Le Chant de Sainte Carmen de la Main

Critique théâtre | Le Chant de Sainte-Carmen de la Main au TNM

2 mai 2013 – Théâtre du Nouveau Monde – Montréal

De retour dans un tout nouveau format, la Carmen d’À toi pour toujours, ta Marie-Lou débarque « su’a Main » avec sa gang. La pièce de Michel Tremblay de 1976 se métamorphose à son tour sous la musique de Daniel Bélanger et l’oeil expert de René-Richard Cyr, et devient Le Chant de Sainte Carmen de la Main.

Comme pour Belles-Soeurs, les trois comparses ont uni leur talent pour s’assurer un succès. Dans l’enceinte du TNM, du 30 avril au 25 mai, supplémentaire du 28 mai au 22 juin.

Le texte de Michel Tremblay est évidemment mis en relief et regorge d’actualité, malgré qu’il prenne place dans les années 70.  Carmen incarne la liberté, l’émancipation et l’espoir parmi la corruption.  Il est surtout question d’identité et d’affirmation, toutes valeurs liées aux artistes et créateurs, mais que l’on peut facilement extrapoler à d’autres niveaux.   Les dialogues restent absolument croustillants, surtout l’interrogatoire entre Gloria (France Castel) et Carmen (Maude Guérin).  Le seul bémol est que l’issue de l’histoire est connue d’avance, et qu’aucun punch ne surprend ni n’émeut finalement.  Il est quand même désolant de constater sa chute, puisqu’on s’identifie absolument à elle.  Carmen reste la porte-parole des Tremblay de ce monde.

La Carmen de Maude Guérin est solide, mais  elle nuance seulement en force.  Elle est volontaire jusque dans ces doutes et ça nous empêche d’avoir un accès totalement authentique à ses émotions.  Maurice, joué par Normand D’Amour, est quant à lui extrêmemt convaincant, aux côtés de Bec-de-lièvre, sa soeur, une méconnaissable Évelyne Gélinas.  Benoit McGinnis est fidèle à lui-même, dans un personnage de composition réussi.

On ne peut éviter de parler du choeur, qui recèle carrément l’âme du show.  Soutenue par la musique, la gang de prostituées, drag, travelos, androgynes de la Principale ( main en anglais, et non pas la main au bout du bras) portent à la fois le fardeau et le rêve, inspirés par Carmen, mais aussi dépendants d’elle.  Étant leur muse, ils sont en proie face à son magnétisme, mais aussi cruellement interdépendants.  Leur présence sur scène est indéniablement nécessaire et la puissance de leurs voix réunies prend aux tripes.  On souligne la présence de musiciens live, qui participent aussi à la mise en scène et sont visibles tout au long, en coulisse.

La mise en scène de René-Richard Cyr est d’ailleurs axée sur la mise à nue, le dévoilement et la mise en abyme. Le fameux théâtre dans le théâtre permet que les acteurs soient toujours là, présents en arrière-scène, l’oreille tendue et l’oeil alerte.  Ils sont chantant de vie et criant de vérité, portés par la partition fidèle de Daniel Bélanger.  Fidèle au texte, fidèle au sens, fidèle à l’âme des personnages.  Un bon blues pour Maurice, une balade pour Bec-de-lièvre et un hymne au changement comme finale.

Le succès de l’oeuvre repose encore une fois sur le fait que l’on y parle notre langue, qui en plus est chantée.  On est loin d’une traduction ou adaptation pincée d’un musical américain et c’est ce qui plait.  Mettons maintenant au défi les créateurs de théâtre musical et surtout les producteurs, de prendre le pari de créer quelque chose de frais et neuf à partir de rien, dans la langue de chez nous.  Ainsi les générations futures auront d’autres oeuvres à aborder dans 25 ans que celles qui auront été écrites 50 ans plus tôt.  Comme Carmen, ayons l’audace d’évoluer, peu importe le prix.

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