Entrevue avec Jon Lajoie
L’humoriste, chanteur et comédien Jon Lajoie sera de retour dans son patelin de Montréal ce soir pour deux spectacles au Club Soda. Entre 3 scènes à tourner pour l’émission The League et une séance de préparation pour la tournée canadienne à venir, le sympathique Anglo-Montréalais exilé à Los Angeles a trouvé du temps dans son « horaire crazy » pour jaser avec nous.
« J’ai jamais été le gars qui était le clown de la classe, confie-t-il au bout du fil. Je n’ai même pas l’expérience de faire rire le monde dans mes cercles d’amis parce que ce n’est pas ma personnalité. Je suis plutôt un peu gêné, un peu dans ma bulle ».
Assez étonnant comme constat pour un gars qui a suscité le rire de millions d’internautes à travers le monde par le biais de ses nombreuses vidéos YouTube à succès, dont les capsules Rapist Glasses (près de 10 millions de visionnements) et Pedophile Beards (12 millions), et les vidéoclips Everyday Normal Guy (25 millions), Show Me Your Genitals (47 millions) et la controversée Michael Jackson Is Dead.
La phobie du « gros feu de paille »
Jon Lajoie n’est certainement pas le seul à avoir connu un certain succès par le biais de vidéos humoristiques sur le web, mais peu d’entre eux peuvent se vanter d’étirer le succès pendant plus de 3 ans et de voir les chiffres grimper sketch après sketch. La crainte de n’être qu’un feu de paille est-elle résorbée? « Je ressens un peu moins de pression, c’est certain. Mais j’ai toujours un peu la crainte d’être à la fin d’un GROS feu de paille, tu vois, comme une plus grande montagne de paille », illustre-t-il avec humour.
« Quand t’as un succès comme Genitals, le piège, c’est de te dire que c’est ça que le monde veut, c’est d’essayer de répéter une joke. J’ai fait 3 ou 4 sketchs avec le gars de Show Me Your Genitals, mais j’essayais toujours de trouver un nouveau ton. Souvent, le monde veut juste plus de MC Vagina, mais après le dernier vidéoclip, je me suis dit: ‘ok, cette joke-là est finie pour moi' ».
De YouTube à la scène, en passant par la télé
La popularité acquise par le web a ouvert bien des portes pour Jon Lajoie, qui en a profité pour faire de la scène. Il n’a toutefois pas la prétention d’être un humoriste de standup, lui qui en a vu (et côtoyé) d’excellents à L.A. « I don’t refer to myself comme un standup, parce que c’est un art en soi qui prend 10 ans de shows dans des petits bars, lance-t-il dans son plus beau franglais. Ce n’est pas tant un rêve non plus. J’aime faire un peu de standup, mais ce que je propose est plus un one-man show. Je me protège un peu en faisant ça ».
Il est vrai que Jon Lajoie jouit de plusieurs bénéfices en s’y prenant de la sorte. « C’est plus facile d’arriver devant 500 personnes qui me connaissent, connaissent mon genre d’humour, savent un peu quelles sont mes sensibilités. Ils sont là pour rire, pas pour me challenger comme certains le font avec les humoristes de standups dans les petits bars ».
Le spectacle de Jon Lajoie est donc constitué d’emprunts directs à ses vidéos YouTube et quelques trucs inédits qui sont réservés à la scène. Son travail à ce niveau a été grandement nourri par son expérience à The League, une sitcom américaine diffusée au FX Network où il incarne le « stoner » Taco MacArthur. « C’est un peu comme un gym. Il faut être vite sur le plateau parce qu’il y a un script mais pas de réplique écrite comme telle ».
« Et je travaille avec une génération d’humoristes et d’acteurs vraiment accomplis: Paul Scheer était dans Human Giants sur MTV (mon groupe de sketchs favori), Mark et Katie Duplass sont des réalisateurs de films indépendants très talentueux, Steve (Stephen Rannazzisi) et Nick (Kroll) sont deux autres humoristes vraiment bons et très drôles. Il y a une saine pression et ça me fait réaliser que je suis très jeune dans ma carrière d’humoriste, j’ai beaucoup à apprendre », avoue celui qui a tout de même fait ses études en théâtre au Collège Dawson, avant de décrocher un rôle récurrent dans le téléroman québécois L’Auberge du chien noir, il y a quelques années.
Le Québec, terre accueillante pour l’humour noir
Même s’il a un peu refait sa vie et sa carrière à Los Angeles, Jon Lajoie se sent encore chez lui lorsqu’il revient au Québec. Non seulement parce qu’il est originaire de la Belle Province, mais aussi parce qu’il croit fermement que le Québec est un endroit tolérant et ouvert, un lieu parfait pour partager son genre d’humour un peu corsé et parfois controversé. « Quand j’étais à Montréal et que je venais de commencer, c’était à Montréal, à Québec et autours qu’il y a eu une réaction en premier. Ç’a connecté beaucoup plus vite que le reste du Canada et les États-Unis ».
Pour lui, le style un peu américain de son humour trouve résonnance au Québec. « Je pense que même si c’est un peu américain comme humour, j’essaie d’incorporer tout ce que j’ai grandi avec: des choses comme Rock et Belles Oreilles ou Jean-Thomas Jobin que j’aime beaucoup aussi. Tu vois, Jean-Thomas Jobin, c’est pas un humour très québécois traditionnellement, c’est un mélange étrange de British, de français et d’américain, mais il y a quelque chose de très québécois dans sa personnalité ».
« C’est très rare que je puisse offenser, dans la culture québécoise. Même quand je travaillais sur l’Auberge (du chien noir), les idées que j’avais, j’en parlais avec Stéphane Côté et Renaud Paradis, des gars vraiment right et cultivés. Je faisais des jokes de viols et de pédophilie et du toilet humour, et c’était mes number one fans« .
Ayant grandi dans une famille passablement religieuse et conservatrice, l’attrait pour le contenu controversé de l’humour noir a toujours fait vibrer le jeune Jonathan Lajoie. « Il y avait beaucoup de repression à la maison. On allait à l’église 3 fois par semaine, et je n’avais pas le droit de regarder He-Man parce qu’il y avait des squelettes et pas le droit de regarder les Simpsons parce que Bart est pas très gentil, tu vois le genre. Alors je me suis tourné en cachette vers des trucs comme Weird Al et Adam Sandlers et Rock et Belles Oreilles, ou même Kids in the Hall et des trucs hyper dark ».
* Jon Lajoie sera en spectacle à 19h et 22h ce soir (lundi 7 novembre 2011) au Club Soda, à Montréal. Des billets sont encore disponibles pour les 2 shows. Nick Brazao assurera la première partie.
- Artiste(s)
- Jon Lajoie
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Club Soda
- Catégorie(s)
- Humour,
Vos commentaires