Critique théâtre | L’Histoire révélée du Canada Français au FTA

C’est un pur plaisir que d’assister à cette coproduction éclatée du Nouveau Théâtre Expérimental et du Festival TransAmériques. Danses, clins d’œil et anachronismes abondent dans cette création des déjantés Alexis Martin et Daniel Brière.  

Malgré la durée exceptionnellement longue de cette représentation rassemblant les trois volets de la trilogie de L’histoire révélée du Canada Français, il n’y a aucun temps mort et les acteurs sont, du début à la fin, infatigablement drôles et justes.

Les multiples rôles de L’Histoire révélée du Canada Français sont interprétés avec brio et grande complicité par les polyvalents Gary Boudreault, Benoît Drouin-Germain, Steve Laplante, Pierre-Antoine Lasnier, Alexis Martin, François Papineau, Dominique Pétin, Carl Poliquin, Danielle Proulx et Marie-Ève Trudel, dans un amalgame de récits entrecoupés.

Ces personnages, poussés à l’extrême limite du stéréotype, s’entraident et s’envahissent, s’embrassent et s’égorgent, se moquent les uns des autres, forment des chœurs chantés et dansants, arpentent le Saint-Laurent;  ils racontent et jouent l’Histoire de leur peuple.

 
L’invention du chauffage central en Nouvelle-France

La première pièce de la triade, L’invention du chauffage central en Nouvelle-France, a pour contexte le froid, le terrible hiver qui semble ne jamais finir. Les personnages sont vêtus de combines, de bottes Huggs et de chapeaux de poils, mais, malgré leurs efforts pour se réchauffer, il y a toujours ce froid qui les rattrape et les paralyse.

Nous sommes au « pays des mots gelés », où les livres qu’on ne lit pas brûlent, où on parle le franglais et les langues amérindiennes, où les cultures se rencontrent et font ce qu’elles peuvent l’une de l’autre, souvent avec la plus profonde des incompréhensions.

 

Les chemins qui marchent

Après la neige, la pluie. Le deuxième volet de la trilogie, Les chemins qui marchent, colle de plus près à l’Histoire officielle, et est par conséquent plus léché, abusant du quétaine et de l’amateurisme : c’est un joli cabotinage d’une heure trente, ponctué de nombreuses pannes d’Hydro-Québec, de chansons lyrico-comiques, d’amour interdit et de rires presque incessants du public.

« Je me souviens », l’oubli, « Souviens-toi »

 

Le pain et le vin

La dernière pièce au programme, l’inédite Le pain et le vin, est plus introspective… et sanguinolente (!) que les deux premières, nous présentant des personnages décolonisés, révoltés, révolutionnaires, des Canadiens français qui veulent trouver, créer ou garder leur place dans le présent et dans l’Histoire. C’est l’été et le renouvellement des forces.

On y apprend comment fabriquer des herbes du bas du fleuve, pour fabriquer la « soupe mélangée » (en anglais « victory soup ») une des nombreuses allégories du texte, celle-ci par rapport à la colonisation anglaise de la Nouvelle-France.

L’Histoire révélée est une œuvre qui accapare l’esprit : on pense au traitement brutal réservé par les Européens aux peuples des Premières Nations, à l’absurdité égale de toutes les croyances, à l’importance accordée à la culture au Québec, au désir hoquetant d’indépendance des Québécois, au capitalisme « esclavageant » et au colonialisme en général.

Mention spéciale pour le sincère et divertissant personnage de pilier de taverne de Gary Boudreault, dans Le pain et le vin, ainsi que pour les costumes très bien réalisés de Judy Jonker et le décor ingénieux de Michel Ostaszewski, très mobile et manipulé sous nos yeux par les acteurs, qui explorent la scène lors des nombreux voyages de leurs personnages.

L’expérience des trois volets de ce « grand cycle théâtral » présentés en rafale est unique, divertissante et réflexive. Les fans d’Alexis Martin se régaleront de cette œuvre authentique et drôle, qui brasse des tabous en les décorant de grotesque, et qui rend l’Histoire du Québec intéressante et accessible à tous.

Vos commentaires