crédit photo: Pierre Langlois

Ethnic Heritage Ensemble à La Sala Rossa | Entre euphorie et révolution

Jeudi soir, La Sala Rossa honorait les 51 années de vie du groupe Ethnic Heritage Ensemble. Originaire de Chicago, le collectif de musique jazz reste fidèle à lui-même en présentant sa tournée annuelle dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, soit le Heart & Soul Tour 2025.

Fondé en 1973 par le batteur multi-instrumentiste Kahil EI’Zabar, le groupe américain se démarque par l’ajout d’instruments traditionnels au jazz, au funk et au blues.C umulant plus de 15 albums à leurs noms, Ethnic Heritage Ensemble a offert aux Montréalais plusieurs classiques de son récent album paru en 2024 : Open Me, A Higher Consciousness of Sound and Spirit.

Une expérience hors du commun

Rien n’aurait pu préparer les spectateurs à l’expérience musicale immersive qu’ils allaient vivre avec le batteur Kahil EI’Zabar, le saxophoniste Kevin Nabors ainsi que le trompettiste Corey Wilkes. Les multi-instrumentistes accompagnés d’un nombre incalculable d’instruments classiques et traditionnels sur la scène ont dès les premières notes plongé le public dans un monde intemporel et spirituel. Mettant de l’avant l’immensité de la richesse du son, Ethnic Heritage Ensemble offre à travers son art une conscientisation des subtilités du son à leurs apogées.

D’un instinct musical inouï et d’une prestance débordante d’énergie, le groupe a livré une prestation percutante donnant des frissons à tous les avant-bras présents dans la salle. Lorsque Kevin Nabors et Corey Wilkes ont soufflé en choeur à travers leurs instruments à vent, le public faisait face à un orchestre symphonique à seulement trois musiciens.

Et que dire de Kahil EI’Zabar qui d’une intensité frénétique se déchainait sur sa batterie se laissant vibrer aux mélodies du saxophoniste et du trompettiste. Le batteur gémissait même des sons stridents de sa bouche, des bruits qui ne semblaient même pas être humains, rendant la prestation unique en son genre. Possédé par la musique, il s’agitait à un point qu’il aurait pu tomber de sa chaise tellement quelque chose de grand avait pris le contrôle de son corps. À travers cette prestance hypnotique, tous les yeux de la salle étaient rivés sur Kahil EI’Zabar, même ceux de ces deux acolytes qui avaient cessés de jouer.

La tempête musicale

Malgré la tempête de neige, La Sala Rossa était pleine à craquer en ce jeudi soir de février.  Assis sur un petit banc rouge au milieu de la scène, le fondateur du groupe a remercié la foule d’avoir contré la tempête afin d’assister au spectacle. Le musicien a mentionné son grand amour pour Montréal et l’accueil toujours autant chaleureux comme « the warm temperature », lance-t-il en s’esclaffant avec le public.

D’une vocation politique de réaliser ses tournées annuelles lors du Mois de l’histoire des Noirs, EI’Zabar, loin d’être indifférent au climat mondial actuel a souligné l’importance de la résilience. Une résilience qui se veut nourrit par l’euphorique de la musique, une mission qu’il a relevée avec brio au cœur de La Sala Rossa aux côtés des grands musiciens tels que Nabors et Wilkes.

L’orchestre symphonique

À plusieurs reprises, il était impensable de concevoir que c’était seulement trois musiciens qui pouvaient créer cet univers musical chargé aux sons multiples. Les artistes du groupe ont fait preuve d’une immense maitrise artistique où ils ont utilisé plus d’une dizaine d’instruments classiques et traditionnels à travers parfois un seul morceau. Il arrivait même que les multi-instrumentistes jouaient plusieurs instruments en même temps.

D’une maitrise et d’un instinct musicaux renversants, les musiciens transpirait la liberté à travers leur musique où ils étaient plus qu’à l’aise d’improviser et de se laisser vibrer. Cette puissante exploration musicale s’illustrait par exemple lorsque le trompettiste Corey Wilkes s’est mis à souffler à une vitesse fulgurante dans sa trompette, donnant l’impression au public qu’il allait manquer d’air. Eh bien non, coup de théâtre, Wilkes ne faisait que s’amuser tout en racontant une histoire à l’aide de son instrument. On aurait même dit que la trompette était vivante pendant court un moment.

La grandeur de la maitrise musicale

Le public complètement captivé par Ethnic Heritage Ensemble a toutefois été un peu désenchanté lorsqu’un problème technique est survenu. Plusieurs tentatives stridentes de connexions entre fils d’amplis ont ainsi forcé un entracte. Ce court arrêt n’a toutefois rien enlevé à la performance des musiciens qui ont continué d’incarner leurs morceaux d’une immense richesse sonore et culturelle. Assis sur son cajon, les yeux fermés, la bouche qui gémit, la tête qui fais des vas et viens comme un enfant qui dit non, tenant un petit instrument traditionnel dans ses mains, EI’Zabar se laisse aller dans toute sa sincérité. En tapant du pied de manière rythmée, le musicien fait ainsi retentir le son de la clochette attaché à sa cheville dans La Sala Rossa toute entière.

L’incontournable titre Ornette était la pièce de clôture avant le classique rappel québécois. Un morceau écrit en hommage au grand musicien jazz qu’était Ornette Coleman. EI’Zabar, s’est d’ailleurs confié au public face à la violence vécue par Coleman à ses débuts et sa résilience qui lui ont permis de devenir une des plus grandes figures de la scène free-jazz. Cet hommage poignant à Coleman s’est fait sentir dans toute sa splendeur aux sons de la profonde voix d’ EI’Zabar,  de la puissance et de la rapidité de ses mains qui fracassaient son Cajon.

Complètement Jazz

C’est le groupe émergent montréalais Mafuba qui s’est chargée de la première partie. Les sept musiciens ont présenté les titres de leurs plus récents EP. Mafuba a su honorer le jazz par sa prestation organique et intime aux côtés de leur trompette, contrebasses, piano, batterie, saxophone ainsi que leurs instruments à percussion. Le groupe a d’ailleurs annoncé avant de sortir de scène la parution de leur premier album à minuit intitulé Romantic Family Style Menu.

Photos en vrac

Ethnic Heritage Ensemble

Mafuba

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