Critique théâtre | King Dave au Prospero
Le roi du monologue, Alexandre Goyette, est de retour dans la salle intime du Prospero avec King Dave, spectacle qui lui a valu les Masques de Meilleur texte et de Meilleure interprétation en 2005. Cette pièce coup-de-poing fut encensée dès sa création et son succès ne pâlit pas. À voir ou à revoir, jusqu’au 18 mai.
Une chambre et une salle de bain trop petite pour le gaillard, il ne nous en faut pas plus pour voir naître mille décors. Le métro de Montréal, la forêt de Rivière-des-Prairies, la maison d’un riche mafieux de Laval, le « king » nous entraîne de sa poésie agressive dans les méandres des malheurs dont il est le héros.
Dans une langue près de la culture hip-hop et haïtienne, Goyette se glisse aisément dans la peau du jeune homme naïvement tombé dans le piège béant des gangs de rue, mais trop lucide et trop enragé pour se défaire de sa haine. La force du texte est là, dans la réflexion qu’on se fait, en tant que témoin impuissant sur la scène et dans la vie, face à un enfant qui se prend le pied dans l’engrenage : y a-t-il vraiment moyen de retourner les pendules?
Le personnage de David Morin, alias King Dave, est puisé directement à la source, dans une réalité crue, autant aveuglante que désarmante, que l’auteur a effleurée dans sa jeunesse. Même s’il assure ne pas être dans l’autofiction, la vraisemblance des voix qu’ils empruntent tour à tour au fil de son histoire impressionne.
Goyette est un athlète de haut niveau. À bout de souffle et fiévreux le trois quart de la pièce, il réussit à nuancer d’apartés cinglants et savoureux, pour ensuite incarner tous les personnages que David croise, même les filles. S’il transpire comme dans un marathon à 40°C, on sent le plaisir de l’acteur et la passion de l’auteur. Il détient tous les avantages de l’auteur-compositeur-interprète ; liberté, plaisir et sensibilité aux mots, puisque ceux-ci lui appartiennent.
Comme le bonheur des uns fait le malheur des autres, il a fallu que le spectacle Pig de Simon Boulerice soit annulé pour qu’Alexandre Goyette décide de réanimer King Dave. Une belle idée qui, espérons-le, saura convaincre même les plus réticents néophytes à s’attarder à un théâtre aussi vrai que nature.
- Artiste(s)
- King Dave
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Prospero
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