S'embrasent

Critique théâtre: S’embrasent au Quat’Sous

Photo par Caroline Laberge

Jusqu’au 24 septembre 2011, le Théâtre Bluff présente au Quat’Sous la pièce S’embrasent, écrite par Luc Tartar, mise en scène par Eric Jean et mettant en vedette Francesca Barcenas, Cristian Baril, Matthieu Girard, Talia Hallmona et Béatrice Picard. Une pièce créée pour les adolescents, mais qui donne envie à tous de vivre l’amour avec un grand A.

Quand on entend théâtre pour adolescents, on a peur de tomber sur une pièce où des comédiens de 35 ans habillés en punk crient leur révolte et pleure l’amour perdu, ou encore à d’infantilisants discours sur les responsabilités, la drogue et la sexualité.

Heureusement, le Théâtre Bluff nous a habitués à mieux, et depuis sa création en 1990, s’échine à tisser des liens serrés avec les adolescents et un théâtre qui leur ressemble.  La mission en est plus qu’accomplie avec une de leurs dernières créations, S’embrasent, qui réunit toutes les générations à travers une fable universelle qui traite du coup de foudre.  Rien de moins.

Une cour d’école. Le beau gars et la nouvelle fille, ne s’étant pas cherchés, se trouvent embrasés par l’amour en un seul baiser.  Le temps s’arrête pour tous les témoins; ados, profs, même le directeur.  Mais pour la voisine octogénaire qui a tout vu de sa fenêtre, le temps recule et la ramène à sa jeunesse et à cet état indescriptible dans lequel le coup de foudre jette le monde. « Quatre-vingts ans bien sonnés. […] Pensez si j’en ai vu des baisers.  Mais des comme celui-là… »  Et la poésie opère.

On les imagine, ce Jonathan et cette Latifa, et on en est jaloux, tout comme le choeur de quatre adolescents tourbillonnant qui voudrait prendre leur place.  « Quand Jonathan marche dans le corridor, les filles, les gars, les profs, tout le monde mouille.  Même le directeur mouille. »  On s’y reconnaît, on aime l’humour et la spontanéité de ce texte rafraîchissant de l’auteur français Luc Tartar.

Texte minimal, liberté considérable

Le texte, à la base, ne comporte qu’une quinzaine de pages, permettant ainsi au metteur en scène, Éric Jean, toute la liberté d’une mise en scène éclatée et surprenante.  On ne s’ennuie jamais, on suit avec une attention soutenue toutes les chorégraphies subtiles et parfaitement contrôlées des comédiens.  On a même droit à des clins d’œil au karaoké, au rap et au house, « lightstick » en prime.

Photo par Caroline Laberge

La distribution est solide, mettant en vedette une Béatrice Picard, aussi légère et épanouie que le foulard rose qu’elle porte gracieusement. La comédienne, qui vient de fêter ses 82 ans, ne manque pas d’éblouir et d’émouvoir, nous rappelant comment nos aînés méritent notre attention, car ils sont des guides expérimentés et tout de même d’actualité.

Elle est entourée de Christian Baril, dont la justesse et l’aplomb impressionne et ravit,  Matthieu Girard, attachant et comique avec sa dégaine d’origine méditerranéenne, Talia Hallmona et Francesca Barcenas, toute deux un peu engoncée dans un ton trop « théâtral » au départ, qui s’est arrangé un peu au fil de la pièce, mais qui détonnait avec l’abandon des gars.  L’énergie et la fougue étaient au rendez-vous pour les cinq comédiens avec qui les spectateurs n’ont pas vu l’heure que dure la représentation passée.

L’adolescent qui sommeille en chacun de nous aurait certainement préféré aller voir cette pièce avec ses parents, au lieu de quelque chose comme La Mélodie du Bonheur.  Ça aurait probablement été plus enrichissant!

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