Owen Pallett

Entrevue | Owen Pallett reprend du service cinq ans après In Conflict

Owen Pallett conclura ce samedi 16 novembre une mini-tournée de quatre dates en Ontario et au Québec avec un spectacle au Centre Phi, à Montréal. On a rejoint au bout du fil le musicien derrière les arrangements de cordes des trois derniers albums d’Arcade Fire, qui n’a pas sorti de nouvelle musique en solo depuis plus de cinq ans.

Renaissance en terrain connu

Son dernier album In Conflict remontant à 2014, Owen Pallett remet sa carrière solo sur les rails ces jours-ci avec quelques spectacles en attendant de sortir son prochain opus, qui est prévu quelque part en 2020.

Sa tournée déjà entamée, il se dit très content du résultat de sa nouvelle approche sur scène, qu’il considère radicalement différente de ses tournées précédentes, une démarche qu’il qualifie de plus « ambiante, intense et forte ».  Il promet ainsi une atmosphère et des instruments différents.

Avant, mes spectacles étaient très énergiques et très centrés sur le spectacle. L’atmosphère est maintenant beaucoup plus mélancolique et le son est beaucoup plus immersif. J’ai changé mon looping process pour assurer une plus grande richesse musicale au lieu de simplement essayer d’étaler mon talent de musicien.

« Je joue des nouvelles chansons et j’ai des projections que j’ai liées à mon tableau de commande, et la réponse a été fantastique », confie-t-il, après avoir donné deux concerts à Toronto il y a quelques jours, juste avant de s’arrêter à Guelph, Ottawa et finalement Montréal cette semaine. Il termine avec une ville qu’il connaît bien, lui qui a vécu dans le Mile-End pendant quelques années jusqu’en 2016.

Pallett offrira des nouvelles compositions en spectacle, et a décidé de ne pas ajouter les chansons du premier album qui l’avait fait découvrir (en plus de remporter le tout premier prix Polaris en 2006), He Poos Clouds, afin que le spectacle soit efficace et cohérent. Le Centre Phi est un choix de prédilection pour ce genre de spectacle un peu plus expérimental: à la fois intime et moderne, la présence d’Owen Pallett dans ce centre d’art est tout à fait appropriée.

Photo par Eliott* Owen Pallett au Festival d’été de Québec 2015. Photo par Eliott Garn.

 

Être musicien et être homosexuel

L’artiste de 40 ans, né à Mississauga, est ouvertement homosexuel. A-t-il, durant sa carrière de plus de 10 ans, senti que son orientation sexuelle a affecté sa carrière?  Sa réponse est en demi-teinte:

D’un point de vue créatif, ma queerness a été un atout à mon processus de création. Je pense que, instinctivement, je suis plus intéressé à dire des choses nouvelles, parce que – bien que je croie que les homosexuels ne sont plus marginalisés, surtout au Canada – j’ai le point de vue d’une personne issue d’une minorité.

D’un autre côté, il précise qu’il « en est autrement quant à la consommation de la musique que je crée ». Il croit « qu’il est plus dur pour les gens de connecter ou de s’identifier à ma musique – tout comme il serait beaucoup plus difficile pour des gens qui parlent en anglais de connecter avec de la musique en français. »

Il avance qu’il y a récemment un certain encensement des artistes LGBTQ+ qui embrassent la vision traditionnelle de la queerness, puisqu’il est plus facile pour ces artistes d’être compris, rendant leur musique plus « digeste ». Il pense notamment à John Grant, qui « explore le côté plus mélancolique de l’expérience queer » et Anohni (alias Antony Hegarty).

Cette acclamation des artistes queer n’est toutefois pas généralisée. « Je sens qu’il est plus difficile pour les gens de connecter avec la musique des queers qui ne répondent pas à leur moule, à leurs attentes. Par exemple, Rae Spoon n’a pas énormément de visibilité et, pourtant, il est l’un des meilleurs musiciens au Canada. Je pense que c’est lié au fait que son approche est beaucoup plus troublante, ce qui rend sa musique moins digeste pour certains. »

Il n’a aucun mal avec les artistes comme Troye Sivan qui « capitalise » sur leur sexualité. « Capitaliser » : Owen Pallett trouve ce mot approprié, mais malheureusement connoté péjorativement. « Ce mot est fétide, et il ne devrait pas. Il est tout à fait acceptable et normal que Troye Sivan, qui est un jeune homme blanc et conventionnellement attirant, veuille capitaliser sur son apparence pour faire de la musique et avoir une plus grande visibilité. (…) On essaie de gagner notre vie! », finit-il par lâcher!

Bien qu’il trouve que Troye Sivan « représente une vision traditionnelle et populaire de l’homosexualité », il ne voit dans son explication aucun jugement, tout simplement une critique. « Je souligne ceci pour illustrer que certains artistes ne prennent pas cette voie ou n’y ont tout simplement pas accès… »

Être son propre critique

Le 31 octobre dernier, le magazine canadien Exclaim! a publié sa liste des 50 meilleurs albums canadiens de la décennie. Pallett figure aux deux extrémités de la liste, alors que son album solo In Conflict et l’album d’Arcade Fire The Suburbs occupent respectivement les 50e et 1ère position.

Pallett réagit tièdement à ces nominations. « Je n’ai plus vraiment de réactions par rapport aux listes. Quand j’étais plus jeune pour moi c’était très important. Même qu’une fois, mon album n’a pas figuré sur une liste, ce qui m’a déprimé… »

Il va même plus loin en soulignant « qu’ils ont oublié que [l’album d’Owen Pallett] Heartland est sorti la même année! » Il se justifie: « Je pense que Heartland est supérieur à In Conflict, et supérieur à d’autres albums sur cette liste, d’ailleurs. Cela peut sembler intense de ma part de dire ça, mais je suis la personne la plus critique par rapport à ma propre musique. »

Au cours des dernières années, Owen Pallett a collaboré avec de nombreux artistes, dont Arcade Fire, bien sur, mais aussi Charlotte Gainsbourg, Taylor Swift, Mika, Frank Ocean, ainsi que sur le récent album de Haim, Something to Tell You (pour la chanson Found It In Silence), une oeuvre qu’il juge « injustement ignorée ».

Des nouvelles collaborations sont en vue avec notamment « des artistes francophones basés au Québec ». Il n’a pas voulu nous en dire plus pour l’instant…

Il reste encore des billets pour le spectacle d’Owen Pallett au Centre Phi. La première partie sera assurée par Carmen Elle.

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