Jill Barber

Entrevue avec Jill Barber (Intégral)

Jill Barber sera de passage à L’Astral, à Montréal, en compagnie de Michael Kaeshammer, pour 2 représentations (18h et 21h) le samedi 20 novembre 2010.

Sorstu.ca a profité de l’occasion pour s’entretenir par téléphone avec la chanteuse, qui se trouvait à Vancouver.

* L’entrevue a eu lieu en anglais. Traduction libre par Jean-François Tremblay
(En Italique : mots prononcés en français lors de l’entretien téléphonique) *

Version abrégée de l’entrevue par ici

Pour quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de Jill Barber, comment vous décririez-vous?

Je compose de la musique originale, qui, j’aime le croire, possède une sorte de qualité intemporelle.

Ce que j’essaie de faire, c’est d’écrire des chansons, à notre époque, qui évoquent le sentiment des vieux standards, parce que je suis une vraie romantique et j’adore les vieux classiques, ceux qui ont passé le test du temps. Et donc, quand je m’assoie pour composer, j’essaie d’écrire une chanson qui évoque ces classiques et qui, je l’espère, sera en mesure d’enrichir ce répertoire.


Est-ce quelque chose que vous avez toujours voulu faire? Quand vous avez commencé à écrire
des chansons, était-ce quelque chose que vous aviez à l’esprit, écrire des chansons de style rétro?

Quand j’ai débuté – j’ai commencé à composer de la musique à l’adolescence –, j’écrivais simplement tout ce qui me venait en tête.

Je n’essayais pas d’écrire des chansons qui sonnent « vieilles », et encore aujourd’hui je ne le fais pas de manière délibérée. J’essaie juste d’écrire des chansons qui ont un son « classique », et… non, ce fut une évolution dans mon cas.

Une chose que j’ai remarquée très tôt c’est que, pour une raison que j’ignore, quand les gens m’entendaient chanter, ça évoquait pour eux de la vieille musique. Je ne sais pas pourquoi, ça a peut-être à voir avec le timbre de ma voix, mais les gens me disaient toujours « Tu sonnes comme si tu venais d’une autre époque ». Je crois que c’est ce qui a piqué mon intérêt pour la vieille musique.

J’essayais de comprendre ce dont les gens parlaient et alors — je crois que c’était au début de la vingtaine — j’ai commencé à découvrir beaucoup de vieille  musique. Je me suis trouvé un tourne-disque, et j’ai commencé à écouter beaucoup de vinyles. Je me rendais au magasin de disques, je fouillais dans les bacs et j’écoutais de vieux disques. C’est ainsi que j’ai développé un amour de la vieille musique.

Sur mon plus récent disque, Chances, j’ai en quelque sorte recréé ce son et ce style que, je crois, j’essayais d’atteindre sur mes premiers disques, mais que je n’ai vraiment réussi à reproduire avec succès que sur celui-ci.

Mais ce fut définitivement une évolution.

Pouvez-vous nous parler un peu du nouvel album, qui sort au printemps je crois?

Oui. Je crois que je n’ai pas beaucoup de recul par rapport à ce disque, en ce moment, parce que j’ai les deux pieds dedans. Je dirais que c’est une progression, une évolution, et qu’il reprend là où Chances s’est terminé, et nous amène un peu plus loin.

C’est très… je dirais très cinématographique. Un son énorme – nous avons des tonnes de cordes et de cuivres sur le disque. Je sens que le matériel est un peu plus sombre. Je vois Chances comme un album chanté par une fille, alors que celui-ci est un peu plus « femme » [rires].

Et je dirais que, si Chances était une sorte d’ode au répertoire américain, avec ce nouveau disque, c’est plus un hommage au son européen que nous rendons. Il y a beaucoup d’accordéon et de clarinette. Et je pense que Chances était un album de jour, alors que celui-ci – qui s’intitulera Mischievous Moon [Lune Malfaisante] – est plus un album de soirée, de nuit.

Il existe un « mythe » qui veut qu’un artiste crée de meilleures choses lorsqu’il est aux prises avec à la douleur, la tristesse, ou lorsqu’il a le cœur brisé. Comment votre écriture a-t-elle évolué, maintenant que vous êtes une femme mariée et (apparemment) heureuse?

C’est vraiment une excellente question.

Pendant des années, j’ai écris des chansons tristes. Ensuite, je suis devenue vraiment heureuse, j’ai franchi une étape dans ma vie et j’ai essayé ma première chanson joyeuse, et j’ai tellement aimé le résultat que maintenant mes chansons sont presque toutes des chansons « heureuses », en quelque sorte.

Et vous avez raison, je suis heureuse. J’ai eu une année merveilleuse. Je me suis mariée, et j’ai eu 30 ans. Mais, du même coup, le bonheur est une drôle de chose. Quand vous avez le bonheur et plusieurs bonnes choses qui vous arrivent, vous avez soudainement plus de choses à perdre, dans un sens, et ça crée de la tension, de la peur chez moi.

Je suppose que d’avoir 30 ans, je ne sais pas, mais pour moi, ça m’a fait  sentir… hum, je ne sais pas comment dire sans avoir l’air morose, mais… Je me sens plus vieille, et je vois le monde – et cette vie – pour ce qu’ils sont, et ce, plus  clairement chaque jour, et ça rend les choses plus précieuses, ce qui est une bonne chose, mais, en même temps, j’ai un plus grand sens de ce que j’ai à perdre et que le risque est plus grand.

Je sens que les enjeux sont plus élevés dans ma vie maintenant, d’une certaine manière, malgré le fait que je suis parfaitement heureuse, et ce, tant dans ma vie professionnelle que personnelle. Mais les enjeux et les risques semblent toujours plus grands, d’une façon qui est effrayante [rires].

Donc, je traite un peu de cette « vie heureuse » sur le nouvel album, et je crois que, si Chances était mon album « je tombe en amour », celui-ci est plus : « Bon, maintenant que je suis ici, en amour, comment je fais pour… qu’est-ce que je fais pour… comment je préserve cela? »

Avez-vous l’intention de travailler avec votre mari? Puisqu’il fut le chanteur d’un groupe, avez-vous discuté de la possibilité de collaborer musicalement?

Non [rires].

Il fut en effet le chanteur d’un groupe, The Smugglers, pendant 15 ans, mais il profite maintenant d’une retraite heureuse du monde de la musique.

Il travaille toujours dans le milieu – il est animateur pour la CBC, et il est écrivain –, mais je ne nous vois pas collaborer sur le plan créatif dans un avenir rapproché [rires].

Vous savez, nous partageons nos vies de tant de manières que je dois me garder certaines choses. Et je crois que ma créativité fait partie des choses auxquelles je veux m’accrocher, pour moi seule.

À propos de votre tournée avec Michael Kaeshammer qui débute bientôt : quelles différences y aura-t-il avec votre concert régulier? Vous partagerez la scène avec Michael?

Oui, lui et moi allons collaborer sur scène. Nous jouerons quelques morceaux ensemble, et nous allons réunir nos deux groupes, mais… hum… oui, nous verrons ce que ça donnera comme résultat! [rires]

Nous avons collaboré tous les deux par le passé, et nous adorons jouer ensemble. Et je crois que nos styles sont complémentaires, qu’ils se marient très bien, et nous sommes excités – nous discutons depuis des années de l’idée de faire une tournée ensemble, alors nous sommes emballés par la concrétisation de ce projet, qui nous fera voyager à travers le Canada.

Considériez-vous un jour composer (et enregistrer) avec lui?

Oui, absolument!

Je participe d’ailleurs à son nouveau disque, sur lequel il travaille actuellement en studio, alors nous avons déjà enregistré ensemble, mais ce serait effectivement amusant à faire, oui.

Nous allons voir ce qui va arriver avec cette tournée, parce que… oui, j’ai l’intuition que quelque chose pourrait en ressortir. Nous verrons bien!

Mais, oui, je chante sur son nouvel album.

Vous venez de lancer un livre pour enfants en bas âge, Baby’s Lullaby?
Pouvez-vous nous dire comment ce projet s’est concrétisé?

Ce fut vraiment inespéré.

Je n’ai pas écrit le livre, en fait j’ai écrit une chanson, une comptine, qu’on m’a demandé d’écrire pour qu’elle soit incluse à un cd, pour une organisation à but non lucratif en Nouvelle-Écosse qui fait la promotion de la littérature chez les jeunes. Ça s’appelle « Read To Me! »

Et donc, j’ai seulement écrit cette petite comptine toute simple, et un éditeur en Nouvelle-Écosse l’a entendue et a pensé que les paroles seraient parfaites pour un livre destiné aux bébés. Ils m’ont alors contacté et m’ont demandé : « Qu’en pensez-vous? Seriez-vous intéressée par ce projet? »

J’ai donné mon accord en disant « Oui, je crois que ça serait merveilleux, fantastique! »

Ils avaient cette illustratrice avec laquelle ils travaillent, et ils ont assemblé le livre. Je veux dire, j’ai fait bien peu en réalité, j’ai seulement écrit la chanson initiale, et ils n’ont pas changé un seul mot ou quoi que ce soit… et le produit final est très beau… et donc, avant même que je ne le réalise, j’étais une auteure
publiée [rires]!

Et je fais cette petite tournée, en même temps que la tournée musicale – une tournée littéraire. Je serai à Pointe – Claire, dans une librairie nommée Babar. J’y signerai des copies du livre et chanterai une ou deux chansons. Ce sera le 21 novembre, à 10h du matin, le lendemain de mon spectacle.

D’où vous est venue l’inspiration pour la comptine, puisque vous n’êtes pas encore mère?

De ma propre expérience, ma mère avait l’habitude de chanter pour moi.

Et vous savez, j’ai écrit des comptines auparavant, j’adore les comptines. Je crois que ce sont de charmantes petites chansons toutes simples. C’est leur simplicité qui les rend si grandioses. Et j’ai assez d’ami(e)s qui ont continuellement des enfants [rires], ce qui m’amène à côtoyer un bon nombre de petits bébés.

Mais j’ai suivi quelques conseils de l’organisation qui promeut la littérature en bas âge, ils m’ont dit : «vous savez, beaucoup de répétitions, c’est l’idéal. Une imagerie douce, simple », et je me suis fié là-dessus.

La chanson est venue tout simplement, facilement, comme le font les meilleures chansons.

Est-ce qu’un album complet de comptines est quelque chose que vous pourriez faire un jour?

C’est possible… Oh, et je dois mentionner, si vous l’ignoriez, que le livre vient avec la comptine. Il y a un code de téléchargement au dos du livre.

Et mon nouvel album contient aussi une comptine.

Pourriez-vous nous parler un peu de votre relation avec vos admirateurs québécois? Il semble qu’une certaine relation spéciale est née au fil des ans, qui vous a amenée à enregistrer une chanson en français (« Tous Mes Rêves ») et à tourner le vidéo ici à Montréal, entre autres…

Oui, je crois que j’ai une relation florissante avec La Belle Province… [rires].

Je sais que vous planifiez une tournée ici, à l’hiver ou au printemps,
dans plusieurs petites villes du Québec.

Oui, et je ne pourrais vous dire à quel point cette tournée m’emballe! Je suis tellement excitée d’avoir l’opportunité, en tant que canadienne-anglaise, de jouer autant que je le ferai l’an prochain dans tout le Québec.

Je crois que les Québécois me comprennent d’une manière que je ne ressens même pas à Toronto, d’où je suis originaire! Je ne sais pas si c’est le fait que vous soyez un peuple romantique. Je ne sais pas ce que c’est, mais en effet, je me sens chez moi sur les scènes du Québec, je ressens une chaleur, et je crois qu’il y a une sorte d’entente mutuelle.

Et maintenant, mon seul regret c’est que mon français n’est pas ce que j’aimerais qu’il soit, et je vais faire quelque chose à propos de cela.

Il y a un festival de musique appelé Midem, en France, qui se déroule en janvier. J’irai en France pour y assister. Et il y a une école à laquelle je me suis inscrite, un programme d’immersion française que je vais suivre pendant que je serai là-bas. Ce sont quatre semaines d’immersion intensive. C’est huit heures par jour, cinq jours par semaine, comme l’école régulière [rires]. C’est un programme entier d’immersion française, et c’est fait pour aider les adultes à devenir à l’aise, ou du moins savoir converser en français.

Alors, j’espère que – je fais ceci en prévision de ma grande tournée du Québec. J’espère que les divisions France-Québec ne sont pas trop grandes en ce qui concerne la langue…

Je désire vraiment pouvoir parler en français, et c’est très frustrant pour moi de ne pas posséder cette habileté. Mais, j’ai espoir que, si vous me parlez à nouveau dans quelques mois, nous pourrons discuter un peu plus en français…


Je sais que vous êtes très présente sur Twitter. Comment cela a-t-il changé votre relation avec vos fans?

Eh bien, Twitter a été une nouvelle expérience pour moi, parce qu’avant ça, j’ai toujours interagi avec les fans après les concerts – c’est l’une de mes choses préférées, j’ai toujours rencontré les gens lors des spectacles, et interagis avec eux le plus possible, mais je n’ai jamais été très douée avec Internet. Je ne
m’ouvrais pas beaucoup, alors, petit à petit, à travers ce médium qu’est Twitter, j’apprends à m’ouvrir un peu plus aux autres.

Et je crois que ce qui est fabuleux avec Twitter c’est que ça donne aux gens une fenêtre sur le processus, vous savez. Quand quelqu’un achète un album, et qu’il vous a suivi sur Twitter, il vous a suivi tout au long du voyage qui vous a mené là.

Je suis toujours un peu gênée, mais j’essaie de m’ouvrir plus, parce que je crois que c’est une belle chose. Je crois que ça fait tomber les murs entre les interprètes et leur public. Et chaque fois que l’on fait tomber des murs, je crois que c’est une bonne chose, que c’est une relation positive, et je veux tout simplement avoir une meilleure communication avec les gens qui me supportent. Alors, j’essaie de m’ouvrir un peu plus sur Twitter.

Et je crois que Twitter fonctionne bien pour moi, car ça me force à être concise, et comme vous pouvez le constater avec cette entrevue, je ne suis pas toujours aussi concise [rires] que je devrais l’être.

Mais j’aime la brièveté de Twitter. Oui, le format fonctionne pour moi.


Que réserve l’avenir à Jill Barber? Y a-t-il des choses, musicalement, que vous aimeriez accomplir et que vous n’avez pas encore faites?

Et bien… c’est un peu comme je disais plus tôt à propos de l’amour et de mon mariage. Tout va merveilleusement bien avec ma carrière en ce moment. J’ai la chance d’être une musicienne dans la vie, vous savez, je fais partie des chanceux. J’ai l’opportunité de voyager et de jouer avec mon groupe, sur scène, en tant que travail, alors…

Avant tout, je veux pouvoir continuer à faire cela. Dans cette industrie, on ne peut rien prendre pour acquis, parce que, et bien, c’est une industrie en mouvance. Alors je travaille très dur pour simplement garder ce que j’ai déjà cultivé, ce que j’ai développé au cours de ma carrière musicale.

Mais au-delà de ça, je veux continuer à développer ce que j’ai. Je sens un réel bonheur et une grande satisfaction dans ma vie, c’est le sentiment que je grandis, vous savez. Et aussi je veux continuer de grandir en tant qu’artiste, et en tant qu’interprète. Et j’aimerais aussi voir mon public s’agrandir et s’étendre sur de nouveaux territoires.

Et je veux juste continuer à jouer de la musique. C’est mon rêve, ma passion, et c’est ma vie, alors…


Une dernière question (et celle-ci vient de ma copine, qui est aussi une fan) : où prenez-vous toutes vos belles robes?

Aaaaaaaaaah! [rires]. Oh, c’est très gentil!

Et bien, à différents endroits.

Il y a une designer canadienne, l’endroit s’appelle Fashion Crimes, à Toronto, et je prends plusieurs de mes robes à cet endroit.

Je voyage beaucoup, alors j’ai mes magasins de robes préférés, dans différentes villes partout au pays. Je suis tellement chanceuse en tant que femme, car j’ai toujours une occasion pour porter une robe, parce que c’est ce que je fais dans la vie, je porte des robes pour gagner ma vie.

J’ai une collection assez remarquable, peut-être même un peu hors de contrôle, mais j’adore m’habiller, et pour moi, c’est une transformation, de la version régulière de moi-même à la version de scène.

Même si ça ne ressemble pas à une armure, c’est un peu comme une armure pour moi, c’est un peu comme Superman qui se change en… ça m’affecte réellement psychologiquement, quand je mets l’une de ces robes.

Un peu comme un personnage que vous joueriez…

C’est exact, et ça signifie pour moi que le spectacle doit commencer, et que je suis alors la « Jill de scène ».

Alors, oui, dites merci à votre copine [rires]!

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