Critique théâtre | Richard III au Théâtre du Nouveau Monde
C’est à un texte de Shakespeare que s’attaque cette fois-ci le TNM, en présentant la pièce Richard III, mise en scène par Brigitte Haentjens, avec Sébastien Ricard dans le rôle titre.
Et ce dernier est tout simplement sublime dans le rôle du vil, manipulateur et perfide Richard III, cet être immonde prêt à tout, surtout à tuer, pour arriver à ses fins. Autant réussit-il à nous charmer qu’à nous dégouter par ses jeux hypocrites de manipulation.
On nous promettait une mise en scène contemporaine, résolument moderne, et c’est réussi. Les décors et costumes sont minimalistes, épurés, mais n’enlèvent pas moins de grandeur au jeu des acteurs. Brigitte Haentjens fait une relecture actuelle de la pièce, bien qu’elle ait été écrite en 1591, aux débuts de la carrière de Shakespeare.
Richard III nous ramène d’ailleurs à l’époque où les dynasties se succèdent au trône de l’Angleterre, alors que la Maison d’York est au pouvoir et laissera place aux Tudor avec la chute de Richard. La pièce fait le récit de son ascension au pouvoir, puis de son déclin et nous fait voir toute la complexité des jeux politiques de l’époque.
La distribution est impressionnante et les acteurs le sont tout autant. Marc Béland est excellent dans le rôle de Buckingham, allié et complice de Richard qui se voit ensuite trahi par ce dernier, mais c’est réellement Sylvie Drapeau qui vole la vedette (outre Sébastien Ricard, bien sûr) dans son rôle de Reine Élisabeth, qui n’hésite pas à tenir tête au monstrueux roi, avec une intensité émotionnelle fort convaincante.
Dans la même veine, la scène de la dernière nuit troublée de Richard III, juste avant la bataille fatale de Bosworth, n’est pas sans rappeler la dualité bon/méchant qui caractérise si bien le personnage de Gollum (Sméagol), dans Le Seigneur des anneaux. La ressemblance est frappante, à s’y méprendre, à croire que J.R.R. Tolkien s’est inspiré de Shakespeare pour mettre au monde cette créature emprise d’une soif de pouvoir sans morale. Ou peut-être est-ce inversement Ricard qui a inspiré son jeu de la célèbre trilogie… Mais peu importe, l’interprétation est juste, l’aliénation palpable.
On salue également le travail de traduction de Jean Marc Dalpé, qui réussit à rendre la poésie et le génie lyrique des mots de l’auteur anglais, tout en conservant sa vivacité d’esprit. Pour certains, la rupture de ton qu’occasionne l’accent québécois des deux voyous, les meurtriers complices de Richard (brillamment interprétés par Hubert Proulx et Francis Ducharme) pourrait sembler un blasphème à l’oeuvre de l’auteur, mais elle nous apparait ici comme une géniale idée, qui vient alléger le lourd propos du texte, les manigances et la corruption qui étouffent l’histoire. Leur présence déclenche des rires à tout coup et vient rythmer la pièce qui pourrait autrement s’étendre dans une atmosphère trop dramatique.
Une pièce à voir, qui malgré son âge, portent des propos toujours d’actualité, d’autant plus que le livret nous apprend que Richard III, dont on a récemment retrouvé les ossements, sera inhumé le 26 mars prochain à la cathédrale de Leicester…
Richard III est présenté au TNM jusqu’au 4 avril 2015.
- Artiste(s)
- Richard III
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre du Nouveau-Monde
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