Critique théâtre | Ignorance à l’Espace Libre

Un public nombreux s’entassait sur les bancs de l’Espace Libre pour assister au métaphorique Ignorance, un délicieux spectacle de marionnettes de The Old Trout Puppet Workshop, qui est présenté de nouveau cette année du 11 au 15 mars.

Photo de courtoisie

Photo de courtoisie

Cette petite histoire du bonheur (qui ne se concentre toutefois que sur l’âge de pierre et l’ère postmoderne) est narrée avec humour par l’accent anglophone de Judd Palmer et allègrement interprétée par Nicolas Di Gaetano, Trevor Leigh et Viktor Lukawski. Agréablement loufoques dans leurs combines grises et bonnets à crête leur donnant vaguement l’air de dinosaures, les trois marionnettistes impliquent avec énergie l’entièreté de leur corps dans la manipulation des pantins.

L’action se déroule à l’intérieur et au pourtour d’une grande sculpture de bois faisant principalement office de caverne, et dont une des parois est une toile tendue servant à plusieurs reprises d’écran de projection. L’ingénieusement polyvalente scénographie d’Ignorance, à travers une mise en scène rythmée, fait aisément passer le spectateur du monde préhistorique des marionnettes à simple tête de bois et de poil au monde actuel de celles au morne visage de papier mâché et au corps moelleux.

Le ton est vite donné par l’ironie sans lourdeur de la narration et les onomatopées grognées par les interprètes, et les rires sont dès le départ généreux dans l’assistance malgré les données et conclusions déprimantes énoncées régulièrement par le narrateur. La recherche du bonheur, raison d’être des Occidentaux, est abordée sous plusieurs coutures au cours du spectacle : Sommes-nous heureux ? Pourquoi voulons-nous l’être ? Comment y parvenir ? Une fois nos rêves de bonheur réalisés, que faisons-nous ?

Photo de courtoisie

Photo de courtoisie

La conception que nous avons présentement du bonheur, selon The Old Trout, est la récompense de la nature pour les gagnants, et n’est donc pas accessible à tous. Il est d’ailleurs représenté par des ballons gonflables au sourire niais, précaire et insaisissable.

Le titre vient de ce qu’il semblerait que « l’ère de l’ignorance », ici l’ère préhistorique, ait peut-être été le temps le plus heureux de l’humain, alors qu’il n’y avait pas l’imagination et les déceptions causées par la confrontation des rêves avec la réalité. En effet, les protagonistes d’Ignorance sont constamment en quête de mieux, ne semblent jamais satisfaits, et, comme c’est notable en Amérique du Nord, ils en veulent toujours plus, ce qui peut mener à des conséquences dramatiques…

Bref, cette production de vaillants marionnettistes voyageurs vaut franchement le détour, autant pour ses attachants pantins que pour la très actuelle réflexion sur le bonheur qu’elle nous impose. L’organisme canadien The Old Trout Puppet Workshop a très certainement élargi son bassin de spectateurs fidèles avec Ignorance, un spectacle aussi ludique que captivant.

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Ignorance se tient au Théâtre Espace Libre du 11 au 15 mars.

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