crédit photo: Danny Taillon
Mary-Lee Picknell

Être ou ne pas être un douchebag chez Duceppe | Retour d’ascenseur

Du 15 avril au 2 mai 2025, le public de Duceppe se retrouve coincé dans un ascenseur en panne avec Karine et Malik,  les deux protagonistes de la dernière création de Mary-Lee Picknell mise en scène par Guillermina Kerwin et marquant une première collaboration à Duceppe pour les deux créatrices.

Être ou ne pas être un douchebag est totalement fidèle à la mission à la fois de Duceppe et de la compagnie de production Les Hébertistes, qui est de « créer des spectacles qui soient accessibles, ludiques et rassembleurs » et de « faire de la scène un espace de communion et d’échange sur des enjeux humains d’actualité » (Programme de la pièce sur le site de Duceppe). En effet, dès leur arrivée dans les coulisses du théâtre où est présentée la pièce, les spectatrices et spectateurs, boisson et cupcake à la main (offerts lors de la première représentation) sont immergé.e.s dans l’univers tour à tour oppressant et familier de la pièce, c’est-à-dire l’ascenseur en panne d’une tour à condos où se retrouveront coincé.e.s deux ex-amant.e.s que tout semble opposer mais qui ont une histoire commune et plus de similitudes qu’ils ne le pensent.

La scénographie originale et très réfléchie du spectacle participe à cette immersion. L’ascenseur, qui devient presque le troisième personnage de ce huis-clos, est matérialisé par une structure métallique cubique. Celle-ci est complétée par une paroi en verre illustrant la porte et le miroir de l’ascenseur ainsi que par une barre de métal suspendue au plafond par des chaines, représentant la trappe d’urgence et dont les personnages se servent à quelques reprises pour exécuter des tractions, Karine pour tenter de s’échapper, Malik pour passer le temps et démontrer sa force virile, en bon douchebag qui se respecte. Le tout est posé sur une plateforme afin que le public, assis autour, puisse être complètement voyeur de ce tête-à-tête forcé.

* Photo par Danny Taillon

L’éclairage joue aussi un rôle dans ce plongeon théâtral de la spectatrice et du spectateur et participe à la tension dramatique de l’action. Ainsi, les lumières en salle, bien que plus faible, restent allumées durant toute la durée du spectacle, ce qui permet à l’auditoire de se retrouver face à lui-même et à l’autre pour mieux en rire, car comme l’écrit Mary-Lee Picknell dans le programme de la pièce : « Nous portons tous et toutes en nous, à la manière d’un enfant intérieur, un douchebag intérieur ». Et à en juger par les nombreux rires qui fusent en réaction aux répliques pleines de répartie à la fois ironique et de mauvaise foi, il y a des douchebags qui se reconnaissent et d’autres qui les jugent dans la salle. L’éclairage de scène, quant à lui, consiste tour à tour en des néons colorés à la base de la structure métallique et à des spots colorés qui ponctuent les moments de tension dramatique et tissent la chronologie de l’intrigue, accompagnés d’une musique ascendante.

Car si la légèreté et l’humour associés au malaise palpable et à la surprise des deux personnages occupent le début de l’action, cette dernière prend vite une tournure plus sombre et profonde avec des thèmes tels que la mort d’un ami, l’alcoolisme, les troubles anxieux et l’identité sexuelle. Dans cet espace clos coupé du reste du monde, le temps s’arrête, mais les vérités et les émotions sortent à la vitesse grand V. Le jeu extrêmement naturel et juste de Mary-Lee Picknell et Vincent Paquette offre une dimension très touchante à une situation en apparence banale et permet au public de s’identifier facilement aux personnages. Comme un douchebag, nous avons toutes et tous des biais et des travers, mais l’important est de rester ouvert.e à l’autre et d’accepter ses conseils afin d’en tirer des leçons et d’apprendre à mieux agir.

* Photo par Danny Taillon

Vos commentaires