
Escapade à Toronto pour OASIS et LCD Soundsystem
Gros week-end dans la ville reine pour les nostalgiques des années 1990 et 2000 : Oasis donnait le coup d’envoi de sa première tournée nord-américaine en 17 ans avec deux gros concerts très attendus au Rogers Stadium dimanche et lundi, alors que LCD Soundsystem donnait trois spectacles en trois soirs au History, Nine Inch Nails jouait au Scotiabank Arena samedi soir, et pour les nostalgiques du mouvement emo, My Chemical Romance y était aussi, vendredi. Aucune de ces quatre tournées ne passait par Montréal, comme c’est malheureusement trop souvent le cas récemment. Sors-tu? s’est donc rendu à Toronto pour assister aux shows de LCD Soundsystem dimanche et Oasis lundi.
Ça fait mal en tant que fier Montréalais de constater à quel point Toronto nous dame le pion si souvent avec les grosses tournées. Une tendance qui s’accentue de manière inquiétante depuis quelques années.
Bien sûr, il faut rappeler que Montréal jouit d’une richesse inégalée en terme de festivals de musique.
Toronto a son festival de jazz aussi, mais il n’arrive pas à la cheville du nôtre.
Pour le reste, il n’y a rien comme Osheaga, îLESONIQ ou LASSO à Toronto. POP Montréal non plus n’a pas de véritable concurrent dans la ville reine. Et fait français oblige, on devine que les Francos n’ont pas plus d’égal en Ontario.
Mais pour les grosses tournées en salles, ou pire, en stades, on arrive deuxième au Canada, loin derrière la cité des Maple Leafs.
Avec la venue d’Oasis au Canada, l’occasion était belle pour prendre le pouls du voisin, voir si l’herbe y est effectivement plus verte. Pas seulement pour voir les artistes, mais aussi la vibe de la ville, son public et ses installations.
LCD Soundsystem au History
Si à Montréal, on craint que nos salles de spectacles ferment en raison des plaintes de bruit, à Toronto, ils en ajoutent des nouvelles.
Le History a été inauguré en 2021, fruit d’un partenariat entre LiveNation et le souffre-douleur de Kendrick rappeur Drake. Le bâtiment était auparavant connu sous le nom de Greenwood Teletheatre et était utilisé pour les paris hors hippodrome, dans un quartier peu achalandé.
C’est une salle de 2500 places, comparable au MTELUS. Mais flambant neuve. Plus large que longue. Un peu plus aseptisée, mais avec un plancher légèrement incliné qui permet une meilleure vue à toustes (surtout aux personnes plus petites).
On constate quelques autres avantages qui pourraient inspirer nos salles montréalaises :
- on y sert de la pizza au bar,
- on y sert des verres d’eau gratuits avec glaçons, pour inciter les spectateurs à s’hydrater et se rafraîchir,
- remplissage gratuit de boissons gazeuses, même à l’achat d’un rhum & coke (wow),
- personnel médical clairement identifié, aux aguets, serviable, gentil.
Des petites choses simples qui améliorent l’expérience. Ils n’ont pas de « raqueux » toutefois : ces braves et valeureux serveurs qui viennent vendre des boissons aux spectateurs DANS LA FOULE, une spécialité québécoise apparemment.
Mais le plus important, c’est que le son et les éclairages sont à la fine pointe, ce qui dessert très bien un groupe comme LCD Soundsystem, dont la tournée tire à sa fin. Une tournée où James Murphy et sa bande aiment s’installer deux ou trois soirs dans une plus petite salle, au grand plaisir des fans qui peuvent les voir à l’oeuvre dans un contexte relativement intimiste, de proche, et possiblement plus d’une fois (on a vu des fans qui y étaient pour le troisième soir consécutif).
Imaginez LCD Soundsystem pour trois soirs au MTELUS? C’est ce qu’on aurait eu, si Toronto n’avait pas damé le pion à Montréal. Et pourtant, James Murphy (qui a des liens pourtant étroits avec Montréal) et son groupe ne sont pas venus dans le Grand Montréal depuis le concert de décembre 2017 à la Place Bell de Laval. Sur l’île, il faut remonter à 2010, la fameuse tournée « d’adieu ».
* LCD Soundsystem à la Place Bell en 2017. Photo par Thomas Mazerolles.
Sans surprise, LCD Soundsystem a brillé de mille feux lors de cette ultime performance au History, à laquelle on a assistée. Même si James Murphy se disait malade et peu en voix, on n’y a vu que du feu avec ce setlist relevé, pigeant à parts égales dans les albums LCD Soundsystem, Sound of Silver, This Is Happening et American Dream.
Des moments électro-dansants, parfois funk parfois disco, aux élans punk et aux mélodies pop attachantes, LCD Soundsystem a bâti un pacing parfait pour tenir l’adrénaline du public sous haute tension, jusqu’au rappel glorieux avec North American Scum, Dance Yrself Clean, la touchante New York, I Love You but You’re Bringing Me Down et le classique All My Friends coup sur coup. Une généreuse prestation de plus de deux heures pour un public conquis qui faisait la fête sans retenue. Pas pire pour un dimanche soir en Ontario.
Oasis à l’aéroport
Si le History nous intrigait comme lieu, on faisait vraiment le voyage pour voir Oasis. Et le Rogers Stadium.
Drôle d’idée d’ailleurs de nommer « Rogers Stadium » ce stade temporaire de 50 000 places à presque 30 minutes du centre-ville dans le secteur North York, alors qu’au centre-ville, il y a un stade… nommé Rogers Centre (là où jouent les Blue Jays).
Toronto apprécie sans doute l’apport commercial de l’omniprésente compagnie Rogers, mais déjà que le stade permanent ne porte pas le mot stade dans son nom, il aurait été intelligent de trouver une appelation un peu plus spécifique pour le nouveau « faux stade », qui est en fait un genre de Parc Jean-Drapeau installé à l’ancien aéroport de Mirabel, si on peut se permettre une comparaison toute montréalaise.
Il s’est fait grand cas de la difficulté de s’y rendre et d’évacuer le site depuis son inauguration au début de l’été, pour des spectacles comme Blackpink et Coldplay, par exemple.
Pourtant, notre expérience n’a pas été ardue du tout. L’aventure pour s’y rendre et en revenir se compare aisément à celle du Parc Jean-Drapeau lors d’Osheaga. Rien de dramatique.
À notre arrivée sur les lieux, on constate qu’un « parc » pour fans a été aménagé et permet de passer du bon temps au soleil, à prendre une bière, manger, acheter de la merch (une folie à Toronto, et particulièrement pour Oasis, qui a même ouvert ses fameux pop-up shops hyper achalandés au centre-ville) ou faire la grande roue, gratuitement.
La logistique pour entrer au site est plutôt bien rodée aussi. En guise d’incitatif pour arriver tôt, ce qui désengorge l’entrée sur le site, les 5000 premiers arrivés parmi les détenteurs de billets « admission générale » se voyaient remettre un bracelet leur donnant accès à la partie la plus rapprochée de la scène, au grand dam des détenteurs de billets en gradins qui ont pourtant payé plus cher pour être finalement pas mal plus loin.
Bref, on faisait partie des privilégiés qui pouvaient vraiment bien voir les frères Gallagher et leurs acolytes sans avoir à regarder tout le show sur les écrans géants.
Leur arrivée sur scène est légendaire et a donné lieu à d’innombrables Reels et Stories sur les réseaux sociaux : après un montage de découpures de presse au sujet de leur improbable retour au son enivrant d’une excellente version instrumentale de Fuckin’ in the Bushes, Liam et Noel arrivent main dans la main, se font un câlin et lancent les festivités avec la biennommée Hello, de circonstance.
L’idée que les frangins les plus béliqueux de la Terre se réunissent pour venir jouer de la musique devant des dizaines de milliers de personnes dans une Amérique aussi divisée que celle qu’on connaît est en soi un puissant symbole.
Musicalement, les voir heureux de cette réunion qui aurait pu sembler forcée, et constater à quel point ils sont au sommet de leur forme est aussi un symbole que tout un chacun peut s’améliorer, profiter de nouvelles opportunités pour se retrouver, rejaillir plus fort que jamais.
En entrevue avec NME, récemment, Richard Ashcroft (de The Verve), qui assurait les premières parties d’Oasis en Europe, admettait admirer la discipline de Liam Gallagher, apparemment farouchement sobre sur la route. Ça se voit, et ça s’entend. On s’entend que Liam n’a jamais été un athlète qui saute partout pour divertir le monde, comme un Matt Shultz, dont le groupe Cage The Elephant assure la première partie d’Oasis en Amérique.
Mais sa présence, sa seule gueule expressive et son charisme posé sont uniques et font d’Oasis ce que c’est, au service de la fantastique plume de son grand frère Noel. Et la voix unique de Liam n’a jamais semblé aussi maîtrisée, à la fois juste et puissante, au diapason de l’intensité des chansons.
Personne ne pourra jamais hurler « We’ve gonna live foreveeeeeer » ou « I’m a rock and roll staaaaar » (ou « mayyyybeeeee ») aussi bien que Liam Gallagher à son meilleur.
Évidemment, le show d’Oasis ne varie pas d’une ville à l’autre, alors à ce point-ci, si la tournée de retour d’Oasis vous intéresse et que vous avez consulté des compte-rendus d’autres concerts de la tournée, vous savez un peu ce qui vous attend.
Tournée de réunion oblige, ça pige beaucoup dans les albums classiques de 1994 et 1995, Definitely Maybe et (What’s the Story) Morning Glory?, et très peu dans le matériel des années 2000. Tant mieux, personne ne va s’en plaindre.
Les frères Gallagher comptent à leur côté le guitariste et membre fondateur Paul « Bonehead » Arthurs, ainsi qu’un troisième guitariste (peu nécessaire) et le bassiste Andy Bell (membre de Ride) qui faisait partie du groupe dans les années 2000, sans compter l’excellent batteur Joey Waronker qui s’y joint pour la présente tournée, lui qui a travaillé avec Beck, Rogers Waters et R.E.M., notamment, en tournée.
Tout sonne rodé au quart de tour, ce qui permet au spectacle de faire régner une ambiance de grande fête où le public chante presque aussi fort que Liam.
Hormis l’inévitable segment où ce dernier quitte la scène pour laisser le grand frère nous jouer trois chansons plus calmes (Talk Tonight, Half the World Away et Little by Little) seul avec les musiciens, on trouve rien à redire au sujet de cette leçon de gros show rock de stade fait sur mesure pour électriser la foule.
Ah, peut-être juste que… ça aurait été chouette de les voir… à Montréal!
- Artiste(s)
- LCD Soundsystem, Oasis
- Ville(s)
- Toronto
- Salle(s)
- History, Rogers Stadium
- Catégorie(s)
- Electro, Rock,
Vos commentaires