouveau son qui viendra nous faire vibrer. Forcée de butiner à la suite de l’annulation d’un concert qu’il m’était prévu de voir (celui d’Obongjayar), c’est Isaiah Collier & The Chosen Few qui se produisaient sur la Place tranquille qui m’auront captivé durant toute leur prestation par le magnétisme des compositions, des performances et de leur présence.

Isaiah Collier est un arrangeur, compositeur, multi-instrumentiste né et élevé dans le South Side de Chicago. Se concentrant surtout sur les saxophones (soprano et ténor durant sa prestation), il est entouré du groupe de soutien The Chosen Few composé du batteur Michael Shekwoaga Ode, du contrebassiste Jeremiah Hunt et du pianiste Mike King. Fort de deux albums (Return of the Black Emperor paru en 2018 et Cosmic Transitions paru en 2021), c’est une prestation inspirée aux frontières du jazz et du blues qu’il nous a été donné de voir.

* Photo par Pierre Langlois.

Les compositions de Isaiah Collier & The Chosen Few sont complexes : les accords changent quasiment à toutes les mesures et ce, sur un tempo assez rapide. Les textures sonores évoquent parfois la beauté et le chaos des quartiers populaires. D’ailleurs, lors de certains passages, le son du saxophone rappelle parfois le son des sirènes, parfois le son des bruits crissant de l’urbanité.

* Photo par Pierre Langlois.

Visiblement captif et emballé, le public réagissait fortement après certains passages, notamment lors de certains crescendos d’Ode à la batterie ou lors des solos de piano de King qui capable de douceur, jouait parfois de son instrument tel un percussionniste enragé.

Bien qu’ancrées dans la tradition jazz, l’allure et la liberté du charismatique Isaiah Collier nous font penser qu’il vient du futur et qu’il insuffle par sa musique un vent de modernité à l’univers du jazz.

* Photo par Pierre Langlois.

Tank and The Bangas – Incontournable et mémorable

Sur scène, difficile d’être plus énergique que le groupe Tank et The Bangas. Tout de rouge vêtu, ce septuor originaire de la Nouvelle-Orléans a su mettre dans sa poche la foule dès les premières minutes : durant Fluff, la foule frappait déjà des mains avec énergie.

Fondé en 2011, le groupe a été mis sous les projecteurs après avoir remporté le concours Tiny Desk de NPR en 2017. Reconnu pour offrir des concerts des plus énergiques, la prestation the Tank and The Bangas n’a certainement pas déçu.

À l’épicentre de cette force vive, on retrouve la fondatrice et chanteuse principale du groupe Tarriona « Tank » Ball. Vêtue d’un chandail rouge sur lequel étaient inscrits en blanc les différents titres des chansons de leurs albums, elle était tantôt posée, tantôt touchante, mais la plupart du temps lumineuse et exaltante. Sa capacité à communiquer aisément des émotions avec ses expressions faciles faciliter certainement l’engagement de la foule pour ce genre de prestation, où la plupart des spectateurs regardent le spectacle sur l’écran géant.

* Photo par Marie-Claire Denis.

Au-delà de sa présence physique théâtrale, la grande polyvalence vocale de Ball permet la facture musicale distinctive de Tank and the Bangas. Sa voie parfois haute et nasillarde peut aisément replonger rapidement dans des registres beaucoup plus bas et caverneux. Ball peut également chanter, rapper et slammer. Ceci permet au groupe d’explorer de manière cohérente des sonorités funk, soul, rock et hip-hop.

Tout de suite après une reprise brillante de Hey Ya! (en hommage à Outkast), l’exaltante prestation de Tank and the Bangas s’est terminé sur Outside, un simple paru en 2022. La soirée fut donc conclue tout juste avant le couvre-feu par une immense messe gospel aux accents soul et funk.

Tank and the Bangas devrait faire partie de la liste des prestations à ne pas manquer pour tous ceux et celles qui aiment les concerts qui en mettent plein la vue.

 

Photos en vrac

Tank and the Bangas (par Marie-Claire Denis)

Isaiah Collier & The Chosen Few (Par Pierre Langlois)

AySay (par Marie-Claire Denis)

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