Blonde Redhead

Entrevue avec Blonde Redhead | Replonger dans Misery Is A Butterfly (à Laval)

Le trio new-yorkais Blonde Redhead sera de retour au Québec ce week-end pour interpréter son album de 2004, l’excellent Misery Is A Butterfly, en intégral, accompagné d’un ensemble à cordes. Un seul spectacle est prévu au Canada : ce dimanche 9 octobre à la Salle André-Mathieu de Laval. Sors-tu.ca a discuté avec le guitariste, chanteur et membre fondateur Amedeo Pace au sujet de ce rare spectacle exploratoire, et du rapport qu’entretient Blonde Redhead à son passé.

« C’est toujours très spécial pour mon frère et moi de revenir dans le coin de Montréal », confie le très calme Amedeo, rejoint au bout du fil à New York. Nés à Milan, en Italie, lui et son jumeau, le batteur Simone, ont grandi à Saint-Léonard après y avoir emménagé avec leur père, avant de quitter pour Boston (où ils ont appris la musique), puis New York (où ils ont fondé Blonde Redhead avec la chanteuse et musicienne japonaise Kazu Makino). Bien qu’ils habitaient à quelques rues de la rivière des Prairies à l’adolescence, Amedeo avoue ne pas avoir souvenir de Laval. « Je crois que c’est la première fois que nous y mettrons les pieds ».

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Amedeo Pace, de Blonde Redhead, lors de leur passage au Club Soda en 2014. Photo par Shanti Loiselle.

Inutile de dire que c’est tout de même un bon coup pour la Salle André-Mathieu, qui accueillera ce grand nom de la musique alternative en exclusivité canadienne, au moment même où la salle ré-ouvre ses portes après quelques mois de rénovation / modernisation. Un grand coup en effet, parce qu’un concert de Blonde Redhead au Québec, ça survient tous les deux ans. Mais cette fois, ce sera un peu plus unique.

Pour l’occasion, Blonde Redhead replongera dans le passé, d’une certaine façon, en reprenant Misery Is A Butterfly. « J’admets que le timing est étrange », souligne Amedeo. Il est vrai qu’en général, les artistes ont tendance à attendre une « année d’anniversaire » pour organiser des spectacles où ils interprètent un album en intégral. Misery Is A Butterfly est paru il y a… douze ans. « C’était quelque chose que nous souhaitions faire depuis un certain temps, et il n’y avait aucune bonne raison d’attendre que ça fasse 15 ans ou vingt. »

 

La misère est un papillon

Misery Is A Butterfly est un album particulier dans la discographie de Blonde Redhead. De 1995 à 2000, Blonde Redhead avait tendance à faire grincer les guitares et à explorer des sonorités noise rock à la Sonic Youth, ce qui a donné lieu à cinq très bons albums, soit Blonde Redhead, La Mia Vita Violenta, Fake Can Be Just as Good, In an Expression of the Inexpressible et Melody of Certain Damaged Lemons.  Les deux premiers étaient d’ailleurs discontinués jusqu’à la semaine dernière, alors qu’un coffret les rassemblant (ainsi que des démos et archives de ces années) sortaient sous le titre de Masculin Féminin, sous l’étiquette Numero Group.

Mais voilà qu’en 2004, le groupe réinvente son approche musicale et fait un pas de géant sur le plan créatif avec un disque au contenu luxuriant, dramatique. Les cordes y sont prédominantes, le souffle est moins abrasif. Un genre de cruelle beauté émane de certaines chansons, dont le single Elephant Woman.

Misery Is A Butterfly marquait aussi un moment de grande confiance pour le trio, qui avait volontairement laissé tomber son étiquette de l’époque, Touch & Go Records. Le groupe estimait alors que Touch & Go n’avait pas les moyens de leurs ambitions et souhaitait déployer ses ailes (de papillon). Les trois musiciens ont donc entrepris d’enregistrer et de produire Misery Is A Butterfly à leurs propres frais, confiants qu’un label plus prestigieux l’accueillerait ensuite. C’est bien ce qui s’est passé : la prestigieuse étiquette 4AD (Bon Iver, The National, St. Vincent, TV On The Radio) allait embarquer, et la notoriété de Blonde Redhead allait prendre du galon. « Pour nous, ce n’était pas nécessairement un point tournant, mais je crois que du point de vue du public, ça l’était. Les gens nous percevaient désormais davantage comme un vrai band, moins comme un phénomène obscure. Notre musique était plus accessible d’une certaine façon, les cordes rendaient le tout plus spécial, et l’album avait été plus mûri, plus accompli. »

Le défi de défendre Misery Is A Butterfly en spectacle était toutefois immense à l’époque. « Les spectacles ne ressemblaient pas tellement à l’album, admet Amedeo. Nous n’avions pas vraiment accès à des arrangements de cordes, et nos versions live ressemblaient plus aux démos qu’au disque. »

« Kazu en parlait souvent depuis un certain temps : elle souhaitait qu’on fasse justice à cet album en trouvant un ensemble à cordes avec qui l’interpréter en entier. Notre gérant a pris l’initiative de nous trouver les ressources pour le faire, et ça s’est fait il y a quelques mois en Italie. » Pour les dates nord-américaines (seulement 4 spectacles pour l’instant), Blonde Redhead fera appel à un ensemble de musiciens différents des spectacles en Italie toutefois : le American Contemporary Music Ensemble (ACME). L’ACME se spécialise dans la relecture d’oeuvres contemporaines américaines, et accompagne régulièrement des artistes de tous genres. Ils seront d’ailleurs de retour à Montréal dans moins d’un mois, soit le 20 octobre, en compagnie du compositeur islandais Jóhann Jóhannsson à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Pour Blonde Redhead, l’intérêt de se frotter à l’ACME est non seulement bénéfique pour l’interprétation de Misery Is A Butterfly, mais aussi pour la création de nouvelles chansons. « Nous en profitons pour expérimenter avec eux, tenter quelques trucs qui pourraient donner lieu à des nouvelles chansons. Nous jonglons avec quelques idées, et commençons à avoir une idée de ce qui s’en vient. Le fait de replonger dans le passé – avec Misery Is A Butterfly, mais aussi le coffret des premiers albums – c’est quelque chose de difficile et d’étrange pour nous. J’ai un peu l’impression de redécouvrir une autre personne. Mais on peut sentir que l’énergie de l’époque nous habite encore, et c’est toujours le point central de notre démarche. »

Blonde Redhead compte d’ailleurs faire suite à Barragán, son album de 2014, avec possiblement un EP à l’hiver ou au printemps 2017.

Photo par Shanti Loiselle.

Photo par Shanti Loiselle.


* Il reste encore des billets pour assister au spectacle de Blonde Redhead qui interprétera Misery Is A Butterfly en intégral avec l’ACME le dimanche 9 octobre à la Salle André-Mathieu de Laval. Par ici les détails et les billets.

Participez à notre concours pour gagner 2 billets pour le spectacle (tirage le 6 octobre à midi) par ici.

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