En attendant le déconfinement #2 | Bonifier son offre pour survivre avec Sergio Da Silva du Turbo Haüs
Cette nouvelle série hebdomadaire vise à donner la parole à des acteurs du milieu culturel qui ont été durement touchés par la pandémie et vise à mettre en mots les actions concrètes qu’ont dû poser les intervenants pour s’adapter à la crise. On se penche sur ce qui les occupe, ce qu’ils font (souvent dans l’ombre) en attendant le déconfinement culturel et comment ils permettent à la culture de survivre et de continuer à exister.
* Crédit photo en entête : Dave Jaffer
Lundi 16 mars 2020
L’entrevue a été traduite de l’anglais
« La première chose qu’on a fait après la fermeture des lieux publics, c’est de se dépêcher à donner tous les papiers d’emplois à nos employés pour qu’ils reçoivent de l’aide du gouvernement le plus rapidement possible » dit d’emblée Sergio Da Silva, copropriétaire du Turbo Haüs. On sent que les membres de l’équipe de direction derrière le bar et la salle de spectacle pouvant accueillir 150 personnes ont été très réactifs dès l’annonce de fermeture des bars. « Ensuite de ça, la priorité était de trouver comment continuer à faire de l’argent. On s’est demandé qu’est-ce qui fonctionnerait pour une salle de spectacle, pour une entreprise qui travaille dans la musique et la restauration. Immédiatement, on a pensé au merch. »
Mais avant d’établir une stratégie de mise en vente de marchandise, Sergio Da Silva avait d’autres dossiers prioritaires à régler: « Les premiers jours, c’était un choc de perdre des mois de travail en booking de spectacles. On avait plein de shows qui affichaient complet, on devait accueillir le Pouzza Fest et plein de spectacles durant les festivals d’étés. Honnêtement, cette année s’alignait pour être ma meilleure année professionnelle à date. Mais on peut pas chialer. C’est plus gros que nous. Fallait trouver rapidement comment faire de la limonade avec les citrons. »
Crédit photo: Susan Moss
Le phénomène « distillerie qui fait du purell »
Comme le Turbo Haüs n’était pas équipé pour faire des spectacles virtuels de qualité et que l’équipe n’avait ni le budget, ni le désir d’y consacrer le temps nécessaire, Sergio pense que son entreprise était vouée à se réinventer. Ne pouvant plus offrir de visibilité et de temps de scène aux musiciens, la direction du Turbo Haüs a donc voulu trouver une autre façon de redonner aux artistes montréalais. « Quand on a décidé de faire de la merch, une partie importante du processus était d’impliquer des artistes locaux pour faire les designs. L’artiste fait de l’argent, l’imprimeur fait de l’argent et nous aussi au bout de la ligne. Le but était de créer une chaîne de production locale dans laquelle on ne serait pas les seuls à profiter. »
Boutique en ligne du Turbo Haüs
Puis, l’équipe a travaillé son offre alimentaire. « L’avantage de fermer, s’il y en a un, c’est de pouvoir travailler sur des projets qu’on n’arrivait pas à faire. On a mis du temps sur notre menu, notre carte de cocktails et nos importations de vin, en plus de travailler sur des rénovations qu’on devait faire depuis longtemps. »
La réponse du public
Bien que la direction du Turbo Haüs ait rapidement décidé de repositionner son entreprise, il n’y avait pas de moyen de savoir si leurs efforts feraient l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. À part attendre.
Rapidement, les ventes en ligne de vêtements se sont mises à augmenter. Le secret de leur succès? « D’abord, les artistes visuels. On a plus de 10 designs différents en vente. Puis, on est vraiment chanceux d’être supportés par notre communauté. Beaucoup de ces gens-là sont des amis proches, beaucoup sont des gens que j’ai rencontrés en jouant de la musique pendant 10 ans. Les gens ont des bons souvenirs associés au Turbo Haüs, c’est facile de rallier des personnes avec qui tu as eu du plaisir. C’est certain qu’on fait des gros efforts pour être actifs sur les réseaux sociaux. Mais le secret, c’est simplement de pas être une marde avec les gens. Généralement, ça t’attire du bien. »
À l’approche de la réouverture du bar le 10 juillet dernier, Sergio a pu compter sur l’aide de ses frères, sans qui il n’aurait pas réussi à bâtir la grande terrasse extérieure où il a pu servir plusieurs dizaines de clients à la fois.
Crédit photo: Instagram Turbo Haüs
« On est vraiment chanceux de la réponse du public. Mais pour être vraiment honnête, on ne pourra jamais payer notre loyer sur la rue Saint-Denis en vendant des t-shirts. On y arrive avec la vente de marchandise et les subventions gouvernementales. On a eu de l’aide du fédéral avec une subvention d’aide pour les loyers commerciaux et la subvention salariale d’urgence pour nous aider à payer nos employés. Tout ça rassemblé a fait en sorte que nos coûts d’opération ont largement diminué et ça a été assez pour nous garder la tête hors de l’eau. »
Toutefois, Sergio Da Silva est conscient qu’il ne s’agit pas de la situation de tous. « C’est pas tout le monde qui a les ressources et la communauté nécessaires pour rester ouvert. Avec des places comme La Vitrola et les Katacombes qui ont fermé dans la dernière année, il faut faire attention à nos salles de spectacle. Perdre des salles comme ça de 200 à 500 places, ça fait en sorte que certains bands ne passent plus par Montréal. »
Ne pas se croiser les bras, mais se tourner un peu les pouces
Après plusieurs mois à s’adapter et se réadapter aux nouvelles directives de santé publique, le copropriétaire du Turbo Haüs a développé un certain lâcher prise. « À un moment donné, je me suis dit que ça ne servait à rien de me battre. Notre vie va être comme ça jusqu’à ce qu’on nous dise le contraire. D’ici là, j’essaie d’apporter des changements sur des aspects de ma vie sur lesquels j’ai le contrôle en essayant d’aider les gens autour de moi. Par contre, je comprends que c’est frustrant pour ceux qui ont une hypothèque, trois enfants, deux chars et pour qui la PCU n’est pas suffisante. »
Comme il n’existe pas de solution miracle (à part peut-être un vaccin), Sergio attendra patiemment le retour des spectacles, sans pour autant en faire son cheval de bataille. « D’ici à ce que les spectacles reviennent, on va continuer à faire comme on fait en ce moment, parce qu’on a vu que ça marche. Même sans spectacles, on offre maintenant un menu de qualité pour lequel les gens semblent se déplacer. Puis même quand on est fermé, on peut faire un peu d’argent avec la marchandise. »
Le Turbo Haüs (2040 Saint Denis St, Montreal, Quebec H2X 1E7) vend présentement des vêtements et des accessoires créés en partenariat avec des artistes d’ici sur sa boutique en ligne.
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