Le Matos

Entrevue Le Matos | D’humaines machines

C’est dans le cadre du concours The ABCs of Death que la formation Le Matos a réalisé la bande originale du film Turbo Kid, un long métrage de science-fiction post-apocalyptique qui avait été présenté lors du Sundance Film Festival 2015. Cette collaboration a donné naissance non seulement à la musique d’une réalisation cinématographique, mais également à leur nouvel album The Chronicles of the Wasteland. À quelques jours de ce double lancement qui aura lieu au Centre PHI ce mercredi, nous nous sommes cachés dans l’une des salles de réunion de la SAT avec Jean-Philippe Bernier, membre du groupe, afin de discuter de tout le chemin parcouru.

Le coeur dans les années 1980 et les pieds dans le futur, les membres du groupe Le Matos ont trouvé leur place en 2015 dans un océan de musique électronique grâce leurs mélodies à la fois métalliques, mélancoliques et dreamy.

Enfants de la génération « Guerre des tuques », ils font partie de ceux qui ont été marqués par le romantique synthétiseur de la vague electro-revival : Justice, Daft Punk, Kitsuné.

Leur premier album Coming Soon, sorti en 2007, était le résultat d’une expérimentation et d’une quête en tant que band, selon Bernier.

L’album qui a suivi, Join Us (2013) a indéniablement donné le ton à leurs accomplissements actuels. Ils ont la capacité de faire passer leurs propres émotions à travers leurs machines, les rendant ainsi quasi humaines. Leurs synthétiseurs pleurent, paniquent, murmurent; ils nous racontent des histoires. Il va de soi, qu’un band créant de la musique avec une charge émotive aussi puissante, allait se frayer un chemin dans l’univers du cinéma.

Les geeks-émotifs qui se cachent derrière tout ce matos électronique ont donc pris d’assaut le milieu du cinéma avec la réalisation canado-néo-zélandaise Turbo Kid. Ils se positionnent désormais et selon nous, comme les figures de proue de la scène électro/synthwave montréalaise.

Sorstu.ca: Comment avez-vous été abordés pour cette collaboration?

JP Bernier: Je côtoyais déjà le collectif des trois réalisateurs de Turbo Kid. Je collaborais avec eux depuis 2005 puisque je fais de la direction photo, donc je shoote leurs films. Au fur et à mesure qu’on faisait des court-métrages, on s’est rendu compte que c’est assez difficile d’avoir de la musique pour un film.

On n’a pas gagné le concours d’ABCs of Death mais on a senti qu’il fallait pousser le concept plus loin. Les réalisateurs nous l’ont donc jamais vraiment demandé, ça toujours été clair qu’il fallait qu’on fasse la musique du long métrage parce qu’on est présents depuis le début du projet. Notre univers est très compatible avec l’univers de Turbo Kid, c’était un fit parfait.

Sorstu.ca : Comment avez-vous procédé pour créer la B.O?

On a composé deux morceaux en pré-production après avoir vu le scénario, juste pour le fun. Nous avions envie de le faire entendre aux comédiens et à l’équipe du plateau de tournage et puis ça a décollé. Le film est une love letter aux années 1980, ça correspond beaucoup à notre identité, on s’est donc lancé là-dedans avec la plus grande authenticité.

Puisque je suis impliqué dans plein d’autres aspects du film (au niveau de l’image), je savais exactement où on s’en allait émotivement. J’ai une proximité avec les comédiens alors c’est super facile pour moi de les transmettre à Jean-Nic.

On s’est donc installés, le film jouait sur une télé pis nous on jammait scène par scène. La continuité a fini par trouver un sens par elle-même. C’était super important pour nous que 100% de la bande son de Turbo kid soit accessible au public, l’album est donc composé de 40 chansons. On a tout gardé!

L’autre album de 10 chansons est étroitement lié à la B.O. Les morceaux qui nous interpellaient le plus sur celle-ci ont été amenés plus loin. C’est-à-dire que les 30 secondes qui nous faisaient tripper sont devenus des 5 minutes sur Chronicles of The Wasteland.

Comment avez-vous débuté?

C’était en 2007, une époque à laquelle on sortait beaucoup et qu’on côtoyait des DJ locaux comme Cherry COLA.

On était trois à la base , il y avait aussi Maxime Dumesnil (que j’ai rencontré au Cégep dans un programme de cinéma) et Jean-Nicolas Leupi (qui est à la base un ingénieur de son). Jean-Nic et moi, on travaillait ensemble dans un cinema au centre-ville pis on est devenus colocs parce qu’on trippait sur la même musique et les mêmes films.

Un jour, Max s’est fait volé chez lui et il a littéralement freaked out en pensant que les voleurs allaient revenir voler ses synthés super rares (rire). Il nous a appelés pour nous demander de garder ses équipements quelques temps, histoire de pas prendre de risque, d’un coup que le voleur reviendrait. Nous qui étions de vrais maniaques de machines électro et de synthés, on a évidemment accepté. Il les a amenés, on les a branchés pis le soir on avait une track. Le band est né!

Sorstu.ca: Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?

Nous sommes de grands fans de bandes originales de film et de cinéma en général. Sur l’album Join Us, chaque titre est inspiré d’un film, comme par exemple pour la chanson Overdog, faites des petites recherches vous allez faire les liens (rire).  En gros, Les Cités d’or, les films de John Carpenter, Halloween, The Thing et Risky Business sont des films qui ont eu une grande influence sur nous.

Oh, et bien sûr, L’histoire sans fin ! Un incontournable de notre enfance qui, si vous portez bien attention, a une sonorité très proche de la musique de Turbo Kid.  Musicalement parlant, Vangelis dans l’ensemble de son oeuvre et Tangerine Dream ont été très importants dans notre univers.


 

Enfin, nous avons quitté Bernier sur une note plus légère en lui demandant quels étaient les endroits chouchous du band à Montréal et ils nous a regardé avec un petit sourire en coin en ricanant:

On revient toujours à la SAT! Mais pour être honnête, vous avez plus de chances de nous croiser dans un salle de cinema que dans un bar ou un resto!

Le groupe est actuellement en train de travailler sur la musique et la cinématographie de la websérie Exode, dans laquelle ils explorent un côté plus ambiant. Surfant toujours sur un fond de notes nostalgiques et mélancoliques, ils ne comptent pas s’arrêter au monde du sci-fi et à l’horreur, ils ont l’intention de repousser les limites de leur art et de ne jamais cesser de se réinventer en passant par le indie jusqu’en allant aux arrangements classiques. Ils portent bien leur nom, ces gars sont des machines humaines.

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