Wu-Tang Clan

Critique | Wu Tang Clan à l’Olympia de Montréal

On les croyait invincibles comme des samouraïs, mais Wu-Tang Clan s’est fait passablement avoir par la météo, mercredi soir. C’est donc une formation restreinte du crew qui s’est rendu à Montréal, le temps d’un spectacle mal organisé, comme c’est souvent le cas avec les shows hip-hop à L’Olympia.

À 20h15, le line-up de la salle située rue Sainte-Catherine se rend jusqu’à René-Lévesque. Problèmes de vestiaire, dit-on. En entrant, pas grand-chose à se mettre sous la dent, mais beaucoup à se mettre sur la tête, alors qu’un dude énervé lance des calottes dans la foule.

Quelques minutes plus tard, le collectif montréalais K6A entre timidement sur la scène, faisant rouler un gros dix minutes de beat instrumental. Les rappeurs arrivent finalement, enivrés par un accueil tiède qui devient manifestement hostile quand Filigrann se met à parler trop longtemps pour rien. Visiblement exténué, un gars du staff se charge d’aller lui saisir le micro pendant son énoncé.

À 22h, on pense que Wu-Tang s’apprête à débarquer, mais non, le pire est à venir : Gab Roy entre sur scène pour « animer » la foule. Après nous avoir dit que sa fille de 11 ans était cool et qu’elle aimait Wu-Tang, le « maître du web » tente malencontreusement de faire des blagues. Les huées sont inévitables, et il se résout à uniquement crinquer la foule. «M-T-E-H-O-D MAN», clame-t-il, avec grandiloquence (et dyslexie).

 

Wu-Tang moins trois

Une heure plus tard, la délivrance arrive. «Shaolin shadowboxing, and the Wu-Tang sword style / If what they say is true, the Shaolin and the Wu-Tang could be dangerous », entend-on résonner dans l’enceinte.

Photo par Martin Raymond.

Photo par Martin Raymond.

Deux secondes après, ce n’est pas un mirage : c’est bien l’ultime Ghostface Killah qui prend place. À l’instant, les mains de la peuplade forment de multiples W dans les airs. On se met à chercher les membres sur la scène chaotique. GZA est là. Inspectah, Raekwon et U-God aussi. Où sont les autres ?

Le jeu « chercher Method Man » devient alors la principale occupation de tous pendant 4-5 minutes. Quand C.R.E.A.M. débute, ceux qui pensent entendre le génie de How High se trompent : c’est un enregistrement sonore particulièrement efficace. Pour oublier, on se plait à regarder la foule éclectique, du barbu de 50 ans inspiration Rick Rubin au jeune gros thug habillé en pyjama de feutrine.

«Fuck the Weather. We traveled into a motherfuckin’ blizzard to be here», clame Inspectah Deck, afin d’expliquer le manque à l’appel des autres, pris à l’aéroport de New York. On comprend la situation, mais alors que débute Wu-Tang Clan Ain’t Nuthin’ Ta Fuk Wit, on ne peut cesser de se demander OÙ EST L’HOLOGRAMME TANT ATTENDU D’ODB !!??? L’hommage à la regrettée légende de Brooklyn en souffre et perd de son lustre.

Après des pièces solos ennuyantes de Ghostface et, surtout, U-God, on sent que le classique des classiques Protect Ya Neck s’en vient. Afin de compenser les verses de ceux qui sont absents, le crew invite des gens de la foule à les interpréter avec eux. C’est ainsi qu’une petite fille blonde de 12 ans montera sur scène pour remplacer Raekwon (qui est pourtant déjà là). Au niveau grandeur, le match fonctionne puisqu’elle mesure à peu près 5’1. Un gars rasé légèrement bridé se chargera d’ODB. L’intensité de la foule atteint alors son paroxysme. On dirait pourtant qu’elle manque d’énergie. C’est sans doute l’attente et l’organisation déficiente qui aura eu raison d’elle.

 

« J’ai payé 100$ pour c’t’esti d’show-là »

Son calvaire n’est pas fini. Après Gravel Pit, le show n’est même pas terminé que tout le monde se rue vers le vestiaire, sachant très bien que l’attente sera aussi interminable qu’à l’entrée. Les échos dans la file sont mémorables et représentent bien le sentiment d’amertume lié à ce rendez-vous manqué entre Wu-Tang et son public.

Photo par Martin Raymond.

Photo par Martin Raymond.

«J’ai rarement vu un show où c’que le monde câlice leur camp de même», indique Guillaume, alors que la file se contracte. «K6A, c’est ben meilleur que Wu-Tang», clame un homme qui sait faire la part des choses.

«J’ai payé 100$ pour c’t’esti d’show-là», justifie une dame en état d’ébriété pour dépasser quelques personnes par la droite. «C’est le 31 que les Haïtiens fêtent le réveillon», affirme avec précision un génie.

Alors que la prise des manteaux semble plus proche que jamais après 26 minutes d’attente, un garde de sécurité au look d’enfer s’en mêle. «Si vous voulez rester icitte jusqu’à demain matin, continuez de parler fort de même. Ça me dérange pas, j’vas être payé plus cher», scande-t-il, avec son Canada Goose bleu, ses jeans montés au nombril et ses deux boucles d’oreille scintillantes. «Farme ta yeule !», de rétorquer, avec tact, une gente dame.

L’Olympia s’est surpassé, comme d’habitude.

Photos en vrac
par Martin Raymond

 

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