Entrevue | Michel Cusson, Solo

Michel Cusson, ce grand guitariste et compositeur dont la réputation n’est plus à faire, revient fouler les planches de la scène québécoise pour nous présenter son plus récent projet, Solo.

Après avoir fait sa marque dans le monde du jazz avec le feu groupe Uzeb, Cusson s’est consacré à la composition de trames sonores. Depuis plus de 20 ans, il a conquis les cinéphiles et fait passer les téléspectateurs par toutes les gammes d’émotions. On peut penser notamment à Aurore (Luc Dionne), Maurice Richard et Séraphin – Un Homme et son Péché (Charles Binamé), Omertà, Unité 9 et même les spectacles équestres Cavalia et Odysséo.

Depuis quelque temps, il avait en tête de présenter quelque chose de nouveau, mais sans savoir quoi exactement. « J’avais commencé à écrire des morceaux, mais je n’étais même pas encore sûr à ce moment-là si je voulais faire ça tout seul ou avec un band. »

Michel Cusson et Kim Gaboury, le réalisateur de l’album, cherche une façon d’intégrer au projet un aspect visuel. « Depuis les années que je travaille avec l’image, on se disait que ce serait le fun de rajouter une histoire, quelque chose tsé.»

Le projet est finalement né d’un heureux concours de circonstances. Il y a de cela quelques années, alors que Michel Cusson marche sur une plage de la Côte Est américaine, il aperçoit au loin une femme qui lance ses albums de photos de famille à la mer avant de repartir sans même se retourner. « Elle les a lancés à l’eau, un peu comme on lance une bouteille à la mer… peut-être dans l’espoir que quelqu’un les trouve, je ne sais pas. »

Choqué par la situation, il décide de ramasser les photos et de les mettre de côté pendant plus de deux ans. Il y en avait plus de 200 au total. « Je suis quelqu’un d’assez pudique alors j’étais comme incapable de les regarder, mais en même temps j’étais incapable de les laisser là. »

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Ce n’est qu’un mois après les balbutiements de son projet solo qu’il se remémore cette fameuse boîte où il avait rangé les images. En fin d’après-midi, il ouvre la boîte et y découvre une panoplie de photos encore sablonneuses qui se sont transformées d’elles-mêmes pour devenir plus ou moins abstraites. « Je les avais rangées dans une boîte un peu pêle-mêle. On dirait que le fait d’être une par-dessus l’autre a contribué au traitement des photos. C’était devenu des tableaux.»

Cusson envoie ensuite une photo à Kim Gaboury, qui en plus d’être musicien a aussi un passé en tant qu’artiste graphique. « À partir de ce moment-là, on savait qu’on tenait quelque chose et on a focalisé là-dessus. »

Depuis son studio, il a donc travaillé à la composition d’un album solo inspiré par ces souvenirs laissés au gré des vagues. Il a démêlé les photos, les a classées selon l’émotion qu’elles lui évoquaient puis a tissé des liens avec sa propre vie. Chaque morceau qu’il a écrit réfère ainsi à une image. « Je n’essaie pas de raconter la vie de cette femme-là. C’est vraiment juste une belle source d’inspiration pour moi.  Par exemple, certaines photos m’ont ramené à ma propre adolescence, le moment déclencheur de ma vie où la musique est vraiment devenue ma vocation.»

ll y a quelque chose peut-être d’un peu mélancolique et nostalgique qui ressort du projet, mais aussi un caractère très mystérieux puisque les photos supposent tant d’interrogations. « Je me suis beaucoup questionné sur l’histoire de ces photos à travers le processus de création, donc ça se sent évidemment. Au final, j’y suis allé instinctivement, avec ce qui s’animait en moi en regardant tout ça. » 

Un projet inédit

Michel Cusson avait envie de se lancer dans un projet inédit. Il n’avait pas envie de ressasser le passé et jouer les vieux succès d’Uzeb. Cette fois-ci, celui qui sait toujours trouver l’émotion juste et créer l’ambiance exacte fait l’inverse de ce qu’il a l’habitude de faire. Au lieu de mettre de la musique sur des images, il met cette fois-ci des images sur sa musique. « En fin de compte, je suis mon propre chef d’orchestre. Les images font partie de l’orchestration, comme un ajout. C’est moi qui détermine la structure de la chanson, et qui choisit sa forme. Je peux lui donner un ton plus poétique ou plus dramatique, peu importe. »

Il faut savoir que la musique de film diffère de la musique pop en ce sens où elle ouvre la porte à une myriade d’émotions. L’arsenal de Michel Cusson s’est d’ailleurs perfectionné et lui permet de s’amuser amplement alors que mille et une possibilités s’offrent à lui. C’est donc un musicien comblé que nous avons rencontré dans son studio.

Voilà maintenant plus de 20 ans que Michel Cusson fait de la musique à l’image et sa façon de composer la musique a certainement évolué depuis l’époque d’Uzeb.  «Je suis un peu hybride. J’ai combiné mon expérience de guitariste improvisateur avec mon expérience de compositeur. Et je m’amuse beaucoup parce que je peux faire les deux en même temps. »

Michel Cusson qui n’aime pas refaire la même chose deux fois nous présente donc un spectacle qui laisse une grande place à l’improvisation. Il souligne que ses chansons sont différentes d’une fois à l’autre et qu’inévitablement, chaque show sera différent.

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